Un dramaturge contemporain, Armand Salacrou soutient qu'une pièce n'est pas faite pour les personnages, mais les personnages pour la pièce. Vous expliquerez et discuterez cette opinion en vous fondant sur des exemples choisis dans le théâtre français de toutes les époques ?
Publié le 08/12/2021
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On parlera plus facilement de situation théâtrale que de situation romanesque (quand on parle de « situation romanesque », on ne se réfère pas tellement au genre du roman, on veut dire situation extraordinaire comme dans les mauvais romans; au contraire quand on parle de situation théâtrale, on pense expressément au genre littéraire correspondant). 3. Primauté d'un univers dramatique. Les cas précédents sont encore un peu particuliers, car ils s'appliquent à des auteurs qui ont une certaine conception du genre théâtral ou de l'homme. Ce que veut signifier exactement Salacrou, c'est que, de par la nature même du genre, un dramaturge conçoit plutôt sa pièce que ses personnages. En d'autres termes, ce qui est premier, c'est la volonté d'imposer une certaine unité dramatique, une certaine harmonie qui est proprement théâtrale. Salacrou pense à la « vie poétique de la pièce » : ainsi Andromaque de Racine n'est ni l'illustration d'un système dramatique ni la présentation d'un certain nombre d'idées sur l'homme, c'est avant tout un certain univers où tous les personnages poursuivent une ombre, ombre d'un amour qui échappe ou ombre d'un mort - univers de l'irréel où chacun voit les autres comme il voudrait qu'ils soient. Le destin même qui domine cette pièce n'est guère une idée sur l'homme, mais là encore une sorte d'atmosphère étroitement en harmonie avec cette passion de l'impossible. Salacrou semble être en accord avec les plus grands créateurs; la primauté d'un caractère unique, amoureusement travaillé par son auteur est bien souvent une faute théâtrale : bien souvent ce héros privilégié qui hante son auteur n'est autre que l'auteur lui-même. Rostand, Montherlant trouvent précisément leurs limites dans cette incapacité à sortir de quelques caractères toujours semblables et Mallarmé dut renoncer au théâtre faute de pouvoir concevoir un personnage différent de lui-même (cf.
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Introduction
On peut introduire sur le problème de la création littéraire: alors que, dans la création romanesque, il semble bienque ce soit avant tout ses personnages que rencontre l'auteur (en lui et dans la vie), un dramaturge contemporainestime que ce ne sont pas les personnages qui s'imposent d'abord au créateur théâtral, mais un réseau de relationshumaines et poétiques, ce qu'il appelle pièce » : « Une pièce n'est pas faite pour les personnages, mais lespersonnages pour la pièce », affirme en effet Armand Salacrou.
On voit le caractère un peu paradoxal de la formule,surtout si l'on pense à l'explication « psychologique » à laquelle le théâtre classique a habitué le spectateur; mais, àla réflexion, il apparaît que très souvent le dramaturge a une « mélodie » scénique à jouer plus que des personnagesà faire vivre, ce qui veut pas dire que le personnage théâtral ne vit pas, mais il vit dune manière particulière, dansun monde particulier.
I.
La primauté des liens scéniques.
Ecarter des cas intéressants, mais faciles, où l'auteur veut appliquer des théories ou exposer des idées.)
1.
Primauté du système théâtral. De nombreuses pièces doivent le jour à la volonté d'illustrer une dramaturgie; par exemple, entre : :i d'autres, la Cléopâtre de Jodelle et surtout divers drames romantiques : Hernani de Hugo,Othello de Vigny, etc....
2.
Primauté d'un système d'idées. D'autres auteurs veulent illustrer me thèse : certains défendent un véritable système philosophique Curel, Gabriel Marcel, Gide, etc.), mais, sans même aller si loin, la plupart sont préoccupésd'étudier un certain type de rapports humains qui, généralement, caractérise leur théâtre : Corneille semble plussoucieux d'enfermer Chimène, Rodrigue, Don Diègue et Don Gormas dans un mécanisme où éclateront leur gloire » etleur « générosité » que de peindre en détail un héros de son choix.
La meilleure preuve en est qu'il peut faire jouerion système théâtral avec des individus moralement méprisables, comme la Cléopâtre de Rodogune.
C'est que lethéâtre, plus que lente et fine psychologie, est rapports entre les personnages.
On parlera plus facilement desituation théâtrale que de situation romanesque (quand on parle de « situation romanesque », on ne se réfère pastellement au genre du roman, on veut dire situation extraordinaire comme dans les mauvais romans; au contrairequand on parle de situation théâtrale, on pense expressément au genre littéraire correspondant).
3.
Primauté d'un univers dramatique. Les cas précédents sont encore un peu particuliers, car ils s'appliquent à des auteurs qui ont une certaine conception du genre théâtral ou de l'homme.
Ce que veut signifier exactementSalacrou, c'est que, de par la nature même du genre, un dramaturge conçoit plutôt sa pièce que ses personnages.En d'autres termes, ce qui est premier, c'est la volonté d'imposer une certaine unité dramatique, une certaineharmonie qui est proprement théâtrale.
Salacrou pense à la « vie poétique de la pièce » : ainsi Andromaque deRacine n'est ni l'illustration d'un système dramatique ni la présentation d'un certain nombre d'idées sur l'homme, c'estavant tout un certain univers où tous les personnages poursuivent une ombre, ombre d'un amour qui échappe ouombre d'un mort — univers de l'irréel où chacun voit les autres comme il voudrait qu'ils soient.
Le destin même quidomine cette pièce n'est guère une idée sur l'homme, mais là encore une sorte d'atmosphère étroitement enharmonie avec cette passion de l'impossible.
Salacrou semble être en accord avec les plus grands créateurs; laprimauté d'un caractère unique, amoureusement travaillé par son auteur est bien souvent une faute théâtrale : biensouvent ce héros privilégié qui hante son auteur n'est autre que l'auteur lui-même.
Rostand, Montherlant trouventprécisément leurs limites dans cette incapacité à sortir de quelques caractères toujours semblables et Mallarmé dutrenoncer au théâtre faute de pouvoir concevoir un personnage différent de lui-même (cf.
Hugo qui déclarait : «Génie dramatique : être les autres »).
II.
Puissance de vie du personnage théâtral.
Et pourtant une fois l'œuvre écrite, si elle est bonne, il est incontestable que certains personnages se lèvent pourvivre d'une vie puissamment indépendante de celle de la pièce : d'où il résulte cette illusion que la pièce a été crééepour ces personnages.
1.
L'illusion psychologique. En effet pour le spectateur, l'importance du personnage est extrême : la présence physique de l'acteur la lui impose, alors que l'harmonie scénique, plus subtile, peut lui échapper en partie.
Lecommentaire le plus simple du spectateur moyen porte sur le personnage : « Il est ceci, il est cela »....
Lespectateur populaire va même jusqu'à prendre parti, à le juger moralement, comme un vivant, mais un vivant plussignificatif et mieux tranché.
Le spectateur plus lettré, celui notamment qui lit la pièce, est plus sensible audialogue, ce qui accroît encore l'illusion que la psychologie est le but de la création théâtrale.
2.
Le théâtre, grand fournisseur de types. Pour toutes ces raisons le théâtre laisse avant tout des souvenirs de types plus que d'intrigues (souvent difficiles à saisir) ou de descriptions, qui sont rares.
Aussi toute une humanitéthéâtrale se mêle à nos pensées : qu'il y ait conflit entre la morale et la loi et nous songeons à Antigone, qu'unjeune homme souffre de la destinée et c'est un Hamlet, qu'un homme trop vertueux veuille corriger ses semblableset on l'appelle un Alceste; devant le malheur d'une femme veuve et mère, l'ombre d'Andromaque nous suggère unenoble pitié, etc....
3.
Ces types sont indépendants de leur intrigue particulière. Le plus curieux, c'est que ces types, si liés à.
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