RESPONSABILITÉ ÉVALUATION DU PRÉJUDICE C.E. 21 mars 194?', COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX et Dame Veuve AUBRY, Rec. 122
Publié le 30/09/2022
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«
RESPONSABILITÉ
ÉVALUATION DU PRÉJUDICE
C.E.
21 mars 194?', COMPAGNIE GÉNÉRALE DES EAUX
et Dame Veuve AUBRY, Rec.
122
(S.
1947.3.85, note D.
P.; D.
1947.225, note P.
L.
J.;
R.
D.
P.
1947.198, note Jèze;
v.
également J.
C.
P.
1947.1.650, Charlier:
« Les effets de la hausse des prix
dans la responsabilité civile et administrative »).
I.
- Compagnie générale des Eaux
Cons.
que l'évaluation des dégâts subis par l'immeuble de la dame
veuve Pascal, du fait de ,la rupture d'une conduite de la Compagnie
générale des Eaux, devait être faite à la date où, leur cause ayant pris fin
et leûr étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés
à les réparer; que les premiers juges ont exactement apprécié les
circonstances de l'affaire en estimant que cette date devait être fixée au
10 févr.
1942; que le sieur Pascal n'apporte pas la preuve que les travaux
aient été retardés par l'impossibilité soit d'en assurer le financement soit
de se procurer les matériaux nécessaires à leur exécution; que, dans ces
conditions, c;'est à bon droit que le conseil de préfecture de Versailles
s'est placé à la date susindiquée du 10 févr.
1942 pour évaluer le
montant de l'indemnité qui était due;
Cons., d'autre part, que la Compagnie générale des Eaux n'établit
pas 'que le conseil de préfecture ait fait une appréciation exagérée du
coût des travaux d'étaiement en le fixant à 32 000 F;
En ce qui concerne les intérêts :
Cons.
qu'en décidant que l'indemnité de 138 00Q F qu'il allouait au
sieur Pascal porterait intérêt à compter du 12 août 1942, date de la
demande introductive d'instance, le conseil de préfecture n'a pas
entendu dire que les sommes qui ayaient pu être déjà versées par la
Compagnie générale des Eaux à la dame veuve Pascal ou au sieur
Pascal, son héritier, à titre de provision, continueraient à produire
intérêt après leur paiement; que les conclusions de la Compagnie
générale des Eaux tendant à ce que le cours des intérêts soit arrêté au
4 juilL 1944, date de l'arrêté définitif du conseil de préfecture, ne sont
assorties d'aucun motif :
Sur les dépens de première instance;
Cons.
que, dans les circonstances de l'affaire, c'est à bon droit que le
conseil de préfecture a mis à la charge de la Compagnie générale des
Eaux la totalité , des dér_ens de première instanc;e, y compris les frais
d'expertise; .•.
(Rejet de la requête et du recours incident).
II.
- Dame Veuve Aubry
Sur le montant de l'indemnité
Cons.
que, si le droit à la réparation du dommage personnel s'ouvre à
la date de l'accident, il appartient à l'autorité qui f,xe l'indemnité et
notamment au 'Jugé saisi de conclusions pécuniaires de faire du dommage
une évaluation telle qu'elle assure à la victime, à la date où intervient la
décision, l'entière réparation du préjudice, en compensant la perte
effective de revenu éprouvée par elle du fait de l'àccident; que,
toutefois, il doit être tenu compte, dans cette évaluation, de la responsabilité qui peut incomber à l'intéressé dans le retard apporté à la
réparation du dommage; que, dans ce cas, le préjudice doit être évalué
en faisant état des circonstances existant à l'époque où la c;lécision
aurait dû normalement intervenir :
Cons.
qu'il résulte de l'instruction que, du fait de l'accident dont
s'agit la dame veuve Aubry a dû être hospitalisée durant cent vingt
jours, pendant lesquels elle a été privée de son salaire, et qu'elle est
atteinte d'une incapacité permanentè partielle de travail de 46 %; que
compte tenu, d'une part, des modifications survenues dans le taux des
salaires depuis la date de l'accident et, d'autre part, du retard apporté
par la requérante à la présentation de sa demande d'indemnité, il sera
fait une juste appz:_éciation de l'indemnité due à la dame veuve Aubry,
en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 150 000 F, y compris
tous intérêts échus au jour de la pésente décision, ·en compensation des
frais médicaux supportés par elle, des salaires non perçus durant son
hospitalisation et du préjudice correspondant à l'incapacité permanente
partielle dont elle est atteinte; ...
(Annulation et indemnité).
0
OBSERVATIONS
I.
- Une conduite d'eau s'est rompue, causant des dégâts à
un immeuble.
Le dommage date du 10 févr.
1942;,Ie conseil de
préfecture statue le 4 juill.
1944_; le Conseil d'Etat, saisi en
appel, examine l'affaire en mars 1947.
A quelle date le juge
va-t-il se placer pour évaluer le préjudice? La question est
capitale en raison de, la dévaluation de la monnaie.
Si en
principe le Conseil d'Etat adoptait la date du· dommage (C.
E.
12 avr.
1940, Association syndicale de Meilhan, Rec.
142),
depuis plusieurs années, lorsqu'il s'agissait de dommages matériels, il admettait dans certains cas que l'évaluation du préjudice devait se faire au joùr où il pouvait être procédé à la
réparation effective du dommage, et non à la date du dommage
lui-même (C.E.
6 juill.
1932, Lethairon, Rec.
681; - 23 déc.
1942, Compagnie française des automobiles de place, Rec.
361).
L'indemnité était donc fixée sur la base des prix en vigueur,
non au jour de l'accident, mais au jour où la réparation
devenait possible : toutefois · seuls des motifs juridiques et
techniques pouvaient, d'après la jurisprudence, légitimer l'écoulement d'un certain délai entre l'accident et sa réparation :- par
exemple, la nécessité de ,faire constater par les experts l'étendue
et la gravité du dommage (cf.
Lethairon, précité) ou l'impossibilité de réparer due à une pénurie des matériaux nécessaires :
« Cons.
que l'indemnité...
accordée par le ministre correspondait au prix qui aurait dû être payé fin décembre 1944 pour la
"
'
restauration de l'immeuble endommagé; qu'à cette époque
l'exécution des travaux était impossible en raison de la priorité
réservée aux sinistrés de guerre pour l'attribution des matériaux
nécessaires; que la somme réclamée par les requérants ne
dépasse pas le montant des dépenses exigées par la réparation
de leur immeuble à l'époque où ces travaux sont devenus
possibles ...
» (C.E.
27 nov.
1946, Consorts Goubert, Rec.
282).
Mais dans l'affaire de la Compagnie générale des eaux, la
cause du retard mis par le requérant à la réparation n'est ni
juridique, ni technique, mais financière : il soutenait qu'il
n'l!vait pu assurer le financement des travaux.
Le Conseil
.d'Etat saisit l'occasion:
1° de définir plus nettement qu'il ne l'avait jamais ,fait les....
»
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