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Tableau théorique d'une société libre de S. WEIL

Publié le 06/01/2020

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Simone Weil décrit ce que devrait être une société libre. Il s'agit pour elle de proposer un idéal qui puisse servir de norme pour juger de notre réel. À l'opposé d'un mythique âge d’or où les hommes pourraient disposer de tout sans effort, la société libre, dont elle brosse le tableau, fait une place essentielle au travail libre, dans lequel la pensée et l’action ne sont pas séparés.

 

Quant à la liberté complète, on peut en trouver un modèle abstrait dans un problème d’arithmétique ou de géométrie bien résolu ; car dans un problème tous les éléments de la solution sont donnés, et l’homme ne peut attendre de secours que de son propre jugement, seul capable d’établir entre ces éléments le rapport qui constitue par lui-même la solution recherchée. (...)

 

L’accomplissement de n’importe quel ouvrage consisterait en une combinaison d’efforts aussi consciente et aussi méthodique que peut l’être la combinaison de chiffres par laquelle s’opère la solution d’un problème lorsqu’elle procède de la réflexion. L’homme aurait alors son propre sort en mains ; il forgerait à chaque moment les conditions de sa propre existence par un acte de la pensée. Le simple désir il est vrai ne le mènerait à rien ; il ne recevrait rien gratuitement ; et même les possibilités d’effort efficace seraient pour lui étroitement limitées. Mais le fait même de ne pouvoir rien obtenir sans avoir mis en action, pour le conquérir, toutes les puissances de la pensée et du corps permettrait à l’homme de s’arracher sans retour à l’emprise aveugle des passions. Une vue claire du possible et de l’impossible, du facile et du difficile, des peines qui séparent le projet de l’accomplissement efface seule les désirs insatiables et les craintes vaines ; de là et non d’ailleurs procèdent la tempérance et le courage, vertus sans lesquelles la vie n’est qu’un honteux délire. Au reste toute espèce de vertu a sa source dans la rencontre qui heurte la pensée à une matière sans indulgence et sans perfidie. On ne peut rien concevoir de plus grand pour l’homme qu’un sort qui le mette directement aux prises avec la nécessité nue, sans qu’il ait rien à attendre que de soi, et tel que sa vie soit une perpétuelle création de lui-même par lui-même. L’homme est un être borné à qui il n’est pas donné d’être, comme le Dieu des théologiens, l’auteur direct de sa propre existence ; mais l’homme posséderait l’équivalent humain de cette puissance divine si les conditions matérielles qui lui permettent d’exister étaient exclusivement l’œuvre de sa pensée dirigeant l’effort de ses muscles. Telle serait la liberté véritable.

 

Simone Weil, Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale (1934), Gallimard, coll. «Idées», 1980, pp. 89-91.

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« que de soi, et tel que sa vie soit une perpétuelle création de lui-même par lui-même.

L'homme est un être borné à qui il n'est pas donné d'être, comme le Dieu des théologiens, l'auteur direct de sa propre existence ; mais l'homme possèderait l' équi­ valent humain de cette puissance divine si les conditions maté­ rielles qui lui permettent d'exister étaient exclusivement l' œuvre de sa pensée dirigeant l'effort de ses muscles.

Telle serait la liberté véritable.

Simone WEIL, Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale ( 1934 ), Gallimard, coll.

«Idées», 1980, pp.

89-91.

POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE Une société libre ne verrait pas disparaître le travail ; au contraire, celui-ci est indispensable à la liberté de l'homme.

1.

Le travail libère l'homme de lui-même: la liberté s'oppose au caprice.

Être libre ce n'est pas avoir tout ce que l'on désire, mais être maître de soi.

Le travail borne les désirs et déli­ vre de l'empire des passions.

Il permet à l'homme d'acqué­ rir les vertus de « tempérance >> et de « courage ».

Car la lutte avec la nature impose une discipline incontournable.

2.

Le travail donne à l'homme une puissance quasi divine.

Les théologiens donnent comme signe évident de la toute­ puissance divine le fait que Dieu n'a pas de cause.

mais est à lui-même sa propre cause.

Simone Weil dégage la signifi­ cation du fait que l'homme produit ses conditions d'exis­ tence : indirectement il se produit lui-même.

3.

Tout ce qui vient d'être dit n'est vrai que d'un travail libre, dans lequel la pensée dirige l'action.

Il s'agit de la pensée de celui qui agit.

Un homme n'est pas plus libre quand ses actes dépendent de la pensée d'autrui que lorsqu'il est dominé par ses passions.

L'ouvrier appliquant machinalement une méthode qu'il ne comprend pas n'est pas libre.

Simone Weil compare le travail libre à la résolution d'un problème mathématique : la solution du problème ne dépend que de l'intelligence du mathématicien.

De même dans un travail libre, toute action serait leffet d'une pensée consciente et volontaire du travailleur.. »

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