Un éditeur contemporain présente ainsi une collection d'ouvrages littéraires: La modernité n'a rien à voir avec la date de parution des écrits. Des textes écrits il y a plusieurs siècles sont résolument modernes. Ils répondent parfois mieux que les oeuvres plus récentes à nos préoccupations et à notre soif de beauté. Partagez vous cette opinion ? Vous appuierez votre réponse sur des analyses tirées de vos lectures.
Publié le 09/12/2021
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Quels rapports entretient une œuvre littéraire avec le temps ? Est-elle de son temps, à la mode, d'avant-garde ouest-ce le propre des chefs-d'œuvre que de se situer hors du temps ? Un éditeur contemporain affirme par exempleque « la modernité n'a rien à voir avec la date de parution.
Des textes écrits il y a plusieurs siècles sont résolumentmodernes.
Ils répondent parfois mieux que des œuvres plus récentes à nos préoccupations et à notre soif debeauté.
»Nous tenterons de voir quels éléments - en dehors de la date de composition ou de publication - « datent » uneœuvre et expliquent qu'elle vieillit bien ou mal et, inversement, pourquoi une œuvre datant de quelques sièclescontinue de plaire.
On peut regrouper sous trois rubriques les éléments susceptibles de dater une œuvre, de lui assigner une place dansla chronologie, dans l'histoire littéraire : la langue, le contexte présidant à la composition et le mouvementartistique.Langue et style constituent deux repères à peu près objectifs, dans la mesure où l'auteur a bien utilisé la langue deson époque, sans l'orner volontairement d'archaïsmes ou, au contraire, de néologismes.
Ainsi, la littérature du MoyenAge appartient pleinement à son époque par la civilisation et la société qu'elle évoque (chevaliers, sénéchaux,mythe de la forêt, courtoisie) et par la langue.
Dans ce cas comme dans celui des œuvres du xvie siècle, la langueconstitue un obstacle pour qui ne sait pas ou ne désire pas la déchiffrer.
Elle est évidemment source de plaisir pourle lecteur averti qui trouvera les traductions bien fades.
Certaines formes d'écriture semblent égalementrébarbatives à première vue car la distance avec notre mode d'expression est immense.
Certains élèves se plaignentpar exemple de ne pas comprendre l'alexandrin de Corneille ou de Racine.
Certaines formes fixes comme les stancesdans Le Cid nous semblent archaïques.
Cependant, ce ne sont là que difficultés techniques.
Une fois éclaircies,l'œuvre peut nous livrer sa sensibilité parfois en accord avec nos problèmes les plus contemporains.
Bérénice,tragédie de Racine, peut se lire comme une pièce sur l'intemporel problème de l'amour impossible.
De même, lespressions exercées par Pyrrhus sur Andromaque ne se réactualisent-elles pas à notre époque qui a, pour sondéshonneur, remis en usage le système de la prise d'otages ? Et que dire de l'analyse humaine des Essais deMontaigne, des projets éducatifs de Rabelais ? Quant aux formes fixes, stances, rimes compliquées, et acrobatiesverbales en usage chez les Grands Rhétoriciens, Aragon y a puisé parfois son inspiration de même qu'Apollinaire quiremet en vigueur le calligramme, déjà connu au xviie siècle chez les Baroques...Le contexte présidant à la composition de l'œuvre explique parfois qu'elle nous semble démodée et qu'elle neréponde pas à notre demande.
C'est notamment le cas de l'œuvre de circonstance.Comme son nom l'indique, celle-ci naît pour une occasion particulière : œuvrette de théâtre amateur au xviiie siècleconçue pour honorer ou remercier un hôte, cadeaux rimes par un poète illustre qui s'amuse ainsi, comme Mallarméqui campe quelques vers sur un éventail offert, ou quelque autre occasion de la vie familiale ou mondaine ! Ces versde circonstances, sauf quand on peut les classer dans les œuvres mineures d'un grand auteur, sont éphémères.
Lalittérature militante développerait une problématique assez similaire.
Elle aussi naît à l'occasion d'un événementprécis, mais quidépasse le cadre personnel pour rejoindre l'actualité nationale ou internationale.
Profondément enracinée dans laréalité et par conséquent datée, elle peut néanmoins rejoindre des préoccupations, morales entre autres,intemporelles.
Ainsi, les guerres de religion du xvie siècle engendrent des œuvres aussi différentes que Les Tragiquesd'Agrippa d'Aubigné, le poète protestant, certaines pages des Essais de Montaigne, les Commentaires du guerrierMontluc et des Discours de Ronsard.
L'esprit partisan anime tous ces hommes, sauf Montaigne qui déplore lesviolences commises de part et d'autre.
L'œuvre engagée doit conserver une importante part réflexive si elle veutcontinuer à être lue au-delà du problème précis pour lequel elle prend fait et cause.
C'est pourquoi on continue à lireLe Traité sur la Tolérance, au titre si explicatif, de Voltaire rédigé pour l'affaire Calas alors que Les Provinciales dePascal ne nous émeuvent plus guère parce que les persécutions contre lesjansénistes de Port-Royal nous paraissent appartenir à la lointaine histoire religieuse du xviie siècle.
La littératuremilitante se débat entre deux écueils.
Conçue pour servir une cause précise, elle nesurvit que si elle dépasse ce contexte social, politique, religieux ou moral pour rejoindre les grandes questions defonds que se pose l'humanité de tout temps et qu'elle accepte de lire, réactualisée par telle ou telle conjoncture.C'est pourquoi, à la lueur de certains événements, telle œuvre engagée connaît un regain de vitalité, commecertaines pièces contre la royauté sous la Restauration par exemple.Plus difficile à cerner apparaissent les œuvres étroitement liées à un contexte artistique.
Comme les précédentes,elles sont dépendantes de leur époque, non pour des raisons politiques, mais pour des mots-d'ordre artistiques.Certaines œuvres ne se lisent qu'en fonction de leur appartenance à un mouvement artistique dont elles sontl'émanation directe.
Ainsi, le drame bourgeois, rarement lu ou représenté de nos jours, connu seulement desspécialistes qui, eux-mêmes, ne peuvent en dissimuler la médiocrité, répondait parfaitement à la demande du publicbourgeois, moralisant, voire puritain de la fin du xviiie siècle.
Si La Mère coupable de Beaumarchais, dernier volet dela trilogie du Barbier de Séville et du Mariage de Figaro échappe à peu près à la médiocrité de toute cetteproduction, c'est parce que les personnages créés dans les pièces précédentes et la verve de l'auteur transcendentles règles du genre.
Le spectacle monté cette saison à la Comédie Française en fournit la preuve.
De même, ledrame romantique et ses outrances nous laisse froid, à part si l'on garde quelque tendresse pour les alexandrinsd'Hernani et le panache de Ruy Blas.
Et comment vieilliront les pièces à thèse de Sartre, de Camus ? Lira-t-ontoujours avec autant de respect le théâtre de l'absurde de Beckett et de Ionesco, ou l'homme du xxie siècleréclamera-t-il une autre expression pour son angoisse métaphysique ? L'œuvre qui répond exactement à la demandedu public connaît le succès.
Au pire, elle est à la mode, ce qui sous-entend qu'elle se démodera.
Au mieux, ellereprésente une époque ce qui équivaut à dire qu'elle vieillira...Par leur langue, leur style, les circonstances personnelles, politiques, religieuses ou esthétiques qui ont présidé àleur naissance, les œuvres s'enracinent dans leur époque et sont donc susceptibles de ne pas nous plaire.
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