Thaïlande (1991-1992): Les "Quatre Glorieuses" de Bangkok
Publié le 27/09/2020
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Thaïlande (1991-1992): Les "Quatre Glorieuses" de Bangkok
Bangkok a été en mai 1992 le théâtre d'un événement que personne n'attendait:
l'irruption décisive de la société civile dans le champ clos des rivalités
politiques au sommet de l'État.
Ce résultat n'a été obtenu qu'au prix des plus
violentes émeutes que la Thaïlande ait connues depuis la révolte étudiante de
1973, et de dizaines, voire de centaines de morts (43 officiellement, mais l'on
dénombrait 343 disparus le 23 mai 1992).
Le Comité national pour la préservation de la paix, junte militaire qui s'était
emparée du pouvoir le 23 février 1991, pouvait pourtant estimer avoir rempli son
mandat: la mise en route d'un régime formellement démocratique sous le contrôle
institutionnalisé de l'armée.
Une Assemblée nommée avait élaboré une nouvelle
Constitution accordant le droit de censure aux 270 sénateurs nommés par
l'exécutif - militaires et associés - à égalité avec les députés élus;
l'autonomie du gouvernement vis-à-vis du Parlement avait été renforcée; enfin,
toute révision requérait désormais le vote des deux tiers des parlementaires,
accordant de facto un droit de veto au Sénat.
Les élections législatives du 22
mars 1992, assez libres et peu truquées, mais précédées de l'habituel achat
massif des votes ruraux par les partis "militaires", avaient vu la victoire de
leurs candidats dans 195 circonscriptions sur 360.
Le 7 avril 1992, l'"homme
fort" de la junte, le général Suchinda Kraprayoon, démissionnait de l'armée pour
accepter, comme prévu, le poste de Premier ministre.
On ne prêta guère attention à trois "grains de sable": Suchinda avait promis en
novembre 1991 de ne pas briguer la tête de l'exécutif; il eût préféré continuer
à jouer l'éminence "à peine grise", mais le prête-nom pressenti, Wongwan Narong,
chef du Samakki Tham - premier des quatre partis de la coalition majoritaire -,
avait été dénoncé par Washington comme grand trafiquant d'héroïne; enfin
Suchinda, au-dessus des partis, avait négligé de se faire élire député.
Les pouvoirs de l'armée
La nouvelle Constitution ne le lui imposait pas, mais c'est sur cette marque de
mépris pour l'électorat que se cristallisa la révolte populaire.
L'habitude de
docilité ou de cynisme à l'égard du pouvoir l'aurait peut-être emportée, sans
l'intervention du Thaï le plus populaire après le roi Bhumibol, l'ancien
gouverneur de Bangkok, Chamlong Srimuang, chef du Palang Dharma (Parti de la
force religieuse), bénéficiaire aux élections d'un "raz de marée" dans la
capitale.
Il annonça, le 4 mai, son intention de se lancer dans une grève de la
faim pour contraindre Suchinda à se démettre, et le Parlement à réviser la
Constitution.
Il déclencha un cycle de rassemblements de plus en plus massifs.
Ce furent, du 17 au 20 mai, les "Quatre Glorieuses" de Bangkok, aboutissant le
24 à la démission de Suchinda, après l'exceptionnelle intervention
pacificatrice, le 21, d'un monarque qui a su préserver une aura intacte en se
retirant de la politique courante.
Mais l'amnistie générale proclamée par
Suchinda avant son départ pouvait faire rebondir la crise, tant la colère était
grande à l'égard de la junte.
Le 10 juin, la nomination au poste de Premier
ministre de l'honnête et efficace Anand Panyarachun, imposée par le roi à la
majorité parlementaire, puis l'annonce de nouvelles élections dans les trois.
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