TROIS PRÉCURSEURS: CHARLES CROS, TRISTAN CORBIÈRE, GERMAIN NOUVEAU

« CHARLES CROS (1842-1888) Charles Cros est un méridional, qui vint mener à Paris une vie de bohème.

La science et la poésie l'attirentégalement.

Il découvre, sans parvenir à s'imposer, le principe de plusieurs inventions, et notamment duphonographe.

En 1873, il publie un recueil étrange, Le Coffret de santal.

Charles Cros doit surtout son renom d'écrivain à des monologues et à des poèmes humoristiques (Le Bilboquet, Le Hareng saur).

Mais son humour grince parfois; et une inquiétude profonde apparaît dans quelques poèmes en prose aux accents pathétiques, par exempledans L'Heure froide, où le poète évoque la solitude et l'angoisse de la nuit : « Alors être seul chez soi sans dormir, c'est l'horreur.

Il semble que l'ange de la mort plane sur les hommes, profitant de leur sommeil implacable pour choisirsa proie pendant que nul ne s'en doute.

» TRISTAN CORBIÈRE (1845-1875) Tristan Corbière est un Breton épris d'aventures maritimes et de poésie.

En 1868, il quitte sa province et part encroisière; il visite la Palestine, puis l'Italie.

En 1871, il se fixe à Paris; mais il a une mauvaise santé; la viedésordonnée qu'il mène dans la capitale l'épuise; et il meurt avant d'avoir accompli sa trentième année.

Corbière laisse un recueil émouvant, Les Amours jaunes (1873).

On y découvre des fresques puissamment évocatrices de l'Armor ou de la vie des « gens de mer »; de lucides confidences sur son destin de lyrique avorté (Le Crapaud); de mordants sarcasmes à l'adresse de la vie, de l'amour et de l'art.

Corbière se moque de l'élégie lamartinienne, de lafrénésie byronienne et de l'inspiration humanitaire du « garde-national épique » Victor Hugo.

Par réaction contre lesponcifs du romantisme, il accumule les coq-à-l'âne, les calembours, les fantaisies rythmiques; et son émotion mêmes'accompagne presque toujours d'une nuance d'humour ou d'ironie : Où battaient-ils ces pavillonsÉcharpant ton ciel en haillons!...— Dors au ciel de plomb sur tes dunes...Dors : plus ne viendront ricocherLes boulets morts sur ton clocherCriblé — comme un prunier — de prunes. (Au vieux Roscoff) GERMAIN NOUVEAU (1852-1920) Germain Nouveau, un Provençal, fut à la fois peintre et poète.

A la fin de 1873, il se lia avec Rimbaud et le suivit àLondres; plusieurs pièces du manuscrit des Illuminations sont copiées de sa main.

Sous l'influence de Verlaine, il se convertit à la foi chrétienne; mais il ne cessa de mener une vie de bohème.

Dans ses poèmes, publiés pour la plupartaprès sa mort en un recueil intitulé Valentines, la fantaisie voisine avec la tendresse et la ferveur.. »