TD 1 Cour de cassation, 13 juillet 2022
Publié le 02/11/2024
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TD 1
Cour de cassation, 13 juillet 2022
En l’espèce, le 21 mars 2000, un couple a acquis un lot d’un lotissement.
Une société civile
immobilière a par la suite acquis le 15 décembre 2011, un lot de lotissement sur lequel était édifié une
ancienne villa.
Elle y a construit un bâtiment d’habitation collectif comportant six logements avec
piscine.
Invoquant une violation du cahier des charges du lotissement, les propriétaire du lot assignent la SCI
aux fins d’obtenir la démolitions des ouvrages édifiés, et subsidiairement, des dommages et interets, au
visa de l’article 1143 du Code civil.
La décision de première instance ne figure pas au sein de l’arret.
Les propriétaires interjettent appel.
Le 11 mars 2021, la cour d’appel d’Aix-en-provence rejette la
demande des propriétaires.
Les propriétaires se pourvoi en cassation, soutenant la violations des
stipulations du cahier des charges du lotissement, imposant aux colotis d’implanter leur construction
dans un carré de trente mètres sur trente mètres.
Le démolition d’un immeuble de constructions collectives dont les mesures ne respectent pas celles
indiquées dans le cahier des charges du lotissement est-elle disproportionnée au regard d’une absence
de préjudice déduit ?
Par un arret datant du 13 juillet 2022, la troisième chambre civil de la Cour de cassation répond par la
positive et rejette le pourvoi.
La Cour retient la disproportion de la démolition d’un immeuble
d’habitation collective, tandis que sa construction respecte l’esprit du règlement du lotissement et
n’occasionait aucun préjudice légitime aux propriétaires de l’autre lotissement.
Elle soulève une
disproprtion manifeste entre le cout de la démolition et l’interet des propriétaires.
La Cour ordonne
ainsi le dévèrsement de dommages et interets.
I.
Le principe de proportionnalité des sanctions d’inexecution d’une obligation
A.
Une violation contractuelle aux conséquences moindres
La Cour ne fait pas de la démolition une sanction automatique, en ce qu’elle apprécie la propotionnalité
de la mesure.
Ainsi, la Cour mets à l’écart les dispositions de l’article 1143, fondement du litige,
disposant des mentions suivantes :
« le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement soit
détruit ; et il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages
et intérêts s'il y a lieu ».
La Cour procède ainsi à une balance des interets, des couts que la démolition
impliquerait par rapport aux avantages déduits pour les créanciers.
Constatant que toutefois, en
analysant les dispositions du cahier des charges, l’immeuble de constructions collectives respectaient le
reglement du lotissement, en n’occasionnant, par ailleurs, aucun préjudice visible aux colotis, la Cour
déduit que la démolition de l’immeuble ne procurera aucun avantage aux colotis si aucun préjudice
légitime ne subsistait en premier lieu.
La Cour de cassation, ayant respecté les dispositions strictes prévues à l’article 1143 jusqu’en 2019,
ordonnait en effet au sein d’un arret datant du 21 juin 2000 (cass.civ3, n98-21.129), la démolition sans
que les colotis n’aient à justifier l’existence d’un préjudice en particulier.
Désormais, la violation
contractuelle n’est plus un critère suffisant de démolition.
La violation de l’obligation n’implique plus
une execution en nature, aux termes d’une absence de préjudices avérés à réparér au créancier.
B.
Le préjudice comme condition à l’éxecution d’une obligation
La notion de préjudice est l’élément clé servant à déterminer si l’éxécution en nature de l’obligation
doit avoir lieu.
Il s’agit d’un fondement jurisprudentiel, non pas tiré de l’article 1143, mais prennant
appuie sur une jurisprudence antérieure datant du 19 décembre 2019, ou la Cours de cassation avait
jugé que la sanction de principe d’une construction édifiée en violation d’une servitude ne devait plus
être la démolition, mais que celle-ci ne pouvait être prononcée qu’à la condition de ne pas être
disproportionnée au regard du droit au respect du domicile (Cass.
3e civ., 19 déc.
2019, n° 18-25.113).
Cette arret, faisant office de revirement de jurisprudence, oppose l’obligation d’execution du contrat à
une liberté fondamentale, qui en l’espèce n’est pas l’interet en jeu.
En effet, la circonstance demeure le
préjudice, mis en balance avec la démolition.
En premier lieu, la Cour, pour défendre l’édification d’un immeuble à construction collective, révise
les règlements inscrits dans le cahier des charges, et soulève le respect de ces-dernières, dans la mesure
ou le cahier ne prohibe pas les édifices collectifs et importants, la Cour n’ayant pas tenu compte des
mesures indiquées.
Par ailleurs, cet arret s’inscrit dans une évolution de la législation concernant les obligations
contractuelles.
A cet effet, l’ordonnance de 2016 vient remplacer l’article 1143 par l’article 1221, en
disposant cette fois-ci qu’un créancier ne peut poursuivre l’execution de l’obligation en nature d’une
obligation « s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son
intérêt pour le créancier ».
Néanmoins, en application du droit transitoire, notamment en matière
contractuelle, les dispositions de l’article 1143 doivent s’appliquer au cas d’espèce considérant la date
d’installation des colotis le 21 mars 2000, et de l’acquisition de la propriété par la SCI le 15 décembre
2011.
Force est de constater que la décision du 13 juillet 2022 s’inspire fortement des critères
mentionnées à l’article 1221.
La Cour semble souligner l’intérêt limité pour les créancier de démolir un
immeuble, alors que la construction ne leur cause pas de véritable préjudice matériel, mais simplement
un désagrément subjectif lié à l'évolution de leur voisinage.
Cet arrêt réaffirme la possibilité de
compenser un préjudice par des dommages-intérêts, particulièrement dans les cas où la remise en état
serait disproportionnée et contraire à l’esprit du règlement de lotissement.
II.
Une modification des sanctions d’inéxécution des obligations
A.
Un assouplissement des obligations contractuelles
Malgré les impératifs du droit positif, visant à appliquer la loi en vigueur lors de la conclusion d’un
contrat, les juges font le choix de s’appuyer sur des fondements jurisprudentiels.
On constate ainsi une
mise à l’écart des clauses du contrat contenues dans le cahier des charges, régit par l’article 1143 du
Code civil, imposant une démolition impérative à raison d’une violation de l’obligation de respect des
mesures d’édification.
La recherche de préjudices n’est pas une injonction, mais la Cour de cassation
s’avère respecter le droit au domicile.
La Cour de cassation a certes procédé à une balance des interets
en présence en méconnaissant les dispositions prévues à l’article 1143, mais reconnait déterminer une
solution logique et plus tempérée au litige en l’éspèce.
Il paraitrait absurde de démolir un immeuble
d’habitations collectives si aucune gene n’est occasionnée .
En revanche, la justification de la Cour tenant à dire que la construction respectait “l’esprit du
lotissement” en ce que le cahier des charges ne prescrivait pas les édifices important et collectifs,
demeure abstraite.
Un juge civil n’est pas disposé à reconnaitre la conformité d’un projet à un
règlement.
La décision montre que le juge s’écarte de son role car de surcroit, les préjudices légitimes dont il fait
mention ne sont pas définit par l’article 1143, le juge s’érige dès lors comme législateur et met en
balance les préjudices lui paraissant important au cout de la démolition.
L’arret semble donc s’inscrire dans le respect de l’esprit de la modernité, car la décision des juges
parait partiellement influencée par l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2016, remplaçant l’execution
de l’obligation en nature par des dommages et interets évalués à la hauteur du préjudice, meme si il
semblerait compliquer d’évaluer le cout d’un préjudice particulier.
Cette décision amorce le futur
article 1221 et protège les droits et libertés des débiteurs.
B.
Une décision hostile au droit en vigueur
En matière contractuelle, l'arrêt pourrait affaiblir la force contraignante des clauses et des documents,
comme les cahiers des charges des lotissements.
Si les violations ne sont plus systématiquement
réparées par l'exécution en nature, les parties pourraient percevoir une certaine souplesse dans
l’application des règles contractuelles.
Cela pourrait impacter la sécurité juridique et pousser certaines
parties à enfreindre les obligations, sachant qu'elles risquent uniquement des compensations financières
et non une remise en état coûteuse.
L’arret soulève crainte de perdre l’engagement réciproque qui régit
une multiplicité de contrats, au terme de l’article 1106 du Code civil, disposant que “Le contrat est
synallagmatique lorsque les contractants s'obligent réciproquement les uns envers les autres.” Avec une
perte de l’execution forcée en nature, la qualification des contrats demeure difficile à distinguer car la
certitude de l’obligation devient obsolète.
Or, dans le cas d’espèce, le contrat n’etait pas un contrat
aléatoire, les contractants s’obligent mutuellement à respecter avec fermeté les clauses convenues.
Le créancier ne perçoit donc pas une execution complète de l’obligation si la sanction imposée n’est
qu’un dédomagement, la réparation de la contravention à l’engagement contractuel ne saurait etre
accomplie par le seul dévèrsement d’une somme.
Néanmoins, le montant alloué à l’inexecution des
obligations contractuelles pourraient désinciter les débiteurs.
Cette arret suit par ailleurs, une tendance
à accorder une limite aux violations des droits que pouvait engendrer la stricte application de l’article
1143, mais vient également banaliser l’usage d’un critère de propotionnalité dont la seule appréciation
est laissée au juge et non au législateur.
Le droit des obligations est pourtant une discipline....
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