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Reddite ergo quae sunt Caesaris Caesari et quae sunt Dei Deo

Publié le 05/01/2022

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« Reddite ergo quae sunt Caesaris Caesari et quae sunt Dei Deo Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu Cette expression apparait dans les Evangiles synoptiques (Matthieu, 22, 21 ; Luc, 20, 25 ; Marc, 12, 17 : l'original grec chez Matthieu étant exactement à1T660TE ovv Tà Ka(aapos Ka(aapL Kal Tà Toû 0eov T(f) 9E(f)) et constitue la réponse de Jésus à ceux qui l'interpellent en lui demandant s'il est licite ou non de payer le tribut à Rome; le visage de l'empereur étant gravé sur les pièces de monnaie, et ces pièces appar­ tenant au royaume de ce monde, Jésus prescrit de rendre ces pièces à l'empereur.

Cette phrase était déjà considérée dès la fin de l 'Antiquité comme l'une des expressions les plus célèbres du Christ, et Dante y fit allusion dans la Divine comédie (Purgatoire, 6, 91-93) lorsqu'il évoqua la théorie des > ; la foi 111ule fut ensuite répertoriée dans les recueils d'Adagia (cf.

''Polydore'', S 71 ).

L'expression est encore célèbre aujourd'hui et elle est souvent citée, en latin ou selon les tra- ductions de nos différentes langues européennes modernes ( cf.

Arthaber 265 ; Mota 3 7).

Elle servit à réaffi, 111er la nécessité de la séparation entre l'Eglise et l'Etat (cf.

notamment Voltaire, Dictionnaire philosophique, article >) ; à souligner les implications de cette séparation (Hobbes, Léviathan, 2, 20, fit allusion à ce passage des Evangiles pour rappeler que tout citoyen devait payer ses impôts), ou plus banalement, pour prôner une certaine honnêteté morale et intellec­ tuelle et pour inciter à reconnaitre les mérites d'autrui, même lorsque c'est difficile.

Pa1111i les nombreuses attestations de notre sentence, qui est employée avec différentes connotations et significations, rappelons surtout le savoureux pastiche en latin scolastique de Rabelais ( l, 19) et signalons quelques reprises littéraires des dix-neuvième et vingtième siècles : dans I 'Istoria civile del regno di Napoli de Pietro Giannone ( l, 133) pour conseiller au roi de se soumettre aux autorités ecclésiastiques en matière de spiritualité; dans les Vice-rois de De Roberto ( 1, 7); chez Tolstoï (Marchez tant que vous avez la lumière, 8) pour symboliser le comportement des Chrétiens, qui refusent d'obéir aux lois allant à l'en­ contre des préceptes divins et de leur conscience.

Dans les Grands cimetières sous la lune, G.

Bernanos (2,10) reprend notre adage pour critiquer le confo11nisme politique des chrétiens et de l'éducation chré­ tienne; dans une note de Flaiano du 9 juillet 1944 (reprise dans l'Occhiale indiscreto) figure un lapidaire A Cesare quel che è di Cesare qui sert d'introduction à une longue énumération des défauts de Benito Mussolini; P.

Eluard et A.

Breton (cf.

C.

Gagnière, Pour tout l'or des mots, Paris, 1996, 715) transfo1111èrent la sentence antique en li faut prendre à César tout ce qui ne lui appartient pas ; dans le Va au Golgotha, A.

Zinoviev (La contradiction et Les tentations) en fait le symbole de la rébellion - de )'Esprit et non du corps -du Christ; dans L'histoire du siège de Lisbonne (chap.

7) elle symbolise pour un croisé la différence qui existe entre être au service de Dieu et recevoir un salaire en conséquence; et enfin, dans Yansan des Orages de J.

Amado (La matinée du jeudi) un évêque conservateur se sert de cette expres­ sion pour reprendre un prêtre progressiste qui milite pour une redistri­ bution des terres.

Pour démontrer l'importance de cette sentence dans la pensée politique chrétienne, il suffira de dénombrer ses reprises mul­ tiples dans les documents officiels de la papauté au vingtième siècle : cf.

notamment 1' Ubi arcano de Pie XI en date du 23 décembre 1922, pour rappeler aux chrétiens de respecter l'autorité de la constitution ( 17), alors que dans la Dec/aratio de libertate religiosa, du 7 décembre 1965 ( 11) qui concluait le Concile Vatican II, elle servait un tout autre propos.

Notons aussi que notre for 11111le est à nouveau citée dans plu- sieurs interviews réunies par V.

Messori (Enquêtes sur le christianisme, Turin, 1987) : le philosophe Gianfranco Miglio ( 110) voyait en elle le symbole de l'incroyable nouveauté de l'Evangile, qui séparait nette­ ment politique et religion, tandis que David Flusser (à la même page) 1 ui répliquait que si la séparation de l'Eglise et de l'Etat n'était pas effective, ce que l'on donnerait à César serait aussi à Dieu, G.

Andreotti (214) pensant quant à lui que cette fo11111.1le démontrait que le Christ était un prophète, mais un prophète réaliste.. »

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