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RELIGION

Publié le 06/12/2021

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RELIGION__________________________________

Par religion, on entend généralement un complexe culturel, qu'on peut définir grossièrement par :

1 — l'existence d'un rite cultuel, c.-à-d. d'un ensemble codifié de gestes et de pratiques divers, fortement chargés de symbolisme et accomplis dans le but explicite de rendre hommage à un être transcendant, ou d'en obtenir les faveurs ;

2 — l'exigence d'adhérer à une croyance définie ; celle-ci pouvant prendre les sens non exclusifs d'une attitude psychologique qui engagerait le sujet au-delà des raisons qu'il peut en donner ou d'un ensemble de doctrines dont la cohérence est plus ou moins empruntée aux règles de la rationalité ;

3 — la fonction sociale d'intégrer les individualités spirituelles en une conscience collective Wurkheiml, et par là, d'assurer la cohésion du groupe.

1.   La philosophie est concernée à divers titres par le phéno­mène religieux ; une philosophie de la religion se donne pour but d'en réfléchir le sens et la valeur, une philosophie religieuse tente d'assurer la continuité entre la réflexion philosophique et la croyance. Le problème central réside dans l'opposition apparente d'une réflexion rationnelle et d'une pratique qui poSsède son fondement dans un être transcendant. Ce problème n'apparaît pas dans toute société ; dans la Grèce antique, le discours sacré du prêtre inspiré était susceptible d'être repris dans le discours profane du philosophe, comme un mythe dont le sens était pensable rationnellement ; les soufis de l'Islam intègrent la culture philosophique à une attitude spiritualisée issue de l'ensei­gnement coranique. C'est la religion chrétienne qui instaure le problème ; d'abord parce qu'elle est une religion révélée, c'est-à-dire donnée aux hommes en une rencontre person­nelle avec la divinité et consignée en un livre dont la véracité ne saurait être mise en doute ; ensuite parce que l'existence de l'Église met la religion face à l'État dans une opposition qui n'est pas seulement celle du sacré au profane, mais du pouvoir spirituel au pouvoir temporel (1).

2.   Dès lors, il n'est pas étonnant que la confrontation de la religion à la philosophie caractérise l'histoire de la pensée occidentale.


1 — Pour les scolastiques du Moyen Age, il s'agit de concilier les deux ; l'activité philosophique est alors tournée vers la nécessité d'avoir à justifier la foi. S'oppose-t-elle à la raison, en est-elle indépendante, ou complémentaire (il n'y aurait pas de vérité non rationnelle) ? On peut s'efforcer de répondre à ces questions en démontrant l'existence de Dieu ; mais comment expliquer les mystères (Eucharistie, Trinité, Immaculée Conception), comment une nature humaine entachée par le péché originel pourrait-elle s'élever par sa propre force jusqu'à la foi ?

2 — La révolution scientifique de la Renaissance entraîne le développement d'une métaphysique qui tente d'atteindre la divinité et la définition des devoirs qu'on lui doit, par un discours rationnel. Cela conduit directement à l'idée d'une théologie et d'une religion naturelles, que l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert définit comme la connaissance qu'on a de Dieu et de ses attributs par les lumières de la raison et de la nature, en remontant de l'ordre des choses à un être ayant telle et telle qualité. Hume fait porter sa critique sur les prétentions de la religion naturelle, et Kant détruit la théologie naturelle en établissant l'impossibilité pour la raison théorique de démontrer l'existence de Dieu. Cela conduit à mettre l'accent sur une foi qui peut cependant exister dans les limites de la simple raison.

3 — L'idée d'une religion naturelle, fût-elle simplement circonscrite par la raison, impose qu'on en distingue la religion positive, c.-à-d. existant réellement. Comme phéno­mène, on n'a pas à en rendre raison ,• on peut la considérer comme pure superstition, origine de la religion naturelle ou ensemble de croyances auxquelles le devoir nous astreint. Hegel en posant que la réalité n'est que le développement de l'idée dont l'achèvement est l'Esprit Absolu, accorde la rationalité à la religion positive comme développement du concept (voir Dieu, et aliénation pour une présentation de l'athéisme néo-hégélien).

4 — La problématique contemporaine est caractérisée par une marginalisation des phénomènes religieux, qui appa­raissent totalement étrangers à la pensée scientifique. Tout au plus la religion est-elle devenue un objet pour l'histoire, la sociologie, la psychologie, voire la psychanalyse (cf. Freud, Totem et tabou, Moïse et le monothéisme), selon une voie ouverte par la critique spinoziste (Traité théologico-politique) des textes bibliques. La phénoménologie issue de Husserl peut peut-être, en valorisant le vécu, laisser place à la foi. Une réflexion théologique prenant sa source en Hegel peut peut-être se déployer après « la mort de Dieu «. Mais la philosophie se doit d'entériner cette marginalisation et d'expliciter le sens historique d'un phénomène qui apparaît sur son déclin ; lorsque corrélativement à ce déclin, se déve­loppent des religions de masse aux aspects étrangement


irrationnels (Témoins de Jéhovah, Mormons, etc.), lorsque les mystiques orientalisées, l'astrologie et la cartomancie voient leur succès grandir, faut-il avec Durkheim voir dans la religion « quelque chose d'éternel qui est destiné à survivre à tous les symboles particuliers dans lesquels la pensée reli­gieuse s'est successivement enveloppée «, ou considérer l'apparition d'une nouvelle forme d'aliénation ?

 

1. Voir l'article Augustin (Saint).

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