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Rationalisme / Leibniz

Publié le 10/06/2020

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LEIBNIZ Gottfried Wilhelm. Le plus grand philosophe allemand avant Kant, mathématicien, théologien, chimiste, ingénieur, historien, diplomate, bibliothécaire, est né le 1er juillet 1646 à Leipzig; il est mort le 14 novembre 1716 à Hanovre. Son père était professeur de philosophie morale dans une institution religieuse de Leipzig. Son nom (Lubeniecz, Leibnüz) dénonce les origines slaves de la famille; mais depuis trois générations les Leibniz (le t de Leibnitz est une lettre parasite venant de la forme latinisée Leibnitius) vivaient en Saxe, sujets fidèles et fonctionnaires des Electeurs de ce pays. D’abord élève à la Nikolaïschule de Leipzig, Leibniz, dès la mort de son père (1652) paraît avoir été son propre précepteur apprit le latin seul, dans le Thesaurus de Calvisius et une édition illustrée de Tite-Live; et avant l’âge de onze ans il put lire, dans la bibliothèque de feu son père (« tolle, lege »), Virgile, Horace, Ausone, saint Thomas, Fonseca, Zabarella, Suarez, Luther. Il écrivait avec aisance des vers latins et commençait d’apprendre le grec; mais c’est, déjà à cette époque, la logique et la métaphysique qui lui fournissaient à la fois ses inquiétudes et les moyens de les apaiser. On résiste mal à l’envie de citer ce passage célèbre, qu’on lit partout : « J’ai lu les scolastiques avec une ardeur qui inquiétait mes maîtres... J’exprimais des idées singulières, et qui semblaient profondes, sur le principe d’individuation, la composition du continu, le concours de Dieu, et je n’ai pas regretté plus tard d’avoir goûté à ce genre d’étude. » A quinze ans, l’adolescent entre à la Faculté des Arts de Leipzig; il y travaille principalement avec Thomasius, qui venait de fonder l’étude scientifique de l’histoire de la philosophie en Allemagne. Thomasius était un scolastique; mais c’est la rencontre avec ce maître qui donna sans doute à Leibniz l’idée de lire Ficin, Cardan, Bacon, Campanella, Descartes qui, diversement, refusaient la pensée figée du Moyen Age; il réfléchit à l’opposition des doctrines anciennes et nouvelles. Ici encore, ce fragment autobiographique mérite d’être cité : « Plus tard, quand j’eus quitté l’école élémentaire, je découvris les nouveaux philosophes, et je me rappelle qu’à l’âge de quinze ans je me promenais tout seul aux environs de Leipzig, dans un petit bois qui s’appelle Rosenthal, pour délibérer en moi-même si je conserverais les formes substantielles. Ce fut le mécanisme qui l’emporta, et qui me conduisit aux mathématiques. » A dix-sept ans, une Dissertatio de principio individui (l’individualité est constituée par l’entière entité ou essence de la chose) lui valut le titre de bachelier ès arts. Puis il quitta Leipzig, la coutume allemande prescrivant aux étudiants une vie errante et des maîtres divers. En 1663, on le trouve à léna, où Weigel lui enseigne les hautes mathématiques du temps. Enfin de nouveau à Leipzig, Leibniz passe à la Faculté de Droit. En 1666, le titre de docteur lui est refusé en raison de son jeune âge. Leibniz abandonne alors, pour toujours, sa ville natale : il va soutenir ses thèses, toutes prêtes, à Altdorf (dont l’Université dépendait de la cité libre de Nuremberg), où sa brillante dissertation De casibus perplexis in jure lui offre l’occasion d’une revanche : c’est son tour de refuser, aux professeurs d’Altdorf, la chaire qu’ils lui demandent d’accepter. La même année voit paraître De arte combinatoria, avant-projet d’une réforme du symbolisme et de la logique. Et il commence alors une Nova methodus discendae docendaeque jurisprudentiae, qui souligne pour la première fois l’importance de la méthode historique en droit (elle sera publiée en 1667). A Nuremberg, Leibniz se lie avec des alchimistes, des rose-croix, mystificateurs inoffensifs que Leibniz mystifia eux-mêmes. Fontenelle a raconté cet épisode, dont le burlesque ne va pas sans une certaine poésie : « Il apprit qu’il y avait [à Nuremberg] une société fort cachée de gens qui travaillaient en chimie, et cherchaient la pierre philosophale. Aussitôt le voilà possédé du désir de profiter de cette occasion pour devenir chimiste; mais la difficulté était d’être initié dans les mystères. Il prit des livres de chimie, en rassembla les expressions les plus obscures et qu’il entendait le moins, en composa une lettre inintelligible pour lui-même, l’adressa au directeur de la société secrète, demandant à y être admis sur les preuves qu’il donnait de son grand savoir. On ne douta point que l’auteur de la lettre ne fût un adepte, ou à peu près; il fut reçu avec honneur dans le laboratoire, et prié d’y faire les fonctions de secrétaire. On lui offrit même une pension. Il s’instruisit beaucoup avec eux, tandis qu’ils croyaient s’instruire avec lui. » Mais surtout Leibniz y fait la connaissance de Boineburg (1622-1672), un des hommes politiques les plus éminents d’Allemagne, et ancien ministre de l’Archevêque Electeur de Mayence, Johann-Philipp Schônbom. Boineburg engage son jeune ami à achever et à publier sa Nova Methodus, afin de pouvoir la présenter personnellement à l'Électeur. Le stratagème réussit, et Leibniz est adjoint au juriste Lasser, qui travaillait alors à un projet d’unification du droit allemand. Avec Lasser, Leibniz publie, en 1668, une Ratio Corporis juris reconcinnandi, qui fit du bruit. Mais l’Êlecteur de Mayence avait aussi d’autres soucis que le "raccommodage" des codes germaniques. Cependant il fallait surveiller l’élection du roi de Pologne (1669), favoriser la candidature d’un prince allemand. Aussi Leibniz fut-il charge d’écrire un Specimen demons-trationum politicarum pro rege Polonorum eligendi, ou une suite de sorites démontre avec une parfaite clarté la nécessité d’élire roi, dans l’intérêt même de la Pologne, le comte Palatin de Neuburg. Illogique comme toujours, la Diète élit néanmoins un prince polonais. La même rage de démontrer inspire également, dès 1667, la Confessio Naturae contra Atheistas et, en 1669 encore, une Defensio Trinitatis per nova reperta logica, celle-là prouvant, contre les athées, l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme, celle-ci concluant, contre les sociniens, à la Trinité. En 1670-1671, tout en continuant ses travaux sur l’unification du droit, Leibniz compose et publie sa physique, franco-anglaise par ses origines (Descartes, Hobbes, Boyle) comme aussi par sa destination : car Leibniz, en bon diplomate, en a préparé deux versions, l’une, mieux adaptée à l’esprit français, croit-il, et qu’il envoie à l’Académie des Sciences : Theoria motus abstracti; l’autre, davantage appropriée à l’intelligence des insulaires, Theoria motus concreti (ou Hypothesis physica nova), et qu’il dédie à la Société Royale de Londres. La version abstraite pose le problème général, qui est « celui du rapport entre le repos et le mouvement » ; Leibniz pense le résoudre en faisant appel au conatus (lointain descendant de l'energeia de Jean Philopon, de l'impetus de Jean Buridan, de l’impeto et de la forza de Léonard de Vinci et de Galilée, « effort », ou passage du repos au mouvement). La version « concrète » part des phénomènes et aboutit à une simplification non négligeable des « tourbillons » de Descartes. Ainsi les conatus de Hobbes sont envoyés en mission à Paris et les tourbillons cartésiens en ambassade à Londres : remarquable réussite d’une « combinatoire » diplomatique. Entre-temps, la carrière de courtisan suit son cours. « Après la guerre de Dévolution et l’occupation de la Flandre par Louis XIV, l’Angleterre, la Hollande et la Suède avaient formé la Triple Alliance de La Haye. Les électeurs de Trêves, de Cologne et de Mayence, sollicités d’y entrer, et craignant que les Français n’envahissent la Lorraine, hésitaient. » À Schwalbach où, en présence de Boineburg, les Électeurs de Trêves et de Mayence procèdent à un « échange de vues », Leibniz rédige hâtivement la première partie d’un mémoire sur la Securitas publica interna et externa (connue aussi sous le nom de Bedencken) : il y prône le neutralisme rhénan, ferme garant de la future unité allemande, et lance déjà la Suède et la Pologne sur la Russie, le Danemark à la conquête de l’Amérique du Nord, la Hollande sur l’Inde orientale. Un peu plus tard, Louis XIV, irréparablement, entre en Lorraine; et Leibniz complète alors son mémoire : Louis a tort de se quereller avec ses voisins d’Europe; une proie bien plus tentante l’attend en Afrique : « Je crois, dit-il, que si le roi de France possédait Constantinople et Le Caire, tout l’empire turc serait conquis en même temps. Et plût à Dieu qu’il cherchât un tel chemin vers la monarchie. » De novembre 1670 à mars 1672, lorsqu’il se rendit à Paris soumettre ses plans à Louis XIV, Leibniz, de concert avec Boineburg, travaille à son expédition d’Égypte. Il sortit, de ces labeurs, un fort logique De expeditione Aegyptiaca regi Franciae proponenda, un séjour à Paris et, par voie de conséquence, une métaphysique inédite, ainsi que le calcul différentiel (après un bref séjour à Londres). Leibniz restera à Paris près de cinq ans. Il y fréquentera non seulement des diplomates et des courtisans (dont l’un, Pomponne, devait répondre en 1672 à Boineburg, a propos de l’expédition d’Égypte, « que les projets de guerre sainte ont cessé d’être à la mode depuis Saint Louis »), mais aussi des théologiens, comme le grand Arnauld, des philosophes comme Malebranche, des savants comme Christian Huyghens. A chacun Leibniz paiera son tribut d’enthousiasme et d’ingéniosité : à Arnauld, qui s’en indignera, il fera don d’une prière « synthétique », capable d’agréer à la fois aux Dieux de la chrétienté, du judaïsme et de l’Islam; à Huyghens, qui le guide dans ses lectures mathématiques, il fera offrande de son calcul; à Malebranche, celle de sa métaphysique qui substitue aux causes occasionnelles l’harmonie préétablie. Dès le début de 1673, la parenthèse londonienne, longue de six semaines, est importante : outre-Manche, Leibniz rencontre des savants, surtout des mathématiciens, Wren et Pell entre autres, mais aussi l’universel Oldenburg et le chimiste Boyle. A Pell, le diplomate prodige fait part d’une découverte mathématique qu’il estime capitale; mais elle est moins neuve qu’il ne croit, et Leibniz devra s’en consoler en organisant, sur les traces de Cavalieri, et Peut-être de Newton, une révolution dans infini... Entre-temps ses protecteurs meurent, tour à tour, Boineburg en décembre 1672, Johann-Philipp en février 1673; et Leibniz connaît des jours difficiles, avant d’être pris au service du duc de Brunswick, Johann-Friedrich. Il compose alors, pour vivre, des pamphlets politiques, s’occupe de l’éducation du fils de Boineburg, édite, pour Huet, Martianus Capella, encyclopédiste romain, « ad usum Delphini ». C’est l’époque des projets : machine à calculer, préférable à celle de Pascal, compas algébriques, inspirés de ceux de Descartes, compresseur d’air, sous-marin, successivement, défilent sous l’œil intéressé ou sceptique des sommités scientifiques. Enfin, à l’automne de 1675 — peu de jours après avoir découvert, dans une figure de Pascal, les principes du calcul différentiel et intégral, et ordonné ceux de sa métaphysique —, Leibniz, qui vient d’être nommé bibliothécaire du duc de Brunswick, se décide à quitter Paris, regagnant son poste par le chemin des écoliers : à nouveau Londres, où il s’entretiendra avec le mathématicien Collins, puis La Haye, où il fera la connaissance d’un Juif obscur et obstiné, Spinoza, qui écrivait une Ethique . Un an après son départ, sa fringale de voyages enfin apaisée, il s’installe à Hanovre, où il passera, sous trois princes différents, les quarante dernières années de sa vie. Jusqu’à 1680 environ, les soucis de Leibniz sont surtout d’ordre politique et religieux. En 1677, il publie Caesarinus Fürstenerius, de jure Suprematus ac Legationis Principum Germaniae, où se lit une position moyenne entre celle des partisans de l’Empire et celle des partisans des « Länder » allemands. Mais il ne laisse pas pour autant en friche ses dons d’inventeur et de savant. En 1679, il entreprend de moderniser la mine de Clausthal, dans le Harz, où le duc Johann-Friedrich a des intérêts. Un peu auparavant il participe, en compagnie d’alchimistes et de charlatans divers, à des recherches bizarres, dont devait sortir la découverte, par Brand, du phosphore. Enfin, entre 1677 et 1680, Leibniz met au point les idées philosophiques conçues sous le ciel de Lutèce, écrivant un nombre prodigieux de mémoires, de notes, de brouillons, dont aucun cependant ne sera publié avant 1690. A Johann-Friedrich, mort le 7 janvier 1680, succède son frère aîné, d’abord injustement dépossédé de ses droits par le souverain défunt. Sous Ernest-Auguste, Leibniz se confinera plus strictement dans son rôle de bibliothécaire. Il est vrai qu’Ernest-Auguste a un faible pour l’histoire. Qu’à cela ne tienne : Leibniz sera l’historiographe de la maison ducale. Et c’est également vers cette époque que Leibniz commencera de s’intéresser sérieusement au projet d’union des Églises, qui le mettra en rapports avec Bossuet. Pourtant, si la surface mondaine est ainsi moins brillante que sous le règne précédent, la pensée de Leibniz ne cesse de gagner en profondeur et en ampleur. Coup sur coup il rédige, en 1682, le De vera proportions Circuli ad Quadratum; en 1683, la Meditatio juridico-mathematica de Interusurio simplice; en 1684 enfin, la célèbre Nouvelle Méthode pour déterminer les maxima et les minima qui expose pour la première fois les bases et le symbolisme du calcul infinitésimal. La même année, Leibniz compose le premier écrit où apparaît sa philosophie définitive : Meditationes de Cognitione, Veritate et Ideis. Mais c’est surtout dans le Discours de la métaphysique , écrit en français, comme la plupart des œuvres philosophiques marquantes de Leibniz, ainsi que dans la Correspondance avec Arnauld qui le commente (principalement entre 1686 et 1688), qu’on lit l’esquisse complète de son système, où le Cogito cartésien se multiplie et se réfracte à l’infini, dominé par la Monade centrale, ou Dieu. Il fonde également, avec Mencke et Pfautz, la première revue scientifique allemande, les Acta Eruditorum Lipsiensia, dont il sera l’un des principaux collaborateurs. Pourtant, l’activité de Leibniz est surtout « souterraine » : pour un mémoire qu’il donne au public, cinquante demeurent secrets, où sont traités et résolus « problèmes des tangentes, des tangentes inverses, rectifications, quadratures, lieux géométriques, probabilités, rentes à vie, critique des lois cartésiennes du mouvement, de la conservation de la quantité de mouvement, élasticité, mécanique des fluides, mouvements des planètes, théorie de la lumière », « combinatoire », « caractéristique », langue universelle... Leibniz s’occupe également de la réunion des Eglises, sans grand succès, cherche à concilier, en désespoir de cause, luthériens et réformés, ne convainc personne, lutte, se décourage... En 1687, il part pour l’Autriche et l’Italie, ayant pour mission de rechercher dans les bibliothèques et les archives des documents intéressant l’histoire de la Maison de Brunswick. Il passe par la Hesse, la Rhénanie, la Franconie, la Bavière, la Bohême, séjournant à Munich, à Francfort, à Sulzbach. Puis, au début de 1689, il gagne Venise, Ferrare, Rome. Partout il visite, s’enquiert, s’entretient, discute, démontre, invente, se passionne; son insatiable curiosité ne lui laisse point de repos. A Rome, où il restera sept mois, en 1689, il est admis à l'Accademia fisico-mathematica, et on lui offre — à condition de changer de religion — la direction de la Bibliothèque Vaticane; mais il refuse et la charge et l’apostasie. A Modène il fait, pour terminer, une découverte qui remplira de joie Ernest-Auguste : la parenté des Maisons de Brunswick et d’Este est démontrée par quelques pierres tombales. Pourtant, son absence est trop longue, et le duc lui réservera, à son retour (juin 1690), un accueil glacé, refusant même de participer aux frais de son escapade généalogique. Peut-être pour se faire pardonner, Leibniz accepte alors un travail titanesque : la rédaction et la publication d’une Histoire de la Maison de Brunswick. Le duc, réconcilié, l’emploie également à des besognes subalternes diverses; à la Cour, le philosophe voit défiler devant lui des intrigues, des tragédies, des drames de palais; enfin le titre envié de Geheimrath (conseiller secret) viendra récompenser cet universel et secret génie (1696). Mais, deux ans après, Ernest-Auguste meurt. Georg-Ludwig, qui l’a remplacé, ne voit plus en Leibniz qu’un vestige encombrant des règnes précédents. A mesure que sa réputation grandit, son crédit auprès du monarque s’épuise. Cela n’empêchera pas Leibniz de travailler, avec une rage juvénile et extrêmement sympathique : il publie volume sur volume, mémoire sur mémoire, donnant tous ses soins à l’œuvre historique qu’il veut grandiose, mais sans négliger cependant mathématiques, physique, théologie, logique, métaphysique. De cette période datent, entre quantité d’autres, De Primae Philosophiae Emendatione et de Notione Substanliae (1694); Système nouveau de la nature et de la communication des substances (1693); De ipsa Natura sive de Vi insita actionibusque creaturarum (1698). Une correspondance innombrable, des discussions sans fin, un système aux prolongements infinis occupent tout son temps, font rayonner au loin son influence. Un projet considérable, et qui réussira, viendra couronner tout : la création d’une Académie à Berlin. Cette fois, Leibniz a visé plus juste qu’au temps de sa lointaine et chimérique jeunesse : l’Académie sera fondée (le 11 juillet 1700). Peu de temps après, Leibniz écrit son œuvre la plus étendue : les Nouveaux Essais sur l'entendement humain , dirigés contre Locke l’empiriste; mais la mort de celui-ci empêchera la publication de l’ouvrage. Une sorte de fatalité poussait cependant le grand Européen qu’était Leibniz à conspirer contre les barbares; cette fois, c’est la Chine, dont il veut convertir les sujets au christianisme. Charles XII, qu’il entreprend à ce sujet, se contente d’arborer un air distant; peut-être songe-t-il déjà à sa prochaine défaite, et au refuge qu’il va trouver auprès du Grand Turc. Parviendra-t-on à intéresser le vainqueur de Poltava à la conquête de l’Empire du Milieu — ou, à défaut, à la création d’une Académie à Saint-Pétersbourg ? Leibniz s’y emploie à partir de 1711; il veut, tout d’abord, achever de civiliser ces Moscovites à qui on vient déjà, par rescrit impérial, de couper la barbe; d’où projets, manœuvres, programmes, plans. Mais la Chine reste son souci majeur; il en admire les symboles, il les interprète, non sans virtuosité, au moyen de son arithmétique binaire, il sait que rien n’est plus propre à remplir d’admiration et de foi le cœur de l’empereur de Chine que ce triomphe des mathématiques chrétiennes... Que d’espoirs, depuis l’Egypte jusqu’à la Chine, en passant par la Bibliothèque Vaticane et la cour de Pierre le Grand ! Il n’était plus en faveur à celle de Hanovre. Homme d’action manqué, conciliateur récusé, historien écrasé par la masse des fiches, missionnaire sédentaire, Leibniz voyait le prince, et sa suite, lui tourner le dos, en attendant de partir à la conquête du trône et de la cour de Londres. Toute sa vie, Leibniz fut une « monade », sans portes ni fenêtres vers le monde extérieur, et reflétant la prodigieuse variété de l’univers. Habent sua fata scriptores : le dernier ouvrage de Leibniz — après l'Essai de Théodicée (1710) qui instruit le procès de Dieu et. triomphalement, l’acquitte — devait être la Monadologie , laquelle expose, avec une sorte de génie, un système toujours poursuivi, toujours renvoyé à l’infini, où l’action est illusoire, où toute chose est connaissance et appétit, et dont les dominantes symbolisent ainsi clairement la pensée universelle et l’action impotente du courtisan déçu que des dons inespérés firent, pour son malheur, philosophe.

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