Saint-John Perse
Publié le 09/12/2021
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Les poèmes de Saint-John Perse surprennent d'abord par une puissance énigmatique qui n'appartient qu'à eux. La ressemblance qui les unit est extrême, comme la différence qui les sépare de tous les autres. On doit emprunter à l'oeuvre même du poète une formule qui en exprime l'impressionnante singularité : "Une seule et longue phrase sans césure à jamais inintelligible." C'est bien ce qu'elle paraît au premier regard : inintelligible, à la façon d'un instrument dont on ignore la destination, mais que sa perfection, sa délicatesse, son poli rendent déjà admirable. L'oeuvre de Saint-John Perse est toute de consentement. Il admire ; et le bonheur des autres, s'ils admirent à leur tour, le remplit d'aise. Dans Exil, ce n'est pas simple tautologie, si l'auteur écrit : “... et la merveille est annoncée par ce cri : "O merveille !". C'est infaillibilité et adhésion profonde, qui élargit celle d'Anabase : “...choses vivantes, ô choses excellentes !..."
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Saint-John Perse
Les poèmes de Saint-John Perse surprennent d'abord par une puissance énigmatique qui n'appartient qu'à eux.
Laressemblance qui les unit est extrême, comme la différence qui les sépare de tous les autres.
On doit emprunter àl'oeuvre même du poète une formule qui en exprime l'impressionnante singularité : "Une seule et longue phrase sanscésure à jamais inintelligible."
C'est bien ce qu'elle paraît au premier regard : inintelligible, à la façon d'un instrument dont on ignore la destination,mais que sa perfection, sa délicatesse, son poli rendent déjà admirable.
L'oeuvre de Saint-John Perse est toute de consentement.
Il admire ; et le bonheur des autres, s'ils admirent à leurtour, le remplit d'aise.
Dans Exil, ce n'est pas simple tautologie, si l'auteur écrit : “...
et la merveille est annoncée par ce cri : "O merveille!".
C'est infaillibilité et adhésion profonde, qui élargit celle d'Anabase :
“...choses vivantes, ô choses excellentes !..."
Au début de son oeuvre, dans Pour fêter une Enfance, le poète n'est pas moins explicite : appelant toute chose, jerécitai qu'elle était grande, appelant toute bête, qu'elle était belle et bonne..
"Toute chose, toute bête" : quelle avidité ! ou quelle indifférence ! "Je récitai" : quelle emphase ! "qu'elle étaitgrande, qu'elle était belle et bonne" : qui connaît un parti pris d'acquiescer plus obstiné, plus ingénu, plus confiant ?
Pourtant, Saint-John Perse ne s'aveugle pas sur la loi d'un univers qui ne contient rien qui ne s'émiette ou nes'efface.
Il le connaît décevant et traître.
Il sait qu'il se dérobe quand l'âme recherche en lui un bonheur qui lacomble.
Il arrive au poète de douter de l'efficacité des sortilèges de son art devant un monde plus rétif à sonapproche que "l'encolure des bêtes fabuleuses".
Il perd pied et se prend à désespérer : les puissances du langagesuffisent-elles ?
Faut-il crier ? faut-il créer ? Qui donc nous crée en cet instant ?Et contre la mort elle-même, n'est-il que de créer ?
Faut-il crier ? faut-il louer ?Qui donc nous perd en cet instant ou qui nous gagne ?...Aveugles, nous louons.Et te prions, Mort visitée des Grâces immortelles.Veuillent nos phrases, dans le chant, par le mouvement des lèvres graciées, signifier plus, ô dieux, qu'il n'est permisau songe de mimer.(Amers.)
Et la Mort cède à la Grâce, la phrase est moins évasive que le songe.
La louange, la promotion poétiqueimmortalisent le périssable.
Elles créent cet empire lent et grave, tout de quiétude, d'opulence et de majesté, que lepoète a conçu dès ses plus jeunes ans et dont il se souvient au seuil de son oeuvre :
Alors les hommes avaientune bouche plus grave, les femmes avaient des bras plus lents ;alors, de se nourrir comme nous de racines, de grandes bêtestaciturnes s'ennoblissaient ;et plus longues sur plus d'ombre se levaient les paupières(Pour fêter une Enfance.)
Saint-John Perse n'a cessé d'être fidèle à la lettre et à l'esprit de ce prélude.
Il écrit la chronique entière du mondeet la nomenclature de ses trésors dans le mode de cette ouverture, où se mêlent étroitement le désir et lanostalgie.
Dès le début, il s'agit d'une civilisation idéale qui semble surgie de toutes les hautes époques de l'histoire.Sans appartenir en propre à aucune d'elles, elle rassemble leurs perfections et la stabilité de leurs liturgies, pouroffrir au poète une vaste étendue d'innocence et d'aisance, de profusion et de puissance, où se projettent sans finses prédilections.
Il peut alors s'écrier :
Ouvre ta paume, bonheur d'être...Et qui donc était là, qui n'est plus que bienfait ?(Amers.)
Exacte et triomphante contrepartie coulée d'ailleurs dans le même moule des exclamations désabusées qu'il lui arrivede proférer devant l'irrémédiable fugacité des choses.
Parvenu à son grand âge, le poète est bien assis dans sa.
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