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Quos Deus perdere vult, dementat prius / Dieu ôte l'esprit de ceux qu'il veut perdre

Publié le 02/01/2022

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« Quos Deus perdere vu/t, dementat prius Dieu &te l'esprit de ceus qu'il veut perdre Cet adage extrêmement célèbre est souvent cité (également avec luppiter à la place de Deus, ou quem à la place de quos) pour souligner le pouvoir absolu des dieux sur l'homme : si la divinité veut détruire un être humain, elle fait en sorte de le rendre fou, ou de lui faire commetbe un sacrilège ou des actes tels qu'il sera obligé d'en payer chèrement les conséquences.

L'origine de cette fo1111ule fit couler beaucoup d'encre, sans qu'aucune des hypothèses proposées par les différents chercheurs ne soit satisfaisante ; mais du moins ont-ils indiqué (notamment S.

Chabert in ► 20, 1918, 141-163) que cette maxime commença à jouir d'une certaine renommée dans l'Angleterre du dix-neuvième siècle ( elle est effectivement citée par J.

Lightfbot dans un opéra représenté en 1647 et par J.

Duport dans un autre opéra en 1660 ).

En réalité.

l'origine de notre sentence est grecque: un fragment adespote tragique (455 Sn.-K.)- contesté par un apologiste chrétien tel qu' Athénagore (De /egatione, 26.

2) - rappelait que lorsqu'une divinité a décidé de faire souffrir un homme elle ôte d'abord l'esprit de celui contre qui elle manigance: ÜTav 6' o 6a(µwv àv6pi nopouvn KOKO.

/ TOV voûv ËPÀatl,E 1Tl)WTOV ~ ~()UÀEUfTQl ; on retrouve de semblables motifs dans 1 'Antigone de Sophocle (vv.

622 sq.), et chez l'orateur Lycurge (Contra leocratem, 92).

Un passage de la Niobé d'Eschyle prit une importance particulière (fr.

154, 15 sq.

R.): 8Eo~ µÈv ai T(av 31, 1981, 18-32).

En latin, Velleius Paterculus attribue le même genre de comportement aux dieux (2, 118, 4) et une maxime de Publilius Syrus (S 29) affi1111e que >, Stultum facit Fortuna.

quem vult perdere - en précisant donc que ce dieu est la Fortune.

Pk111,i les proverbes italiens on pourrait citer Quando Dio ci vuol punire da/ vero senno ci fa uscire et A chi Dio vuol castigare leva il cerve/lo.

De semblables proverbes sont présents dans toutes nos langues européennes ( cf.

Arthaber 1266 ; Lacerda-Abreu 146; pour les variantes en dialectes italiens, cf.

Schwamenthal-Straniero 4650) : en français la fortune rend fou celui qu ·elle veut perdre et en anglais When fortune wishes to destroy.

sl1e.first ma/ces mad et il existe même une tradition selon laquelle la for­ tune fait perdre l'esprit à celui qu'elle favorise trop ; cf.

aussi n.

108.

L'image de la fou111ti qui veut à tout prix, et pour son plus grand mal­ heur., avoir des ailes est elle aussi présente dans plusieurs langues euro­ péennes (Mota 100).

De nos jours Quos Deus perdere vult demental prius désigne un comportement irrationnel qui ne peut que causer la ruine de celui ou celle qui l'adopte.

Sur le plan littéraire, citons quelques vers de John Dryden ( The Hind and the Panther.

3, 2387 : For those whom God to roin has design 'd, I He fits for fate, and first destroys their mind), un passage du dixième livre des Confessions de J.-J.

Rousseau.

où l'auteur qualifie une de ses entreprises d'insensée.

un passage de l'idiot de Fedor Mikhaïlovitch Dostoïevski (3, 9), un passage d' Herzog de Saul Bellow.

où le protagoniste écrit dans la pous­ sière : Quos vult perdere dementat, et enfin une variation subtile d'Ennio Flaiano (La solitude du satire, 406): la libertà rende ciechi C"·oloro che vuol perdere (. »

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