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Texte 9. Platon, Gorgias, 456a-456c

Publié le 13/10/2022

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« Texte 9.

Platon, Gorgias, 456a-456c SOCRATE.

C'est aussi ce qui m'étonne, Gorgias, et ce qui est cause que je t'interroge depuis si longtemps sur la vertu de la rhétorique.

À le prendre ainsi, elle me paraît merveilleusement grande. GORGIAS.

Et si tu savais tout, Socrate, si tu savais que la rhétorique embrasse, pour ainsi dire, la vertu de tous les autres arts ! [456b] Je vais t'en donner une preuve bien frappante.

Je suis souvent entré, avec mon frère et d'autres médecins, chez certains malades qui ne voulaient point ou prendre une potion, ou souffrir qu'on leur appliquât le fer ou le feu.

Le médecin ne pouvant rien gagner sur leur esprit, j'en suis venu à bout, moi, sans le secours d'aucun autre art que de la rhétorique.

J'ajoute que, si un orateur et un médecin se présentent dans une ville, et qu'il soit question de disputer de vive voix devant le peuple, ou devant quelque autre assemblée, sur la préférence entre l'orateur et le médecin, [456c] on ne fera nulle attention à celui-ci, et l'homme qui a le talent de la parole sera choisi, s'il entreprend de l'être.

Pareillement, dans la concurrence avec un homme de toute autre profession, l'orateur se fera choisir préférablement à qui que ce soit, parce qu'il n'est aucune matière sur laquelle il ne parle en présence de la multitude d'une manière plus persuasive que tout autre artisan, quel qu'il soit.

Telle est l'étendue et la puissance de la rhétorique. Inspirer la bienveillance.

Produire un discours puissant dans le calme ; parler avec douceur et convaincre avec force.

Tel est le pouvoir de l’orateur selon Cicéron.

Ce texte et cette doctrine sont tout à fait paradoxaux : un discours est d’autant plus fort, pourrait-on rétorquer, que l’on parle fort. Cela, c’est l’opinion commune.

Lorsque nous avons le sentiment de subir une injustice, nos cris et notre véhémence sont à l’image de notre sentiment.

Plus nous crirons fort, plus nous convaincrons : voilà de quoi nous sommes convaincus (persuadés, pour mieux dire).

Vaincre notre adversaire en parlant plus fort que lui : tel est notre penchant naturel.

Mais Cicéron prend ici le contrepied de cette analyse.

Il y a dans son texte à la fois une profondeur théorique et une charge d’expérience. L’orateur nous parle ici de ses analyses et de sa pratique.

Double façon de persuader. Que dit Cicéron ? La douceur du propos, le calme de l’orateur, la capacité à exposer sans cris les preuves et les arguments sont capables de produire les plus grands effets.

Le discours sera d’autant plus puissant qu’il sera énoncé avec maîtrise des mots et des émotions.

L’enjeu n’est pas mince : il s’agit ici de défendre un « client ».

Or deux calmes doivent se répondre.

Le calme de l’orateur inspire la bienveillance et la confiance, conditions nécessaires à la persuasion.

Le calme de l’accusé est l’image de sa dignité.

Le fond de l’argument porte à vrai dire sur la forme de la colère.

La colère suscite la colère.

Même celui qui exprime une juste colère risque de déclencher une colère qui ne se tournera pas contre son ennemi mais contre lui-même.

Au contraire, le calme de l’exposition va faire naître progressivement la colère des auditeurs contre ceux qui s’en prennent à l’accusé qui garde son calme, qui demeure digne dans l’adversité. Ce qui étonne dans ce texte est que pour Cicéron l’orateur doit faire appel à la passion de l’auditeur, mais sans user de procédé passionnels (la grandiloquence de l’orateur) ni de fournir un spectacle d’abandon à la passion (par les pleurs et les cris de l’accusé).

Il faut en effet montrer la vertu de l’accusé.

Or la vertu est ennemie de la passion.

La passion, c’est l’excès.

Donc un accusé qui demeure calme et digne, et un défenseur qui demeure calme et digne, vont offrir un spectacle de vertu, inspirer la confiance en la vertu, ce qui est la condition première de la victoire du discours.

Le pouvoir de l’orateur se fonde sur la puissance de la patience. Texte 10.

Cicéron, De l’orateur, Livre second, XLIII XLIII.

C'est donc un puissant moyen de succès que de donner une idée avantageuse des mœurs, des principes, des actions, de la conduite de l'orateur et de son client; de faire prendre, sous les mêmes rapports, une opinion défavorable de l'adversaire; d'inspirer autant que possible à ses juges des sentiments de bienveillance et envers soi-même et envers celui dont on défend les intérêts.

Or, ce qui inspire la bienveillance, c'est la dignité du caractère, ce sont les belles actions, c'est l'estime qu'inspire une vie irréprochable; toutes choses qu'il est plus facile d'embellir, lorsqu'elles existent, que de feindre si elles n'existent pas.

L'orateur ajoute encore à leur effet par son ton, son air, sa réserve, la douceur de ses expressions : s'il se livre à une attaque un peu vive, il faut qu'il paraisse agir à regret et par devoir.

Il faut que tout en lui annonce une humeur facile, la générosité, la douceur, la piété, la reconnaissance, jamais la passion ni la cupidité.

Tout ce qui prouve une âme droite, un caractère modeste, sans aigreur, sans acharnement, ennemi des querelles et de la chicane, inspire de la bienveillance à l'auditeur, et l'indispose contre ceux qui ne possèdent pas ces qualités. Aussi ne faut-il pas manquer de faire ressortir dans l'adversaire les défauts opposés.

Le ton que je recommande ici réussit surtout dans les causes où il n'y a pas lieu d'enflammer l'esprit des juges par des mouvements impétueux et passionnés.

En effet, la véhémence ne convient pas toujours, et souvent un langage calme, doux et modéré, est ce qui sert le mieux les intérêts de notre client : j'appelle de ce nom, selon l'ancien usage, non seulement les accusés, mais tous ceux dont on a les droits à défendre.

Si donc on représente son client comme un homme juste, intègre, religieux, paisible, souffrant patiemment les injures, on produit un effet merveilleux; et.... »

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