Qui ne prend plaisir à la lecture des Fables de La Fontaine ?
Publié le 06/06/2022
Extrait du document
«
Qui ne prend plaisir à la lecture des Fables de La Fontaine ? Celles-ci sont en
effet composées de petits récits divertissants dont les personnages, hauts en
couleur, amusent par leurs aventures rocambolesques.
On y rencontre des coqs
vaniteux enlevés par des vautours, des curés trop cupides assommés par des
cercueils, une rivière fourbe, plus dangereuse qu’un torrent...
C’est ainsi que
l’auteur écrivait, dans « Le Pouvoir des fables » : « Le monde est vieux, dit- on, je
le crois/ Cependant il le faut amuser encor comme un enfant.
» C’est pourquoi on
peut se demander si l’unique objectif de l’auteur n’a été que de distraire son lecteur
quand il a écrit Les Fables.
Nous verrons donc, dans un premier temps, qu’en effet,
les fables mettent en scène des récits vivants et divertissants et que l’imagination
du fabuliste excelle dans ce domaine.
Mais nous savons également que La
Fontaine est un moraliste et nous montrerons donc ensuite que ces histoires vont
au-delà d’un simple amusement et se mettent au service d’une pensée pertinente
sur l’homme et la société.
Ce qui retient d’abord l’attention du lecteur, c’est le récit vivant et divertissant
mis en place par le fabuliste.Celui-ci brosse en quelques traits des personnages
bien dessinés, dans un cadre spatio-temporel bien développé et une intrigue riche
en rebondissements.
Tout d’abord, les personnages amusent car ce sont souvent des animaux ou
des humains aux caractéristiques bien trempées.
Tout l’art du fabuliste consiste à
saisir des traits représentatifs, et du personnage, et du caractère qu’il souhaite
mettre en avant.
Ceci révèle, chez La Fontaine, un véritable don d’observation.
Ainsi, lorsqu’il écrit « Les Deux coqs », il sait s’emparer, chez cet animal, de
gestes représentatifs qui peuvent être interprétés comme le signe d’un caractère
belliqueux et vaniteux : « Il aiguisait son bec, battait l’air et ses flancs ».
De même,
il excelle à trouver des expressions pour caractériser les traits dominants des
personnages qu’il met en scène.
Ainsi, pour parler de la sournoiserie de ces deux
animaux, il écrit dans « Le Chat et le Renart » : « C’étaient deux vrais tartufes,
deux archipatelins/ Deux francs patte-pelus, qui, des frais du voyage, / Croquant
mainte volaille, escroquant maint fromage/ S’indemnisaient à qui mieux mieux ».
Ces expressions amusent le lecteur qui imagine fort bien les forfaits commis par les
deux voleurs.
Les personnages des fables sont donc souvent hauts en couleur et,
en quelques traits, le fabuliste réussit à brosser des portraits vivants et distrayants.
Mais les personnages ne sont pas les seuls atouts pour distraire.
La Fontaine
est un maître dans l’art du récit et sait varier les effets pour éviter les longueurs et
l’ennui.
C’est ainsi, par exemple, qu’il emploie toutes les façons de rapporter la
parole afin de donner de la vie à ses fables.
Discours narrativisé, discours direct et
indirect se mêlent souvent dans un même texte.
C’est ainsi que certaines fables
deviennent de véritables petites pièces de théâtre.
Dans « Les Animaux malades
de la peste » (VII, 2), le discours direct prend une telle place que la fable
ressemble à une tragédie.
Les différents protagonistes apparaissent selon l’ordre
hiérarchique et prennent la parole à tour de rôle, lion, renard et âne, pour chercher
un coupable pour cette épidémie de peste : qui, par ses mauvais actions a
déclenché la colère des dieux ? Le Lion, roi des animaux, prend la parole le
premier.
Il prononce un habile discours dans lequel il fait d’abord semblant
d’endosser une certaine culpabilité avant de s’exclure finalement.
Il ne se
considère pas comme une victime expiatoire possible.
Le discours du renard,
ensuite, a pour unique but d’innocenter le roi, avec force hyperboles mélioratives,
ce qui le sauve d’une accusation éventuelle car le monarque est flatté.
Enfin, l’âne
vient se confesser de façon personnelle et sincère, ce qui le condamne.
Il doit sa
punition, non à sa culpabilité, mais à sa maladresse dans l’art de la parole.
Le
lecteur suit donc toute cette intrigue avec beaucoup d’intérêt.
Enfin, La Fontaine n’est pas seulement maître dans l’art de créer des
personnages, des intrigues et du dialogue, il est également un poète qui sait
manier toutes les ressources de ce genre littéraire.
Ainsi, il sait varier le rythme du
récit grâce à l’hétérométrie.
Même si alexandrins et octosyllabes dominent, bien
d’autres mètres sont utilisés, y compris des mètres impairs.
Ainsi dans « Le Trésor,
et les deux hommes » (IX, 16), le fabuliste joue sur l’association de vers longs et
de vers brefs.
Le vers 21, « Absent », est mis en valeur par le contraste entre sa
brièveté et la longueur des alexandrins qui l’encadrent.
Il s’agit d’attirer l’attention
sur le choc subi par l’homme au trésor.
Dans « L’Huitre et les deux plaideurs »
(IX, 9), le débat entre les deux plaideurs est rendu dynamique par le recours aux
octosyllabes, qui contrastent avec la parole satisfaite et sentencieuse des.
»
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