Sophocle.

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Sophocle. en grec Sophoklês. vers 496-406 avant J.-C., né à Colone, près d'Athènes,
poète tragique grec. Si l'invention de la tragédie est généralement attribuée à Eschyle,
Sophocle, son cadet de trente ans, assura l'épanouissement du genre. Il sut le porter à son
point de perfection, permettant au théâtre d'atteindre l'idéal préconisé par la civilisation
athénienne. Il vécut d'ailleurs au moment de la grande puissance politique d'Athènes, de son
hégémonie à son apogée sous Périclès et à son déclin (il ignora la défaite de sa ville, car il
s'éteignit deux ans avant la victoire de Sparte). Fils d'un riche bourgeois, Sophocle reçut une
éducation d'un grand raffinement, alliant le développement physique, l'étude de la poésie et
celle de la musique, qui lui fut enseignée par Lampros, fameux professeur en son temps.
D'une grande beauté, il aurait conduit le choeur d'éphèbes célébrant la victoire de Salamine en
480. Il se fit connaître très tôt comme auteur de théâtre : selon Plutarque, il aurait triomphé
d'Eschyle en 468 avec sa première pièce, Triptolème, lors d'un concours dramatique. Dès
lors, il ne cessa plus d'écrire, mais renonça à jouer lui-même dans ses oeuvres en raison de
ses faibles moyens vocaux.

Auteur et citoyen.
Citoyen exemplaire, il participa souvent à la vie de la cité. En 443, il fut nommé
« hellénotame », c'est-à-dire membre d'un conseil chargé de gérer le tribut des alliés de la
cité et le trésor de l'État. En 441 et 412, il fut élu stratège, c'est-à-dire haut magistrat
chargé des affaires de l'État : la première fois, il fit partie de l'expédition victorieuse contre
la ville de Samos, que dirigea Périclès. La seconde fois, bien qu'âgé, il agit pour la
sauvegarde des Athéniens menacés par la guerre du Péloponnèse. Ses succès d'auteur - il
fut couronné vingt-trois fois, ce qui est exceptionnel -, sa vie familiale - il eut six fils, dont
l'un fut également poète tragique - et sa longévité le firent considérer comme un homme
particulièrement favorisé par le destin. Il mourut même quelques mois après Euripide, qui
était né seize ans après lui et dont il prit publiquement le deuil. L'oeuvre de Sophocle
comprenait entre cent dix et cent trente pièces. Il ne nous est parvenu que sept tragédies,
un drame satirique incomplet, les Limiers, et quelques courts fragments de ses autres
récits. L'ordre chronologique des tragédies connues a pu être établi ainsi, mais d'une
manière encore incertaine : Ajax (vers 450 avant J.-C.), les Trachiniennes (vers 445),
Antigone (vers 441), OEdipe roi (vers 430), Électre (vers 415), Philoctète (409), et OEdipe
à Colone, son ultime pièce, écrite au cours de sa dernière année - il l'aurait lue
publiquement pour démentir une accusation de sénilité proférée par l'un de ses fils - et
créée en 401 grâce à son petit-fils Sophocle le Jeune.

L'humanisation de la tragédie.
Sophocle apporta de nombreuses innovations à la composition et à la mise en scène de la
tragédie. Il introduisit des personnages de second plan venant rejoindre les uns après les
autres les deux protagonistes, fit passer le nombre des choreutes de douze à quinze,
utilisa des décors peints (sans perspective) et renonça au principe des « trilogies liées »
pour écrire des tragédies aux sujets indépendants d'un thème central. Passionné par la
question du choeur, sur lequel il aurait écrit un traité, il diminua l'importance des parties
chantées au profit des parties parlées pour mieux nouer le drame. Il adopta également un
vocabulaire moins littéraire que celui d'Eschyle.

Sa langue poétique et une sensibilité très personnelle lui permirent d'enrichir d'émotions
nouvelles les personnages auparavant décrits par les légendes et par Homère : Antigone
défiant le roi Créon, Électre vengeant Agamemnon, OEdipe finissant sa vie à Colone et
entrant dans le bois de l'immortalité... Sans mettre en cause la toute-puissance des dieux,
respectueux du rôle implacable du Destin, il mit en relief le pouvoir de la volonté humaine,
sa grandeur, la part de liberté et de libre-arbitre laissée à l'être humain. En conséquence,
l'action passe davantage par la psychologie des personnages, leur vérité intérieure, que par
les péripéties. Avec lui, a-t-on dit souvent, la tragédie descendit du ciel jusque sur la Terre.
Il fut en son siècle le plus célèbre des tragiques grecs, et l'est resté à travers le temps.
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Sophocle, page 4846, volume 9