Souvenir George Perec J’ai trois souvenirs d’enfance Le premier, le plus douloureux
Publié le 26/10/2024
Extrait du document
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J’ai trois souvenirs d’enfance
Le premier, le plus douloureux :
Quand j’avais l’âge de dix ans, j’avais l’habitude de me battre avec mon frère
et ma sœur pour plaisanter.
Lors de l’une de nos querelles, ma sœur s’empara
d’une botte en caoutchouc pour me la lancer.
Ayant l’expérience de la douleur
de la botte, j’eus le réflexe de courir me réfugier dans le jardin.
Très rapide,
ma cadette parvint à atteindre sa cible, en l’occurrence, ma tête ! Pour me
venger de la douleur provoquée par ce tir de précision, je me précipitai vers la
maison.
Apeurée, Zoé se dépêcha de refermer la porte fenêtre de notre
cuisine.
De mon côté, craignant de me retrouver bloqué à l’extérieur, je tendis
les bras pour stopper la porte.
Sous la pression, le carreau de celle-ci vola en
éclats.
Alerté par le bruit de verre brisé, mon père nous rejoignit.
Ma sœur
horrifiée courut se cacher.
Regardant mon bras, je me mis à crier et pleurer,
j’étais couvert de sang ! Mon père prit ma main et la passa sous l’eau du
robinet.
Arriva ensuite ma mère, qui décida sur le champ de faire un point de
compression et de m’emmener à l’hôpital.
Là-bas, l’attente me parut
interminable.
Je me vis grand blessé de guerre, coincé entre un monsieur au
genou ensanglanté et une dame qui frôlait le malaise toutes les deux minutes.
L’épisode aurait pu se clôturer ainsi avec un doigt raccommodé, mais non ! Le
lendemain, pris de démangeaisons à la main blessée, je me grattai, par
réflexe, l’auriculaire victime de l’accident.
Mais celui-ci était bien entaillé.
La
plaie se rouvrit et nous dûmes retourner à l’hôpital, où cette fois on me
recousit à vif, douleur ultime et inoubliable !!! Ce souvenir me hanta pendant
des mois et reste encore aujourd’hui indélébile.
Bien que plus grand
maintenant, je ne m’approche plus de portes vitrées sans une certaine
retenue.
Le second le plus joyeux :
Je n’étais alors qu’un jeune garçonnet, âgé de 3 ans tout au plus.
A l’époque,
nous habitions encore dans une jolie fermette à la campagne avec sur le
devant, une immense cour de cailloux, bordée de hangars et de box à bétail.
J’adorais courir, me promener en draisienne, ramasser des petites bêtes dans
ce lieu qui représentait pour moi une immense cour de château.
Alors, fan de
dragons et de preux chevaliers, je me prenais pour le prince de ce domaine
immense qu’était ma maison et ses multiples recoins.
Pour nous amuser, ma
mère nous avait placé, ma sœur et moi, dans le coffre ouvert de sa voiture et
faisait des tours de cour très lentement, pour nous promener tels de jeunes
damoiseaux dans une belle calèche.
Blotti au fond du coffre, ma sœur dans
mes bras, pour ne pas risquer de tomber et nous blesser, je me sentais si
grand, si libre, si puissant dans ce carrosse improvisé.
Nous riions aux éclats
tous les deux.
C’était tellement amusant, ce grand tour....
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