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SCÈVE Maurice: vie et oeuvre

Publié le 06/11/2020

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Livre construit, et non pas suite incohérente de notations ou de sensations; récit, logiquement mené, de la naissance d'une passion amoureuse, puis de l'imprégnation d'un esprit qu'elle bouleverse (qu'elle détourne à contre-gré d'une propension naturelle au plaisir; qu'elle agace, aussi), mais qu'elle enrichit et qu'elle simplifie tout ensemble, jusqu'au dépouillement, à l'épuration finale; joie sublimée à quoi les amants séparés vont accéder - comme dans l'acte d'amour le plus parfait - ensemble : à la même seconde.

« 5 C È VE Maurice 1501- vers 1562 Poète, né à Lyon.

Fils d'un échevin, il s'éprend de Pernette du Guillet, poète comme lui, mais de vingt ans sa cadette.

Amour orageux sans aucun doute, mais, au total, heureux, qu'il chantera dans La Délie, son chef-d'œuvre (1544).

L'année qui suit la publication de ce poème, la jeune femme meurt.

Scève, alors, se retire du monde et compose La Saulsaye, églogue de la vie solitaire (1547).

Dans les dernières années de sa vie, on perd sa trace.

Il semble qu'il soit mort peu après la publi­ cation (en 1562) de Microcosme, étrange« légende des siècles» en rac­ courci, qui prend l'humanité à l'âge de la création d'Adam et lui ouvre, pour finir, la perspective d'un monde libéré de la matière.

Cest Délie, objet de plus haute vertu, qui reste la plus attachante de ses œuvres.

Cette suite de quelque cinq cents poèmes, aussi brefs que denses, est composée selon un « schème » et un rythme implacable­ ment identiques d'un bout à l'autre : dix vers de dix pieds.

L'ambiguïté de l'œuvre apparait dès le titre, qui évoque à la fois le paganisme sen­ suel (Délie n'est autre, dans l'esprit de Scève, que « la fille de Délos ») et le platonisme (Délie est l'anagramme de « l'Idée ») ; à quoi s'ajoute encore en filigrane la tradition française de l'amour courtois.

Scève ne parle-t-il pas de Délie comme de sa « Dame »? (Ainsi dans le diza� sur sa mort : Mais bien me soit, Dame, pour tombe humide I Si digne en suis, ton parfum délicieux.) Et, de fait, Scève n'est pas si éloigné d'un poète médiéval comme Chrétien de Troyes par cette exigence, affirmée dès le titre, d'un amour « de plus haute vertu».

Mais c'est, surtout, sur le plan de la forme, volontiers sibylline, et toujours elliptique, que Scève renoue avec la poésie de notre plus lointain passé, avec l'esprit de recherche passionnée (un peu trop subtile à l'occasion) des troubadours et de Guillaume de Machaut.

Mieux, il relie ces primitifs de notre lit­ térature avec le modernisme d'un Nerval (dans ses sonnets) et d'un Mallarmé ; si ce n'est d'un Paul Éluard, d'un René Char.

L'exaltation amoureuse ne se résout pas chez lui en effusions; elle a le mordant, la rigueur d'une épigramme.

Aucune complaisance, non plus, envers la traditionnelle peine d'amour infinie: c'est la quête ardente d'un bonheur possible à partir d'une situation qui ne dépend pas de lui : l'amour impossible.

La trop jeune Pernette du Guillet n'est d'ailleurs pas seule ici à figurer l' « objet de plus haute vertu » : un amour d'enfance vient sans cesse en interférence avec l'image de Délie.. »

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