Séance 11 : Explication linéaire Partie 2, scène 2 : la rupture d’Antoine
Publié le 30/06/2024
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Séquence 3 : Juste la fin du monde – Lagarce
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Séance 11 : Explication linéaire
Partie 2, scène 2 : la rupture d’Antoine
ANTOINE.
— Je n’ai rien, ne me touche pas !
Faites comme vous voulez, je ne voulais rien de mal, je ne voulais rien faire
de mal,
il faut toujours que je fasse mal,
je disais seulement,
cela me semblait bien, ce que je voulais juste dire
– toi, non plus, ne me touche pas ! –
je n’ai rien dit de mal,
je disais juste qu’on pouvait l’accompagner, et là, maintenant,
vous en êtes à me regarder comme une bête curieuse,
il n’y avait rien de mauvais dans ce que j’ai dit, ce n’est pas bien, ce n’est
pas juste, ce n’est pas bien d’oser penser cela,
arrêtez tout le temps de me prendre pour un imbécile !
il fait comme il veut, je ne veux plus rien,
je voulais rendre service, mais je me suis trompé,
il dit qu’il veut partir et cela va être de ma faute,
cela va encore être de ma faute,
ce ne peut pas toujours être comme ça,
ce n’est pas une chose juste,
vous ne pouvez pas toujours avoir raison contre moi,
cela ne se peut pas,
je disais seulement,
je voulais seulement dire
et ce n’était pas en pensant mal,
je disais seulement,
je voulais seulement dire…
LOUIS.
— Ne pleure pas.
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ANTOINE.
— Tu me touches : je te tue.
LA MÈRE.
— Laisse-le, Louis,
laisse-le maintenant.
CATHERINE.
— Je voudrais que vous partiez.
Je vous prie de m’excuser, je ne vous veux aucun mal,
mais vous devriez partir.
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LOUIS.
— Je crois aussi.
Partie introductive
Fin de la pièce : il s’agit de l’antépénultième scène.
Alors que Louis
s’apprête à partir sans avoir dit ce qu’il venait annoncer, une dispute
démarre et va laisser la place à l’expression des sentiments véritables
d’Antoine.
Dans cette deuxième partie, Antoine prend davantage la parole.
Toutes les
pensées et sentiments tus jusqu’alors apparaissent au grand jour sous la
forme d’une véritable explosion : soudaine et violente.
Contrairement à l’enthousiasme de Suzanne, Antoine est jusqu’alors resté
froid et encourage le départ de son frère.
Ce départ de Louis se retrouve
être un « retour à la normale » où le frère absent redevient absent et les
douleurs du passé ne sont pas enterrées.
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1ère partie : l.1-13– La défense d’Antoine
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Dans cette première partie, Antoine se place dans une position de victime
et place une distance avec les autres pour mieux se défendre de ce dont
on l’accuse.
ANTOINE.
— Je n’ai rien, ne me touche pas !
Faites comme vous voulez, je ne voulais rien de mal, je ne voulais rien faire
de mal,
il faut toujours que je fasse mal,
je disais seulement,
cela me semblait bien, ce que je voulais juste dire
– toi, non plus, ne me touche pas ! –
je n’ai rien dit de mal,
je disais juste qu’on pouvait l’accompagner, et là, maintenant,
vous en êtes à me regarder comme une bête curieuse,
il n’y avait rien de mauvais dans ce que j’ai dit, ce n’est pas bien, ce n’est
pas juste, ce n’est pas bien d’oser penser cela,
Le besoin irrésistible d’enfin exister
- La proposition initiale est en contradiction avec le reste de l’extrait, cette
affirmation « je n’ai rien » laisse entendre qu’il ne faut pas s’intéresser à lui
(négation), qu’il n’y a pas de problème et la phrase « Faites comme vous
voulez » insiste sur cette idée avec l’impératif de deuxième personne du pluriel
qui laisse le pouvoir décisionnel aux autres.
- Pour autant, Antoine ne s’éclipse pas et va prendre la parole pour un long
moment, il est à partir de cette scène le personnage qui parle le plus.
De plus, il
va exprimer ce qu’il ressent et parler de lui, là où toute la pièce était jusqu’alors
surtout centrée autour de Louis.
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Une scène de colère
- On remarque très rapidement le sentiment qui domine Antoine dans cet extrait
avec la deuxième proposition « ne me touche pas » grâce à l’impératif et le point
d’exclamation.
Les deux propositions étant concises, cela donne l’impression que
la deuxième jaillit.
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- Cette phrase sert aussi d’indications de mise en scène : on imagine les autres
personnes chercher à le calmer et lui les repousser.
Si la communication est
compliquée tout au long de la pièce, la compensation par le contact physique est
ici rejetée ; Antoine s’isole des autres.
Un personnage opposé à tous les autres
- Antoine se place de suite dans une position d’exclusion : on le remarque grâce
à l’opposition entre le « je » et le « vous ».
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- Antoine va revenir sur son intention qui a été mal comprise : « je ne voulais
pas », la négation met en avant l’écart entre ce qu’il voulait et ce qui a été
compris.
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- Pour autant, Antoine se voit condamné à échouer, « il faut toujours que je
fasse mal », l’adverbe « toujours » insiste sur son destin immuable.
Il se place là
tout seul dans le rôle de la victime, du destin tragique de son existence.
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La justification d’une victime
- Dans un deuxième temps, Antoine va revenir sur ce qui s’est déroulé pour se
justifier (adverbe « seulement »).
Ce qui s’est passé est à l’opposé de ce qu’il
souhaitait (antithèse « bien » / « mal »).
- Tout ce passage tourne autour de l’idée du dire (polyptote : « dire » « dit »
« disais ») qui semble si complexe : la parole d’Antoine devient confuse au
moment où il tente d’expliquer l’intention de sa parole (épanorthose).
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- Il tente de minimiser ce qu’il a dit « je n’ai rien dit de mal » (négation) et « je
disais juste » (adverbe qui atténue le propos // avec le titre de l’œuvre…) puis
« il n’y avait rien de mauvais dans ce que j’ai dit » (négation)
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Un personnage incompris ?
- Antoine repousse, une nouvelle fois, l’autre, la partie entre tirets qui crée une
rupture dans la tirade sert de didascalie et montre l’approche d’un autre
personnage… mais pourquoi ? le calmer ? l’apaiser ? l’arrêter ?
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- Par sa prise de parole, il se trouve au milieu de l’attention et donc des regards,
cela le met dans une situation désagréable « me regarder comme une bête
curieuse » (comparaison) // bouc émissaire
- La dernière phrase où se répète «....
»
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