Sociologie du « yé-yé » : le regard d’Edgar Morin
Publié le 17/05/2020
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«
Sociologie du « yé-yé » : le regard d’Edgar Morin
Si les débuts du rock’n’roll européen sont généralement fixés en Angleterre à 1956, le
phénomène apparaît en France en 1958.
Un an plus tard, le 19 octobre 1959, Franck Ténot et
Daniel Filipacchi lancent sur les ondes de la jeune station périphérique Europe n° 1 la
première émission explicitement destinée aux jeunes et à leur musique, Salut les Copains ,
suivie en 1962 par un magazine qui porte le même nom.
La nouvelle génération issue du
baby-boom fait de Salut les Copains une institution nationale, et le rock’n’roll s’installe
durablement dans l’hexagone.
Le premier 45-tours de Johnny Hallyday sort le 14 mars 1960.
La future idole a dix-
sept ans.
Dans Le Monde du 21 septembre 1960, Claude Sarraute (née en 1927) éructe après
un concert : « J’avoue avoir pris aux soubresauts, aux convulsions, aux extases de ce grand
flandrin rose et blond le plaisir, fait d’intérêt et d ’étonnement mêlés, que procure une visite
aux chimpanzés du zoo de Vincennes 1
.
» Partout où il passe, le jeune artiste déclenche
l’hystérie.
L’ambiance pendant ses concerts est explosive, bagarres et arrestations sont
nombreuses.
Plusieurs municipalités comme Bayonne, Strasbourg et Cannes déclarent Johnny
interdit de séjour.
Le phénomène Johnny Hallyday s’impose très rapidement sur le marché, d’autant que
les milieux traditionnels des affaires et des medias s’aperçoivent bien vite que le rock’n’roll
leur ouvre le marché des jeunes.
Par ailleurs, après l’été 1961, la période « blouson noir » est
déjà terminée.
Pour son premier passage à l’Olympia au mois de septembre, Johnny se
présente en smoking, ne se roule plus par terre et lance une nouvelle danse, le twist.
Peu à
peu, les blousons noirs deviennent un élément folklorique un peu daté ; à leur place apparaît
un nouveau phénomène, le « yé-yé », sentimental et édulcoré de tout élément subversif, de
toute potentialité de révolte.
Le 22 juin 1963, pour fêter le premier anniversaire du magazine Salut les Copains ,
Daniel Filipacchi organise sous l’égide d’Europe n° 1 un grand concert gratuit place de la
Nation à Paris.
Les organisateurs attendaient 30 000 amateurs, tout au plus ; ils ont vu surgir
entre 150 000 et 200 000 personnes renversant les barrières et s’agglutinant autour du podium.
Le lendemain de la Nuit de la Nation, la presse crie au scandale : « Salut les voyous ! » (Pierre
Charpy dans Paris-Presse ), voire au retour du nazisme : « Quelle différence, se demande
sérieusement Philippe Bouvard, entre le twist de Vincennes et les discours d’Hitler au
1
Dans Paris-Jour , on lit : « Ce cow-boy de pacotille, à la guitare crécelle, relève de l’institut psychiatrique ! Le
navrant de l’histoire est qu’il incarne une certaine jeunesse.
»
1.
»
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