Tunisie (1987-1988)
Publié le 27/09/2020
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Tunisie (1987-1988)
La Tunisie a connu, le 7 novembre 1987, un changement politique majeur.
Le
crépuscule du "combattant suprême" Habib Bourguiba s'est achevé ce jour-là.
"Face à sa sénilité et à l'aggravation de son état et se fondant sur le rapport
médical y afférent, le devoir national nous impose de le déclarer dans
l'incapacité absolue d'assumer les charges de la Présidence de la République." A
l'écoute de ce communiqué, lu à la radio par le nouveau président Zine
el-Abidine Ben Ali, le peuple tunisien apprenait avec un immense soulagement le
départ du Père abusif et impotent.
Ainsi s'achevait un drame de sérail et de coulisses qui avait pris des
proportions grotesques et effrayantes.
Le dimanche 27 septembre, le procès à
grand spectacle des militants islamistes accouchait d'un verdict relativement
clément.
Plusieurs condamnations à mort certes, mais le leader, l'imem du
Mouvement de la tendance islamique (MTI), Rached Ghannouchi, échappait à la
potence, grâce en partie à l'influence du ministre de l'Intérieur, le général
Zine el-Abidine Ben Ali, que Bourguiba nommait, le 2 octobre, Premier ministre.
Très vite, l'entourage du vieux patriarche - il ne jouissait plus que de
quelques heures de lucidité par jour - se déchaînait contre Zine, cinquante et
un ans, perçu comme un dangereux rival.
L'atmosphère devenait irrespirable.
La
volonté de Bourguiba d'ouvrir un second procès anti-islamiste et de faire, cette
fois, exécuter Ghannouchi - un acte dont les conséquences auraient été
incalculables - décidait Ben Ali à agir.
Avec l'aide du commandant de la garde
nationale Habib Ammar, il destituait Bourguiba et cueillait le pouvoir comme un
fruit mûr.
Le soulagement fut général et l'état de grâce s'installa aussitôt.
Bourguiba fut placé en résidence surveillée et le nouveau pouvoir tenta, en
douceur, de réformer le parti (qui changea d'appellation), l'État et le mode
d'exercice du pouvoir.
Un dialogue s'instaura avec l'opposition, quelques exilés
revinrent, la présidence à vie fut abolie, les droits de l'homme furent mieux
respectés et le style de gouvernement - plus direct, moins emphatique - changea.
Sur le plan diplomatique, les autorités ont cherché un nouvel ancrage dans le
monde arabe, prenant ainsi quelque peu le contre-pied de la politique très
pro-occidentale de Bourguiba.
Ainsi, après l'assassinat le 16 avril non loin de
Tunis du "numéro deux" de l'Organisation de libération de la Palestine, Khalil
al-Wazir (Abou Jihad) par un commando israélien, le gouvernement a-t-il proclamé
sa solidarité avec les Palestiniens.
Seuls les militants islamistes n'ont pas réellement bénéficié de l'état de
grâce.
A la mi-1988, leurs leaders demeuraient emprisonnés (à l'exception
notable de Rachid Ghannouchi, libéré en mai), et la nouvelle Charte consacrant
le multipartisme excluait de toute reconnaissance officielle les mouvements
fondés sur la religion.
De plus, en réintroduisant l'islam dans la vie
quotidienne et en "délaïcisant" quelque peu la société, le pouvoir avait non
sans habileté retiré bien des arguments au courant islamiste.
Six mois après la chute du vieux lion, le véritable défi, en fait, restait à la
fois psychologique et économique: mobiliser les Tunisiens que trente années de
patriarcat ont incité à tout espérer des décisions venues d'en haut, et remédier
au marasme social et financier.
L'un des poids les plus lourds de l'héritage
bourguibien..
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