Turquie (1994-1995): Tensions et effervescence
Publié le 30/09/2020
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Turquie (1994-1995): Tensions et effervescence
Depuis 1993, la Turquie était dirigée par une coalition formée par le DYP (Parti
de la juste voie, centre droit), du président Süleyman Demirel et du Premier
ministre Tansu Çiller, et le SHP (Parti social-démocrate populaire, fondu en
mars 1995 dans le CHP, Parti républicain du peuple, centre gauche).
La montée du
parti islamiste Refah Partisi (RP, Parti de la prospérité) aux élections
municipales du 27 mars 1994 avait provoqué un choc; un an plus tard, il semblait
estompé: la vie des Stambouliotes n'en a guère été affectée.
Le Refah semblait
toutefois craint par le gouvernement, qui a ajourné par deux fois des élections
partielles dans le Sud-Est.
Certains cercles du pouvoir n'en ont pas moins
montré de l'indulgence à l'égard des islamistes: en décembre 1994, la Cour de
sûreté de l'État a condamné à des peines modérées les auteurs du massacre de
Sivas qui, le 2 juillet 1993, avait provoqué la mort de trente-sept
intellectuels de gauche.
Le 15 mars 1995, la police n'a pas hésité à tirer sur
une foule de manifestants alévis (obédience spécifiquement anatolienne de
l'islam chiite, laïque et progressiste), faisant plus de vingt morts.
La fragilité de la coalition gouvernementale a continué de bloquer la vie
politique turque en 1994-1995: le conservatisme de la majorité parlementaire a
fait obstacle aux réformes, pourtant périodiquement annoncées.
La Constitution
de 1982 a encore joué activement son rôle répressif (début 1995, plus de cent
personnes étaient emprisonnées pour délit d'opinion).
De célèbres écrivains
comme Aziz Nesin et Yachar Kemal ont fait l'objet de poursuites judiciaires.
Le
YDH (Mouvement pour une nouvelle démocratie), constitué en parti en décembre
1994, et préconisant une solution politique au problème kurde, une
libéralisation complète de l'économie ainsi qu'un renforcement de la séparation
entre l'État et la religion, est resté en marge.
Violente répression contre les insurgés kurdes
La prise en charge du problème kurde est restée confiée aux seuls militaires.
Le
conflit opposant l'armée aux insurgés du PKK (Parti des travailleurs du
Kurdistan) a fait 13 000 victimes entre 1984 et 1995 (3 700 en 1994); selon la
Ligue turque des droits de l'homme, 1 400 villages auraient été évacués ou
brûlés, et des centaines de milliers de personnes déplacées; il y aurait eu en
1993 et 1994 des centaines d'assassinats ou exécutions extra-judiciaires dans le
Sud-Est.
La violence exercée par le PKK, notamment les assassinats
d'instituteurs, a elle aussi fortement choqué la population.
En 1994, le gouvernement a cru pouvoir réduire définitivement la guérilla kurde
par de vastes offensives militaires dans le Sud-Est.
Les opérations de
ratissage, très meurtrières, se sont étendues géographiquement; la violence des
moyens employés a provoqué des protestations jusqu'au sein du gouvernement, dont
on a pu se demander s'il contrôlait encore l'armée.
Un appel au cessez-le-feu du
dirigeant du PKK Abdullah Öcalan en décembre, assorti d'une déclaration de
renonciation à créer un État kurde, n'a pas entamé la détermination de l'armée.
Faisant suite à des raids de l'aviation turque sur le nord de l'Irak (peuplé de
Kurdes et échappant au contrôle de Bagdad depuis la guerre du Golfe de 1991),.
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