Robert Graves
Publié le 09/12/2021
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Robert Ranke Graves est né à Londres, d'un père irlandais, lui-même poète, et d'une mère d'origine allemande. Entré tardivement à Charterhouse, en 1914, il avait dès avant cette date écrit quelques poèmes orientés vers la chevalerie, l'aventure, la féerie. Engagé volontaire, il servit dans le régiment de Siegfried Sassoon. Blessé, envoyé en convalescence à Oxford, il s'y maria en 1918. La guerre l'avait profondément marqué. Il y avait pris conscience d'une révolte fondamentale, qu'il allait exprimer en 1929 dans une passionnante autobiographie : Good bye to all that (Adieu à tout cela). Il y rejetait toutes les valeurs de la civilisation. Son installation prolongée à Majorque, où il séjourna jusqu'à la guerre d'Espagne, fut le symbole de sa rébellion. Robert Graves a connu en prose de retentissants succès. Son évocation du personnage impérial de Tibère, se détachant sur le fond de violence luxurieuse et de superstitions de la Rome du Ier siècle (I, Claudius) lui a valu le Prix Hawthorden en 1934 ; tandis qu'un autre récit : Count Belisarius, obtenait en 1939 le Prix Fémina-Vie Heureuse. Son nom, cependant, reste essentiellement attaché au domaine de la poésie. Comme tout artiste, Graves a été influencé par les événements : ici, le choc moral et physique des tranchées, les déceptions amoureuses, la vogue de la psychanalyse, son association intime avec l'écrivain américain Laura Riding. Mais ces répercussions de l'extérieur n'ont fait qu'accentuer une prédisposition de son être à l'angoisse. Dès le début on voit apparaître chez lui le thème de la destruction. Sans doute évoluera-t-il, abandonnant au cours de sa carrière la mélodie décorative et le pipeau pastoral pour des formes et des accents plus substantiels, mais la terreur que lui inspirent la fragilité et le dénuement de la condition humaine aura retenti très tôt dans ses plus beaux vers. Et même avec un pessimisme plus amer qu'ultérieurement. Car si, tout au long de sa vie, Graves insiste sur le destin d'Orphée — chaque poète devant nécessairement être mis en pièces avant de trouver la paix — la promesse de cette paix reste absente des poèmes initiaux. La contribution la plus mémorable de Graves à notre connaissance de la poésie demeure toutefois sa conception d'une Muse, Reine d'une société matriarcale, sacrifiant sans cesse le Roi à sa mission triple d'enfantement, d'union sexuelle et de meurtre. Une tyrannie de la fécondité. Mais indispensable. Car si Apollon usurpe les pouvoirs de la Muse, alors — pense Graves — on entre dans le royaume du principe masculin et la poésie, changée en rhétorique, s'effondre. Il y a dans le tempérament de Robert Graves une candeur agressive qui ne doit point égarer. Ironique et fervent, porté par sa vigoureuse intelligence à l'invention mythique et lui-même olympien, il est le poète des pathétiques réconciliations. Celui qui, n'ayant renié ni le corps ni l'âme, n'estime point pour autant qu'ils puissent coexister avec facilité.
Robert Ranke Graves est né à Londres, d'un père irlandais, lui-même poète, et d'une mère d'origine allemande. Entré tardivement à Charterhouse, en 1914, il avait dès avant cette date écrit quelques poèmes orientés vers la chevalerie, l'aventure, la féerie. Engagé volontaire, il servit dans le régiment de Siegfried Sassoon. Blessé, envoyé en convalescence à Oxford, il s'y maria en 1918. La guerre l'avait profondément marqué. Il y avait pris conscience d'une révolte fondamentale, qu'il allait exprimer en 1929 dans une passionnante autobiographie : Good bye to all that (Adieu à tout cela). Il y rejetait toutes les valeurs de la civilisation. Son installation prolongée à Majorque, où il séjourna jusqu'à la guerre d'Espagne, fut le symbole de sa rébellion. Robert Graves a connu en prose de retentissants succès. Son évocation du personnage impérial de Tibère, se détachant sur le fond de violence luxurieuse et de superstitions de la Rome du Ier siècle (I, Claudius) lui a valu le Prix Hawthorden en 1934 ; tandis qu'un autre récit : Count Belisarius, obtenait en 1939 le Prix Fémina-Vie Heureuse. Son nom, cependant, reste essentiellement attaché au domaine de la poésie. Comme tout artiste, Graves a été influencé par les événements : ici, le choc moral et physique des tranchées, les déceptions amoureuses, la vogue de la psychanalyse, son association intime avec l'écrivain américain Laura Riding. Mais ces répercussions de l'extérieur n'ont fait qu'accentuer une prédisposition de son être à l'angoisse. Dès le début on voit apparaître chez lui le thème de la destruction. Sans doute évoluera-t-il, abandonnant au cours de sa carrière la mélodie décorative et le pipeau pastoral pour des formes et des accents plus substantiels, mais la terreur que lui inspirent la fragilité et le dénuement de la condition humaine aura retenti très tôt dans ses plus beaux vers. Et même avec un pessimisme plus amer qu'ultérieurement. Car si, tout au long de sa vie, Graves insiste sur le destin d'Orphée — chaque poète devant nécessairement être mis en pièces avant de trouver la paix — la promesse de cette paix reste absente des poèmes initiaux. La contribution la plus mémorable de Graves à notre connaissance de la poésie demeure toutefois sa conception d'une Muse, Reine d'une société matriarcale, sacrifiant sans cesse le Roi à sa mission triple d'enfantement, d'union sexuelle et de meurtre. Une tyrannie de la fécondité. Mais indispensable. Car si Apollon usurpe les pouvoirs de la Muse, alors — pense Graves — on entre dans le royaume du principe masculin et la poésie, changée en rhétorique, s'effondre. Il y a dans le tempérament de Robert Graves une candeur agressive qui ne doit point égarer. Ironique et fervent, porté par sa vigoureuse intelligence à l'invention mythique et lui-même olympien, il est le poète des pathétiques réconciliations. Celui qui, n'ayant renié ni le corps ni l'âme, n'estime point pour autant qu'ils puissent coexister avec facilité.
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