Suffit-il de bien raisonner pour agir raisonnablement ?

« Introduction Agir raisonnablement, c'est agir conformément à des critères d'équité, de sagesse et de bon sens.

Est raisonnablecelui qui se comporte modérément, sans jamais exagérer dans ses comportements.

L'adverbe raisonnablement vientdu verbe « raisonner », et l'on peut donc supposer que pour agir raisonnablement, il est avant tout nécessaire debien raisonner.

Mais qu'entend-on au juste par « bien raisonner » ? Bien raisonner revient à user de sa raisonconformément aux règles de la logique, et en utilisant des arguments justes, appropriés et pertinents.

Dire qu'il suffitde bien raisonner pour agir raisonnablement peut néanmoins paraitre surprenant, puisque cela suppose unecorrélation nécessaire entre nos pensées et nos actions : est-ce parce que l'on pense juste que l'on agit juste ? N'ya-t-il pas, entre la pensée et l'action une sorte de hiatus, un espace de jeu et liberté qui fait qu'on peut voir où estle raisonnable et pourtant courir à sa perte ? La raison est-elle seule au fondement de nos choix et de nos actions ?Et si tel n'est pas le cas, le faudrait-il ? La raison devrait-elle être toujours le critère nécessaire et suffisant pourdécider ce qu'il faudrait faire ? La raison ne peut-elle pas également se situer du côté des raisonnementsimplacables qui sont extrêmes et qui peuvent conduire aux actions les moins raisonnables qui soient ? Le raisonnable et le rationnelI. Le terme raison se déploie en deux adjectifs : ce qui est conforme à la raison peut être rationnel ouraisonnable.

Raison vient du latin ratio , qui signifie calcul, au sens de compte, pour agir conformément à la raison, il faut bien compter, bien calculer, bien enchaîner, bien ajuster une fin, mais que cette fin soit bonne ounon, l'action peut être rationnelle si elle choisit les moyens les plus efficaces et les plus économiques pouratteindre la fin voulue.

Le triomphe du rationnel c'est le mécanisme déterministe, il s'agit dans tous les cas d'unchemin déductif qui ajuste parfaitement les moyens à une fin au point de pouvoir être identifié avec unenchaînement de rouages. A. Est raisonnable ce qui obéit aux exigences de la raison pratique.

Raisonnable désigne donc ce qui est, à la fois,bien ajusté à la réalité extérieure et bien ajusté à la réalité humaine.

(Respect des personnes, de leurs droits,de leur liberté).

" Le raisonnable est soumis à une sorte d'instinct de réalité " écrit J.

Guitton, c'est-à-dire une réalité dont la mesure rationnelle et quantitative ne doit jamais offusquer les concepts qualitatifs.

Êtreraisonnable c'est, sans cesse, être en garde contre les excès de la rationalisation: ne jamais la laisser livrée àelle même. B. Bien raisonner peut donc tout à fait signifier raisonner avec logique, de manière rationnelle.

Mais la raison peutalors également mettre les moyens les plus efficaces au service des fins les plus déraisonnables.

Robert Merles,dans sa biographie romancée de la vie de Rudolph Höss intitulée La mort est mon métier met en scène la vie de celui qui a été le commandant d'un camp d'extermination nazi pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Ce livretémoigne de ce que la raison peut avoir de rationnel et de déraisonnable : tous l'intelligence, la capacité deréflexion, d'organisation, toute l'énergie intellectuelle est en effet déployée afin de contrôler les prisonniers etles tuer de la manière la plus économique. C. L'action raisonnable est toujours une action conforme à la raison bien comprise. II. Pourtant, il ne faudrait pas en déduire que la raison est un instrument qui peut mener au meilleur comme aupire, selon qu'elle suive la voix du rationnel ou la voix du raisonnable.

Au contraire, il apparait clairement que lerationnel n'est que l'instrumentalisation d'un raison tronquée et par là même dénaturée.

Celui qui trouve avecune logique implacable le meilleur moyen de tuer le plus de gens possible avec le moins de cout et de perte detemps possible, on ne saurait dire de lui qu'il raisonne bien, mais qu'il oublie d'évaluer la fin qu'il s'est donnée.Celui-là raisonne mal justement parce qu'il ne juge pas la fin avant d'avoir jugé les moyens.

Il n'y a pas deuxmoyens de bien raisonner, l'un qui mène au pire et l'autre au meilleur, il n'y a qu'un moyen de bien raisonner, etqui consiste à accorder la priorité à ce qui est le plus important : la fin, ensuite seulement viennent lesmoyens. A.. »