Soudan (1988-1989)
Publié le 24/09/2020
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Soudan (1988-1989)
L'année 1988 a vu un approfondissement de la crise soudanaise qui est tout à la
fois militaire, politique, culturelle, écologique et économique.
Son ressort
principal est bien sûr la guerre civile qui en était à sa sixième année et qui
avait déjà fait au moins un demi-million de victimes et poussé deux millions de
paysans sudistes à se réfugier soit dans les agglomérations, soit à l'étranger.
Première retombée du conflit, la crise des réfugiés est causée par les massacres
auxquels se sont livrées les milices pro-gouvernementales, surtout au
Bahr-el-Ghazal.
Les principales villes du Sud (Wau, Malakal, Juba) ont vu leur
population doubler en dix-huit mois, tandis que près d'un million de réfugiés
supplémentaires arrivaient à Khartoum.
Au Sud, malgré les pluies excellentes,
deux millions de personnes étaient en danger de mourir de faim en
novembre-décembre, les deux camps utilisant l'arme alimentaire comme moyen de
pression, malgré les demandes de l'ONU.
La guerre a désarticulé les finances extérieures: sur les 12 milliards de
dollars de dette du pays, seuls les 5 milliards dus aux pays arabes sont tolérés
par les créanciers: les 1 900 millions de la dette commerciale bloquent tout
crédit bancaire et les 900 millions d'arriérés dus au FMI excluent le Soudan de
tout nouveau prêt.
Les importations essentielles (surtout le pétrole) se font au
jour le jour grâce à l'aide des pays arabes.
Parmi ceux-ci, la Libye s'est en
outre engagée dans une politique de soutien militaire dur qui a contribué à
éloigner le Soudan de son allié traditionnel, l'Égypte.
L'hostilité du Caire à
l'égard de la politique étrangère de Sadiq al-Mahdi a amené Washington, pourtant
favorable au retour de la démocratie à Khartoum, à prendre ses distances à
partir de novembre, au moment même où un autre de ses alliés régionaux, le
Kenya, entrait lui aussi en conflit avec le Soudan à propos du contrôle de la
zone frontalière du triangle d'Ilemi.
Les graves inondations du mois d'août
1988, les pires qu'ait connu le Soudan depuis 1946, ont en revanche amené un
vaste mouvement de solidarité internationale, Khartoum recevant un total de 150
millions de dollars d'aide de la CEE, de la Ligue arabe et de la Banque
mondiale.
Si les dégâts étaient en fait beaucoup plus importants (plus de 1 500
millions de dollars, surtout en maisons détruites), le flot a amené un précieux
engrais limoneux qui a contribué à faire de la récolte une année céréalière
record.
En politique intérieure, l'événement marquant a été l'entrée du Front national
islamique (FNI) de Hassan al-Tourabi au sein du cabinet de coalition en mai
1988.
Cette formation "islamiste" défend l'application de la Charia (législation
islamique) dont elle avait été le promoteur lors de son précédent passage au
gouvernement, en septembre 1983.
C'est cet engagement, antinomique avec toute
solution négociée dans la guerre du Sud, qui a fini par faire éclater la
coalition, qu'a quittée le Parti démocratique unioniste (PDU), le 29 décembre.
Le PDU, formation modérée pro-égyptienne dirigée par Mohamed Osman al-Mirghani,
avait en effet négocié à Addis-Abeba, en son nom propre, un accord préliminaire
de paix avec la guérilla, et celui-ci avait été rejeté par le Parlement à
l'instigation du Premier ministre et de ses alliés du FNI.
Plus que jamais, en
1989, la paix paraissait conditionner tout retour à la vie normale et toute
possibilité de reprise économique.
Or, le coup d'État militaire du 30 juin 1989,
réalisé par des éléments proches des Frères musulmans ne semblait pas de nature.
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