Travail servitude
Publié le 15/06/2024
Extrait du document
«
Le travail n’est-il que servitude ?
Introduction :
L’étymologie latine associe l’idée de travail à celle d’une activité pénible: le mot "tripalium"
désigne en effet l'instrument composé de trois pieux utilisé pour ferrer les chevaux, et par suite,
un instrument de torture.
N'est-ce pas d'ailleurs ainsi qu'est perçu d'abord le travail, à savoir
comme une activité contraignante et pénible? Le travail en tant qu'activité de production des
moyens de satisfaire les besoins humains, et donc production des conditions même de l'existence
humaine est d'abord ce à quoi nous contraint les impératifs de la subsistance, et donc apparaît
comme une contrainte naturelle.
Mais en tant que travail socialement organisé, n'est-il pas aussi
une contrainte sociale ? Doit-on considérer alors que le travail n'est que servitude ?
Problématique :Si le travail apparaît bien comme une servitude dans la mesure où il renvoie à une
nécessité biologique et sociale, assujettissant l’individu à ses besoins ainsi qu’à ceux de son
groupe social, n’est-il pas aussi ce par quoi l’homme se libère et s’humanise en même temps qu’il
transforme le monde extérieur ?
Plan : (I) le travail semble à première vue être ce qu'il faut endurer en vue de notre conservation,
puisque, à la différence des animaux, nous ne trouvons pas dans la nature notre subsistance: à la
souffrance de l'effort par lequel nous devons lui arracher notre subsistance, s'ajoute celle de la
conscience d'avoir à produire ce qui devra être détruit dans l'acte même de la consommation; le
travail n'est-il pas alors une soumission à l'ordre de la nature, indigne de l'essence spirituelle de
l'homme, appelé à dépasser le règne des besoins où se complaît l'animal, de sorte qu'il faille
souhaiter s'en affranchir, soit en déléguant à d'autres le soin de produire à notre place? (II) Mais
faut-il vraiment souhaiter libérer l'homme du travail, dès lors qu'en transformant la nature, nous
lui imprimons une forme dans laquelle l'esprit peut se reconnaître, accéder à la conscience de luimême et imposer aux penchants la loi d'une volonté tendue vers la réalisation d'un but intelligent?
(III) D'où vient alors que nous l'éprouvions toujours, par delà les siècles, comme une activité
pénible et contraignante: faut-il incriminer l'essence du travail ou son organisation sociale ?
I/ Le travail comme servitude à l’égard des besoins naturels et sociaux
1)Le travail comme nécessité biologique : l'homme est contraint de travailler pour assurer
sa subsistance
Originairement, le travail apparaît comme la production de nos moyens d’existence, ou encore
comme la transformation du donné naturel en vue de la conservation : telle est bien la
définition qu’en donne Marx dans le Capital : le travail consiste dans l’utilisation des forces
musculaires de l’homme en vue de « s’assimiler des matières en leur donnant une forme utile à la
vie ».1
Là où l'animal trouve immédiatement sa subsistance dans la nature, tout se passe comme si
l'homme avait dû l'arracher de force à cette dernière, et inventer par lui-même ses propres
conditions d'existence.
A la perfection de l'instinct qui adapte le besoin au milieu pour
l'animal, le travail substitue une transformation qui, tout au contraire, vise à adapter la
nature au besoin humain.
Rien de ce que nous tirons de la nature n'est donné, tout est
transformé: de la terre cultivée à l'élevage des animaux, de la protection du corps contre les
intempéries aux outils nécessaires à toutes nos activités, le travail est partout, au point que tout ce
qui nous entoure ou presque porte désormais l'empreinte de l'homme.
Dans le célèbre mythe de Prométhée relaté par Platon dans le Protagoras, le dénuement
originaire de l'espèce humaine, condamnée à pourvoir par elle-même à sa propre subsistance,
apparaît comme le produit d'un oubli malheureux: Epiméthée, chargé par les dieux de distribuer
ce qui est nécessaire à chaque espèce, a su donner abondamment aux uns cornes, griffes,
fourrure…mais arrivé à l'homme, il ne lui reste plus rien, de sorte que son frère Prométhée décide
de réparer son erreur en allant dérober lui-même dans la demeure des dieux le feu à Héphaïstos et
la technique à Athéna; pour cela, Zeus le punira de façon terrible, en le condamnant à rester
attaché sur le mont Caucase et à se faire dévorer le foie par des vautours pour l'éternité.
La
nécessité vitale du travail, spécifique à l'homme, n'est-elle pas alors ce qui en fait une souffrance,
et pire encore un mal moral?
2) Le travail nécessaire contraint l'animal laborans à une souffrance répétée
a) le travail comme souffrance physique
Le travail comme transformation de la matière exige que le corps humain triomphe de la
résistance de celle-ci, en opposant sa force musculaire aux forces naturelles : raison pour laquelle
il apparait comme une activité pénible et épuisante à laquelle l’homme est cependant contraint
pour subvenir à ses besoins.
Dans cette mesure, le travail apparaît comme ce dans quoi s'épuise
au fond une existence en voulant se conserver elle-même.
Il n'est pas étonnant alors que les
hommes se soient représenté le travail comme une malédiction, ainsi qu'en atteste le récit biblique
( Adam et Eve sont ainsi chassés du paradis terrestre pour avoir goûté au fruit défendu de l’arbre
de la connaissance et condamnés par Dieu à pourvoir par eux-mêmes à leur subsistance : " tu
gagneras ton pain à la sueur de ton front » (3, v.17) , et pour la femme au "travail" douloureux de
l'enfantement) .
a) le travail comme souffrance morale
Mais n'est-ce pas encore, plus que la douleur physique de l'effort, la conscience même de sa
nécessité qui fait du travail une souffrance? Si nous ne savions pas qu'il nous faudra travailler
demain et encore après-demain, à moins de choisir la mort, la souffrance serait moindre: or, si le
travail est nécessaire, c'est aussi et surtout parce qu’il ne s’épuise pas dans l’objet produit : une
fois consommé le fruit de mon travail, il me faut travailler encore : en un sens, le travail
s’engendre lui-même parce que le besoin renaît jusqu’à la mort : puisque la mort met fin au
besoin, on peut dire qu’elle seule me délivre de la nécessité de travailler : entre le travail et la
mort, ai-je vraiment le choix ? En ce sens, la répétition du besoin, la destruction incessante de
l’objet produit ne peut donner sens au travail : tel Sisyphe poussant éternellement son rocher, il y
a dans le mouvement sans cesse recommencé du travail, une absurdité indépassable dont la
conscience renforce et accuse la pénibilité.
Ce cycle biologique du travail-consommation-destruction est bien ce qui, pour Hannah Arendt
dans Condition de l'homme moderne, fait que le travail est incapable de produire un monde, car
le monde, pour l’homme ce n’est pas l’ensemble des choses existantes, mais l’ensemble des
choses qu’il fabrique et des relations qu’ils nouent avec d’autres hommes ; il n’y a de monde que
là où l’activité humaine peut arracher au cycle incessant de la nature une forme de stabilité qui
transcende l’apparition et la disparition des existences individuelles: le monde est la demeure des
hommes, en ce sens que ne peut demeurer que ce qui n’est pas sans cesse voué à disparaître, ce
qui peut être rappelé et transmis par-delà la succession des générations ; « la naissance et la mort
présupposent un monde où il n’y a pas de mouvement constant, dont la durabilité, au contraire, la
relative permanence, font qu’il est possible d’y paraître et d’y disparaître ».
Aussi Arendt
distingue-t-elle du travail comme cycle biologique de ce qu'elle nomme l'œuvre, c'est-à-dire la
production d'objets qui ne sont pas voués à être consommés et détruits.
Les trois formes de la « Vita Activa » selon Arendt (Condition de l’homme moderne)
LE TRAVAIL
(activité qui assure
l’entretien du
processus vital)
Forme de vie
sur terre de
l’homme
L’OEUVRE
L’ACTION
(objets fabriqués par l’homme = « la seule activité
non destinés à la consommation) qui
mette
directement
en
rapport les hommes,
sans l’intermédiaire
des objets ni de la
matière, correspond
à
la
condition
humaine
de
la
pluralité, au fait que
ce sont des hommes
et non pas l’homme,
qui vivent sur terre
et habitent le monde
»
Elle institue le lien
humain dans
la
trame de l’histoire
L’action enveloppe :
-
la parole
l’action
politique
la capacité
d’initiative
(inaugurer
par
des
actions une
époque, etc)
Espace : sphère
privée
Espace
Dimension
économique et
domestique
Espace : sphère de la société
Dimension culturelle et
économique
Espace : Sphère
politique
Espace public
La société civile :Societas
La cité (Polis)
Artificialité
Liberté
Le foyer (oikos)
Nécessité
Modalité
L’œuvre de nos mains fabrique
une infinie variété d’objets dont
la somme constitue l’artifice
humain
correspondant
e
Condition
Condition de la vie
humaine sur terre
correspondante :
Condition de la vie humaine
sur terre correspondante :
L’appartenance au monde
Condition de la vie
humaine sur terre
correspondante :
La vie
La pluralité :
(Le monde= l’ensemble des
(processus
œuvres
non-naturelles, Il y a une pluralité
biologique entre
artificelles, qui transcendent les de manières d’être
natalité et mortalité) limites biologiques de la vie
homme, et c’est
individuelle, et sont léguées....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Le travail est-il nécessairement une servitude ?
- L’augmentation des facteurs de production, travail et capital, est-elle la seule source de la croissance économique ?
- le travail permet il a l'homme de s'accomplir
- Devoir Maison philosophie: : L’homme se reconnaît-il mieux dans le travail ou dans le loisir ?
- corrigé travail de lecture le cercle des poètes disparus