Résumé: L'attrape-coeur de JD Salinger
Publié le 05/12/2021
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une oeuvre de JD Salinger
Holden raconte ici sa dernière journée à Pencey, celle qui précède sa fuite dans les méandres de New York, perdu dans ses propres confins psychologiques. La finale de sa fugue est déjà établie; mercredi, date de son retour prévu pour les fêtes, il retournera au chic appartement familial de Manhattan. Pendant ce court voyage, il aiguise son animosité envers NY et l’hypocrisie du monde qui l’entoure. Image très éloigne de la belle ville innocente qu’il espérait. New York baigne dans l’hypocrisie et ça, il ne peut le supporter.
Dans ce décor névrotique se dessine les élucubrations d’Holden : une série de descriptions et de comportements qui en disent long sur le sentiment d’anxiété du jeune, sur sa dépression nerveuse, celle que tous parents espèrent passagère. Des indices, tels la bagarre avec Stradalter, la rage, courir sous la neige vers la maison de Spencer, insomnie, alcool, abus de nicotine. Des comparaisons morbides nous indiquent aussi l’état de choses «Quelque chose de pénétrant comme un clou à m’enfoncer dans le crâne.»
Les mensonges proférés par notre étrange héros relèvent de cette manie mythomane, lui qui s’invente des réalités fantasmagoriques. Holden ment à la mère d’Ernest dans le train, sa tumeur au cerveau, à Spencer pour l’équipement d’escrime, à Antolini, à Sally, aux trois idiotes à qui il dit avoir aperçu Gary Cooper.… Ces mensonges ridicules témoignent de son immaturité. D’ailleurs, il n’arrête pas d’exagérer, des hyperboles ? Avec lui, le temps est subjectif, ça prend toujours des heures alors qu’en réalité on ne compterait pas plus de 10 minutes ! Notre personnage ne tourne pas rond émotivement ni mentalement. Il le dit lui-même; il est fou, de façon passagère, idiot parfois. Il lui arrive d’être sadique, trouillard et looser. Rien de très sain tout ça. Il n’a d’ailleurs jamais « la forme ». À la fin du roman, Holden est franchement mal en point. Entre deux âges, trop grand, des cheveux gris qui témoignent de sa présence du côté adulte. Peut-être le choc a-t-il été trop brusque?
Le cynisme de Holden est une tentative pour se protéger soi-même de cette vie désaxée et décadente. La solitude semble être assez pesante. Il n’arrête pas d’inviter des inconnus à prendre des verres, mais ils refusent tous. Jusqu’aux nonnes, qui ne veulent pas qu’il paie et à la mère d’Ernest qu’il voudrait bien séduire et qui ne veut, elles aussi.
Holden est intelligent, pas de doute. Pour la réussite scolaire, il faudra par contre repasser. Il échoue tous ses cours, sauf la littérature, évidement. Il ne croit pas l’école fasse partie du processus d’accession à la connaissance, comme s’il lui fallait quelque chose de plus pragmatique, d’empirique. « Et j’y ai jamais connu personne qui soit splendide, l’esprit ouvert et tout. Peut-être deux gars. Et encore, c’est probable qu’ils l’étaient déjà comme ça en arrivant à l’école. » Il n’est pas un nihiliste, bien au contraire. Même s’il fume dans le dortoir alors que c’est interdit, cela ne vaut pas dire qu’il ne respecte aucun règlement. C’est plutôt l’aberration des règlements qui le met hors de lui. Il est quand même dehors de l’école parce qu’il ne peut pas s’adapter. « La vie est un jeu » et Holden ne semble ne pas connaître ou accepter les règlements. Il n’aime pas trop les institutions, qu’elles soient scolaires ou cinématographiques.
Holden a peur de l’autorité parentale. Les rapports avec ses parents semblent conflictuels : « son père est particulièrement susceptible. ». Il est la figure même d’une autorité sévère et menaçante.
Avec Holden, on est toujours déséquilibré, dans l’ambiguë et le paradoxe. Il hait Ackley mais l’invite au cinéma et recherche sa compagnie. Sa sympathie pour lui est évidente. Il déteste le cinéma mais y va. Déteste Sally mais s’y perd en baisers volés sur la banquette arrière d’un taxi.
Son rapport à la culture américaine est tout aussi paradoxal. Alors qu’il ne peut pas s’empêcher de regarder par la fenêtre pour y apercevoir des gens en plein délire sexuel (travestisme, couple ivre) il ne cesse de ruminer sur l’étrangeté de ces gens. Mais il regarde ! « C’était tellement putride que je pouvais pas en détacher mes yeux. » Voyeur, il est confronté à sa propre étrangeté. Ça l’effraie drôlement. Sa nature ambivalente désigne à la foi sa folie secrète et l’instabilité de l’enfance. Il a des comportements de maniaque.
Pareil pour les stars de cinéma, il les hait. Pourquoi ? Sans doute parce qu’elles sont vendues, produit de consommation désincarnées. Il est poli avec Spencer mais n’en pense pas moins dans sa tête « Je sais…. (et dans sa tête) Mon cul ! »
Les livres, c’est ce qui reste de vrai, de fictif mais de vrai. La description du moi est toujours nécessairement vraie, comme la description du gant d’Allie. Son auteur préféré est son frère, pour le travail qu’il a fait jadis. Il a lu les classiques. En parlant du livre qu’Holden est en train de lire, Ackley demande si « c’est bon ? » Question étrange. Les magazines qu’il trouve un peu partout sur son chemin, c’est aussi de la mauvaise littérature, un peu de celle dont parlait Flaubert.
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