Selon le poète du 20ème siècle, Saint-John Perse : « Poète est celui-là qui rompt pour nous l'accoutumance. » Que pensez-vous de cette conception du rôle du poète ?
Publié le 15/05/2020
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Demande d'échange de corrigé de Germaine Polichon ( [email protected] ).
Sujet déposé :
Selon le poète du 20ème siècle, Saint-John Perse : « Poète est celui-là qui rompt pour nous l'accoutumance.
» Quepensez-vous de cette conception du rôle du poète ?
« La création poétique est d'abord une violence faite au langage.
Son premier acte est de déraciner les mots.
Lepoète les soustrait à leurs connexions et à leurs emplois habituels.
», écrit le poète contemporain mexicain OctavioPaz dans L'Arc et la lyre.
Saint-John Perse lui fait écho en affirmant dans son discours de Stockholm : « Poète estcelui-là qui rompt pour nous l'accoutumance.
» ; l'utilisation du verbe « rompre » induit une dimension violente del'écriture poétique et une opposition radicale avec nos habitudes.
Le terme d'« accoutumance » ensuite, peut êtreopposé à une notion d'originalité, de nouveauté que Perse semble attendre du rôle de poète.
Quant à l'expression «pour nous », elle suggère le fait que le poète parvient à proposer une vision nouvelle du monde, ce dont les autreshommes sont incapables : pour Perse, le poète est donc un être à part.
Mais en quoi le poète se différencie desautres artistes ? Quels sont ses caractéristiques ? Peut-on qualifier la poésie de « genre à part » ? Pour répondre àcela, nous aborderons dans une première partie ce qu'est l'art poétique puis dans une seconde partie, nousexaminerons ce que la poésie a de plus apte à exprimer qu'un autre genre littéraire et enfin dans une dernière partie,nous évoquerons ce qu'est concrètement le rôle du poète, en particulier à notre époque.
Je vous souhaite uneagréable lecture.
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La poésie parle du monde du rêve, des émotions, de l'indicible, du bonheur intense de courte durée, de ce qui noustouche obscurément, dont nous n'avons pas de connaissance claire parce que l'habitude nous empêche de voir leschoses belles.
La réalité semble étrangère aux thèmes traités par la poésie comme la mélancolie, le mysticisme, lerêve, l'idéal, la grandeur, la beauté, le désir d'évasion vers des destinations exotiques, … La poésie estexpérience du langage, elle joue avec les sonorités, avec chaque mot : ses différents sens, son étymologie, samorphologie et ses connotations.
Le langage poétique se caractérise donc par une densité du sens que n'a pas lelangage ordinaire.
Le genre poétique s'est longtemps opposé aux autres genres littéraires du fait qu'il utilisait le verset non la prose.
Dire de quelqu'un qu'il est un « poète » le désigne comme un rêveur, qui n'a pas les pieds sur terre,pas de sens pratique.
Les poètes ont des opinions divaguantes concernant ce qu'ils sont réellement mais unecaractéristique commune, leur différence vis-à-vis des autres artistes ; par exemple, Charles Cros, dans « Sonnet »,fait son autoportrait comme un individu décalé, dans son propre monde : « Moi, je vis la vie à côté, Pleurant alorsque c'est la fête.
Les gens disent : « Comme il est bête ! » » ; on retrouve cette sensation de différence dans desjugements plus littéraires, Platon disait en effet : « Le poète est chose légère, ailée ».
Hugo a lui une vision plusnoble du poète, il le décrit comme un « rêveur sacré », un « homme des utopies », entre rêve et réalité, « Les piedsici, les yeux ailleurs » (citations de son recueil de poèmes : Les Rayons et les Ombres).
En somme le poète est unindividu imprévisible, potentiellement subversif, démobilisateur, sapeur d'énergie.
Sans réduire le poète à uneétiquette simplificatrice, on en distingue dans la société actuelle plusieurs sortes : le poète « artiste », soucieux dela beauté de son art, le poète « lyrique » qui cultive le « chant de l'âme », le poète prophète, découvrant le monde,notamment à travers la religion et le poète engagé, qui met son art au service d'une cause.
La poésie est aussi un moyen de s'évader de la réalité, ainsi le poète peut se permettre de rêver à un monde et àune vie qui pour lui serait idéale.
Ainsi, Joachin Du Bellay, dans le poème « Heureux qui comme Ulysse », cherche às'éloigner d'un lieu bien réel qui ne lui apporte que de la tristesse ; il se sent comme un étranger dans la Rome de laRenaissance et regrette sa Touraine natale (on parle alors de poésie de l'exil, de la nostalgie).
Dans le poème « Larêverie au bord du lac », Jean Jacques Rousseau exprime bien cette pensée.
L'auteur nous fait découvrir un paysageapaisant et rassurant, il nous invite à un voyage spirituel dans un lieu idéal, chargé d'exotisme.
Nous voyons àtravers l'exemple de ce poème la force d'évocation du poète qui, par les mots, les rimes, les sonorités, nous emmènedans son imaginaire et permet l'évasion de notre esprit.
Ce poème nous permet de rêver grâce au paysage apaisantrythmé par les mouvements de l'eau du poème.
Le décor du poème est peint comme un tableau avec unedescription organisée, cela nous permet de mieux imaginer ce paysage et de fuir la réalité, de croire en nos rêves.
Ilfaut se contraindre pour se sortir de ces rêves ; c'est ce qu'écrit Jean Jacques Rousseau lorsqu'il écrit « je nepouvais m'arracher de là sans effort ».
Selon Gutman le poète est celui qui offre une vision particulière du réel, ilbrise l'écran objectif pour imposer une vision inconnue mais pourtant réelle du monde.
En cela il rejoint la conceptionde Saint John Perse : « Le poète est celui-là qui rompt pour nous l'accoutumance.
» ou encore celle de Cocteau : «La poésie dévoile dans toute la force du terme.
Elle montre nues, sous une lumière qui secoue la torpeur, les chosessurprenantes qui nous environnent et que nos sens enregistrent machinalement.
» Le poète est celui qui brise laléthargie pour nous livrer sous un angle différent le réel.
Pour René Char la poésie naît d'une vision singulière grâce àlaquelle une forme surgit, cf.
Fureur et mystère.
Notre poésie apparaît comme le réceptacle d'un réel recomposé,redéfini à la lumière d'une subjectivité puissante.
La totalité du réel peut donc servir de matière poétique puisque cen'est plus le sujet qui importe mais le regard porté sur celui-ci.
Rien n'interdit au poète de parler de thèmes sordides: Baudelaire, Laforgue mettent à l'honneur la réalité la plus médiocre, la plus sordide.
Ponge va jusqu'à faire un.
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