Réponse à un acte d'accusation (V. Hugo) ; vers 41 à 86 (inclus)
Publié le 25/03/2022
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Texte 1 : Réponse à un acte d'accusation (V.
Hugo) ; vers 41 à 86 (inclus)
Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes ;
Les uns, nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes,
Les Méropes, ayant le décorum pour loi,
Et montant à Versaille aux carrosses du roi ;
Les autres, tas de gueux, drôles patibulaires,
Habitant les patois ; quelques-uns aux galères
Dans l’argot ; dévoués à tous les genres bas,
Déchirés en haillons dans les halles ; sans bas,
Sans perruque ; créés pour la prose et la farce ;
Populace du style au fond de l’ombre éparse ;
Vilains, rustres, croquants, que Vaugelas leur chef
Dans le bagne Lexique avait marqué d’une F ;
N’exprimant que la vie abjecte et familière,
Vils, dégradés, flétris, bourgeois, bons pour Molière.
Racine regardait ces marauds de travers ;
Si Corneille en trouvait un blotti dans son vers,
Il le gardait, trop grand pour dire : Qu’il s’en aille ;
Et Voltaire criait : Corneille s’encanaille !
Le bonhomme Corneille, humble, se tenait coi.
Alors, brigand, je vins ; je m’écriai : Pourquoi
Ceux-ci toujours devant, ceux-là toujours derrière ?
Et sur l’Académie, aïeule et douairière,
Cachant sous ses jupons les tropes effarés,
Et sur les bataillons d’alexandrins carrés,
Je fis souffler un vent révolutionnaire.
Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.
Plus de mot sénateur ! plus de mot roturier !
Je fis une tempête au fond de l’encrier,
Et je mêlai, parmi les ombres débordées,
Au peuple noir des mots l’essaim blanc des idées ;
Et je dis : Pas de mot où l’idée au vol pur
Ne puisse se poser, tout humide d’azur !
Discours affreux ! — Syllepse, hypallage, litote,
Frémirent ; je montai sur la borne Aristote,
Et déclarai les mots égaux, libres, majeurs.
Tous les envahisseurs et tous les ravageurs,
Tous ces tigres, les huns, les scythes et les daces,
N’étaient que des toutous auprès de mes audaces ;
Je bondis hors du cercle et brisai le compas.
Je nommai le cochon par son nom ; pourquoi pas ?
Guichardin a nommé le Borgia, Tacite
Le Vitellius.
Fauve, implacable, explicite,
J’ôtai du cou du chien stupéfait son collier
D’épithètes ; dans l’herbe, à l’ombre du hallier,
Je fis fraterniser la vache et la génisse,
L’une étant Margoton et l’autre Bérénice.
Introduction :
Auteur Victor Hugo (1802-1885) occupe une place exceptionnelle dans l’histoire de nos
lettres ; il domine le XIXème siècle par la durée de sa vie et de sa carrière.
Il est
considéré comme le chef de file du Romantisme.
Persuadé que le poète remplit une mission, il a pris une part active aux grands
débats politiques, devenant à la fin de sa vie le poète officiel de la République.
Hugo trouve, dans l’action politique et humanitaire un dérivatif au désespoir dans
lequel l’avait plongé la mort de sa fille, Léopoldine en 1843.
Il s’engage dans des combats pour de grandes causes : la peine de mort, le sort des
prisonniers, le travail des enfants, premières victimes du capitalisme issu du
développement du machinisme.
ŒUVRE
Contexte
Titre, date
Genre
Tonalité
Thèmes Sorti en 1856, le recueil intitulé Les Contemplations rassemble, ainsi que Victor
Hugo l’exprime lui-même dans sa préface, les "Mémoires d’une âme".
C’est une
perspective autobiographique qui guide l’écriture de cette somme poétique.
Le recueil comporte 158 poèmes écrits par Victor Hugo entre 1834 et 1855 et
publié en 1856.
Il a été écrit pendant l’exil de Victor Hugo dans les îles anglo-saxonnes (cet exil.
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