Sens et portée du texte suivant de Bergson : « La conscience est la lumière immanente à la zone d'actions possibles, ou d'activité virtuelle qui entoure l'action effectivement accomplie par l'être vivant. Elle signifie hésitation ou choix. Là où l'action réelle est la seule action possible (comme dans l'activité du genre somnambulique ou plus généralement automatique), la conscience devient nulle. Là où beaucoup d'actions, également possibles, se dessinent sans aucune action réelle (co
Publié le 15/05/2020
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Sens et portée du texte suivant de Bergson : « La conscience est la lumière immanente à la zone d'actions possibles, ou d'activitévirtuelle qui entoure l'action effectivement accomplie par l'être vivant.
Elle signifie hésitation ou choix.
Là où l'action réelle est la seuleaction possible (comme dans l'activité du genre somnambulique ou plus généralement automatique), la conscience devient nulle.
Là oùbeaucoup d'actions, également possibles, se dessinent sans aucune action réelle (comme dans une délibération qui n'aboutit pas), laconscience est intense ».
Le sujet précédent tendait à mettre en relief l'idée que le fait conscient se présente comme donnée première, centre nécessaire del'observation et de l'interprétation psychologiques.
Mais du texte de Descartes, qu'on le prenne en lui-même, dans son aspectmétaphysique, ou dans la traduction psychologique qu'on peut formuler en le transposant, on ne saurait faire ressortir l'étendue du champdans lequel jouent les informations conscientes.
Les deux textes maintenant proposés tendent justement à définir les ressources de laconscience, et précisément, chez des auteurs qui, l'un comme l'autre, procèdent par description et analyse du fait conscient.
— Cettepremière comparaison donne le moyen de situer les textes proposés, donc de définir dans l'ensemble le problème qu'ils posent, et dontnous venons d'indiquer les termes.
Si, de plus, on rappelle le texte bien connu de Descartes, Discours, 3e partie, 2e paragraphe, où l'auteur observe que nous pouvonsignorer nos propres croyances, si bien que le sens exact en est donné par nos actes, on précisera que l'idée cartésienne n'entraîne pasnécessairement l'affirmation de Jouffroy, d'une connaissance totale, de même qu'elle n'exclut pas la thèse bergsonienne d'une limitationde la conscience par l'action ou d'une opposition à l'action.
— Par là, on sera en mesure d'évaluer plus exactement la portée des textesproposés.
En ce qui concerne Jouffroy, il est clair qu'il propose l'idée d'une information totale et continue, par la conscience.
Mais il faut préciser ceterme d' « information », car l'idée serait paradoxale, si l'on entendait par là une connaissance analytique, ou une réflexion incessante sursoi, ou même une connaissance spontanée mais complète et claire, de chacun de nos instants.
Il ne saurait être question que de cettesorte de présence de nous-même à nous-même, que la réflexion, ensuite, utilisera, si la mémoire peut entrer en jeu.
Thèse à limiterencore.
(Se servir, pour la discussion, des suggestions que donne le texte de Bergson, et des) idées bien connues et soulignées par toutela psychologie moderne, sur l'inconscient).
Le texte de Bergson est plus délicat, en lui-même, à interpréter et à discuter.
Il oppose très nettement action et conscience, qu'il présentecomme des développements inverses, l'action « bouchant » la conscience, celle-ci s'intensifiant dans les hésitations de Faction.
Laconscience devient ainsi comme la lumière intérieure à un irréel, qui est en même temps in-action, et dont la forme extrême est unmonde d'images pures, une sorte de rêve qui se saisit d'autant mieux qu'il agit moins.
Mais il est frappant de constater que celteconscience qu'on limite à la zone des virtualités, est dans sa forme ultime intelligence, et que Bergson fait de l'intelligence l'outil de notreadaptation à l'Univers, le moyen que la Nature met à notre disposition pour résoudre les problèmes posés à la Vie dans ses rapports avecle monde physique.
Or, l'organisation conceptuelle pénètre l'action, la conscience est ainsi forme d'activité réelle, présente même dansl'automatisme qu'elle surveille.
D'autre part, s'il est vrai que cette zone des virtualités s'étend immensément, et que dans ce champindéfini que les hésitations ouvrent à la Vie, la pensée n'est d'abord qu'une façon de réfléchir, l'action toute contemplative se réduit-elle àcet élargissement de nos hésitations ? Et même, et à l'inverse, l'intuition de notre nature profonde par laquelle nous pénétrons le réel, etsur laquelle Bergson veut fonder toute sa philosophie, n'est-ce pas en réalité une conscience aussi ? (Noter d'ailleurs que Bergson emploiel'expression de conscience pour l'instinct, par lequel la vie se pénètre elle-même et s'utilise).
On a donc ainsi deux points à éclaircir (ou à discuter) : 1.
Cette conscience, qui est réflexion et analyse, s'enferme-t-elle dans la zone desactions virtuelles ? 2.
S'il est vrai que la conscience profonde de soi est surtout sentiment d'une présence, vie et participation à soi-mêmeplus que réflexion, n'est-elle pas lumière expression de soi ?
La vie est essentiellement pour Bergson action et création.
Mais il oppose aux formes simples où la vie se réalise automatiquement, lesconditions complexes qui créent une indétermination et c'est en celles-ci qu'il place la conscience.
« La conscience, dit-il...
» Quelle est lasignification de ces oppositions, et des limites qu'il donne ainsi à la conscience ?
I.
En opposant l'action réalisée (ou actualisée) à la zone des possibles, on fait de la conscience comme la lumière intérieure à un irréel(l'inactuel, — images, — rêve; cf.
remarques ci-dessus).
L'action est une limite à la conscience; celle-ci traduirait surtout les momentsd'inquiétude ou d'inadaptation.
II.
Remarquer qu'on ne nie pas par là le rôle premier de la conscience comme information de soi, d'autant que toute la philosophiebergsonienne se développe par approfondissement de la vie intérieure; remarquer aussi qu'il ne peut être question de nier ni le fait del'effacement de la conscience, lorsque nous sommes entraînés dans l'action pure, ni le fait de son relèvement, en présence d'une diversitéde possibles.
Mais Bergson tend à faire de la conscience proprement dite la forme de l'adaptation au monde matériel, et par contre àdonner le rôle pénétrant ou profond à l'intuition (qui est vivre plus que penser).
III.
Ce qui soulève deux questions i 1°) la conscience s'enferme-t-elle vraiment dans la zone des virtualités d'action, et ne pénètre-t-ellepas l'action même, lorsqu'elle est maîtrise des circonstances, et initiative ? tandis que la forme extrême de l'inaction, le rêve, n'est pasconscience complète.
2°) N'est-il pas vrai aussi qu'elle dépasse la zone des actions possibles pour devenir contemplation pure(compréhension; sentiment esthétique; sentiment religieux, etc.) ? Et faut-il en distinguer vraiment le sentiment profond de soi, car est-ilinexprimable en termes de conscience ?
Conclusion.
— Bergson traduit donc surtout, dans le texte proposé, le moment où la conscience vient s'insérer dans la vie et dépasserl'instinct, mais non cette vie consciente qui, contemplation en elle-même, crée et remplit le loisir, mais aussi bien enveloppe l'action de saforme; car la conscience dirige l'action puissante en se subordonnant les automatismes, si bien que sa limite n'est pas l'action en tant quetelle, mais seulement l'automatisme; et sans doute faut-il dire que la conscience n'est pas de l'action empêchée, mais que plutôt l'actionest de la conscience qui se fait corps..
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