QUINCEY
Publié le 16/05/2020
Extrait du document
«
QUINCEY
1785-1859
J MME que le nom de Thomas de Qu;ncey ceste Hé à cdu; de Baudda;ce.
C'est dans les Pamdù
artificiels que les Français ont fait la rencontre du mangeur d'opium à l'heure où il se mourait;
et c'est là qu'aujourd'hui encore la plupart d'entre nous le découvrent.
Comment imaginer
plus congénial médiateur? Le pudique de Quincey, vite effarouché dans sa piété moralisante
en dépit de ses aspects « damnés », n'aurait jamais soupçonné sous le masque des Fleurs du Mal
une « religion travestie »; mais Baudelaire, par contre, n'avait nul masque à percer pour suivre
avec sympathie cette « pensée naturellement spirale » dans ses ruminations hantées.
D'ailleurs,
avec les Confessions et les Suspiria de Profundis, il tombait au cœur de l'œuvre - et de l'homme.
On peut regretter pourtant qu'il n'ait connu ces ouvrages que partiellement.
Les Confes
sions mêmes, il ne les a lues que dans leur brève première édition de 1822, plus fraîche mais beau
coup plus brève que dans leur refonte de trente-cinq ans plus tard.
Que ne put-il compléter
l'idée juste et profonde, mais fragmentaire, qu'il se faisait de de Quincey, dans l'ensemble des
essais
que celui-ci commença à réunir peu de temps avant sa mort! Il eût trouvé là cent raisons
nouvelles
d'admirer cet autre voyant, de reconnaître un frère dans cet autre bourreau de soi-même.
Lui qui notait : « A propos du sommeil, aventure sinistre de tous les jours, on peut dire
que les hommes s'endorment journellement avec une audace qui serait inintelligible si nous ne
savions qu'elle est le résultat de l'ignorance du danger »; quel écho n'eût pas éveillé dans sa
conscience cette redoutable hypothèse de La Malle-Poste anglaise : « Il n'est pas improbable que
dans le monde des rêves chacun de nous ratifie pour lui-même la transgression originelle? »
Il a une formule saisissante pour définir l'effet de l'opium sur les « facultés précocement
rêveuses » du jeune étudiant d'Oxford : « Dès lors sa première existence entra dans la seconde
et se confondit avec elle pour ne faire qu'un tout aussi intime qu'anormal.
Il occupa sa nouvelle
vie à revivre la première.
»
Voilà qui vaut pour toute l'existence du grand rêveur.
Que l'opium n'ait été que l'adjuvant
de cette récapitulation inlassable - un dangereux adjuvant tôt mué en tyran - nous en croyons
sans peine de Quincey.
Tout ce qu'il nous rapporte de ses jeunes années témoigne du tempé
rament le plus vibrant, le plus impressionnable, comme le plus enclin à revenir et à méditer sur
ses impressions; le plus poète aussi, dès l'âge le plus tendre, de par sa faculté de saisir les corres
pondances et les analogies.
Ne voyait-il pas, enfant, dans les nuages, les draps de sa sœur morte;
adolescent, dans les figures tracées par des danseurs, l'éternel retour des générations?
On sait sa fuite, à r6 ans, de l'école de Manchester, ses vagabondages à travers le Pays
de Galles, puis son plongeon dans Londres et son apprentissage du dénuement et de la faim.
Voilà l'expérience déterminante qui, avec les hantises de l'enfance, devait rester à jamais présente.
Le temps intérieur, où tout se fond, fut toujours plus réel pour lui que le temps des horloges.
par Sir John Watson (1845).
National Portrait Gallery, Londres.
Photo communiquée par le British Council, Paris..
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