Qu'est-ce qu'un homme à paradoxes et un homme à préjugés ?
Publié le 19/12/2021
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«
Diderot connaissait bien Rousseau, lui qui lui conseilla en 1749 de "donner l'essor à ses
idées" et de dire son fait à la société, en traitant la question posée par l'Académie de
Dijon.
Et Jean-Jacques lui-même n'avait pas tort de prendre la défense d'Alceste et de se
reconnaître dans ce personnage.
Ii a été toute sa vie l'homme qui s'oppose, l'homme qui
contredit, l'homme qui se plaît à bousculer les opinions reçues....
Il s'en rendait bien
compte et il s'en faisait gloire; J'aime mieux être un homme à paradoxes, dit-il, dans le
2e livre de l'Émile, qu'un homme à préjugés.
I.
Qu'est-ce qu'un homme à paradoxes et un homme à préjugés ?
Un paradoxe est une opinion contraire à l'opinion commune, un préjugé une opinion
admise avant tout examen, parce qu'elle est reçue.
L'exemple de Rousseau fera bien
comprendre.
Il a été, par excellence, « l'homme à paradoxes » dans sa vie et dans ses
écrits.
1.
Chacun de ses ouvrages a pour but de battre en brèche une idée communément
admise.
Les arts et les sciences, la civilisation...
la propriété, la société...
le théâtre....
L'Émile est un tissu de paradoxes (éducation purement physique et sensible d'abord, pas
de livres, pas de fables, pas d'enseignement moral ni religieux, etc.).
Son Contrat social,
avec ses fameuses théories de l'infaillibilité populaire, de la liberté et de l'égalité qu'on
sauvegarde tout en y renonçant, de l'intolérance religieuse de l'État, etc., est un
perpétuel défi au sens commun et quelquefois même au bon sens.
Paradoxe aussi que
cette idée de la nature toujours bonne, de la passion divine en soi, fondement du
bonheur; de la supériorité du sentiment et de l'instinct sur la raison, en religion, en
morale et dans tous les domaines.
2.
Sa vie n'a pas été moins paradoxale, car dès le premier jour il a pris au sérieux son
rôle de misanthrope et de contempteur des préjugés.
Dans cette société raffinée du
XVIIIe siècle il a fait figure de Huron, de Sauvage de génie....
Fêté à Paris et à la cour, il
repousse et décourage toutes les avances, renonce aux charmes de la société (sa retraite
à l'Ermitage fit scandale parmi ses amis et le brouilla avec Diderot), s'acoquine avec une
servante d'auberge qu'il dit n'avoir jamais aimée, la traîne partout ainsi que sa mère,
abandonne ses cinq enfants, mène une vie de bohème et de chemineau, etc.
II.
Vaut-il mieux être un homme à paradoxes qu'un homme à préjugés ?
Il ne faut pas, évidemment, être un homme à préjugés.
Mais tout préjugé n'est pas une
erreur.
Il y a quelquefois du courage et une certaine hardiesse à embrasser et à défendre
des idées qui passent pour des préjugés et ne sont plus telles quand elles sont
raisonnées.
Souvent les préjugés condensent l'expérience des siècles.
De même un
paradoxe peut être une idée féconde; il peut être aussi une erreur et même une idée
malfaisante.
Il est dangereux de courir après le paradoxe.....
»
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