Quelles sont les fonctionset les significations de l'épisode des Enfers ?

« I.

Une étape initiatique indispensable L'étape aux Enfers semble s'inscrire dans une tradition qu'Homère ne fait que reprendre sans la justifier, si ce n'estpar un impératif catégorique : « il vous faut d'abord entreprendre un autre voyage/vers les maisons d'Hadès et lagrande Perséphone » (X, v.

490-491).

Le but invoqué, consulter le devin Tirésias, se rattache à la traditionreligieuse grecque, pour qui le recours aux oracles était une pratique naturelle, y compris à des époquespostérieures à la Grèce archaïque.

Ainsi, c'est un oracle qui apprend à OEdipe qu'il va tuer son père et épouser samère.

Dans l'Odyssée, le devin se trouve aux Enfers, d'où le nom de nekuia, « évocation des morts », donné par lesAnciens au chant XI du poème. II.

L'accès au monde des morts Le séjour d'Ulysse aux Enfers occupe une place centrale dans l'épopée.

De part et d'autre de cette étape, on trouvele même nombre d'étapes-épreuves fabuleuses (si l'on exclut celle chez les Cicones, peuple humain) : cinq avant :les Lotophages, le Cyclope, Éole, les Lestrygons ; cinq après : les Sirènes, Charybde et Scylla, l'île du Soleil,Calypso, les Phéaciens.Mais ce n'est pas une étape comme les autres.

Tout d'abord elle est accomplie volontairement.

Ulysse ne débarquepas aux Enfers par hasard, ballotté par les flots déchaînés par Poséidon.

Il s'y rend de son plein gré, même sil'annonce de la nécessité de ce voyage le désespère : « En entendant ces mots, je sentis mon coeur éclater » (X,v.

496).

Une fois parvenu jusqu'au lieu indiqué par Circé, il pratique un rite étonnant et complexe qui va lui ouvrir lesportes de l'autre monde : il creuse un trou « d'une coudée carrée », puis répand trois libations, de lait miellé, de vindoux et d'eau, sur lesquels il répand de la farine.

Il implore ensuite les morts en leur promettant de leur sacrifier unegénisse.

Puis il sacrifie un agneau et une brebis noire dont le sang coule vers le coeur des Enfers.

Tout ce quitouche à la mort suscitant la crainte, ces gestes et ces offrandes sont autant de précautions prises pour ne pasoffenser les morts et le maître des Enfers.

Leur signification est mystérieuse, mais on peut noter le rôle du sang,cette énergie vitale dont les morts sont privés et qu'ils sont avides de boire après le sacrifice. III.

La rencontre des morts Le tableau qu'Homère nous livre des Enfers reste assez global, à la fois macabre, pathétique et effrayant : « lesâmes des défunts trépassés affluèrent », « ils accouraient de tous côtés/avec d'étranges cris, et la peur verte megagnait » (XI, v.

37 et 42-43).

Par nature ces morts sont des psukhê, terme traduit par « âme » mais qui désigned'abord le souffle vital.

Les Grecs se représentent donc la mort comme une existence amoindrie où seul demeure lesouffle vital.

Grâce à celui-ci, le défunt, dépouillé de toute substance corporelle, conserve sa silhouette, d'où le faitqu'Homère parle des « têtes sans force des morts » (XI, v.

49).

Tous les personnages rencontrés par Ulysse auxEnfers matérialisent la réalité de la mort aux yeux des Grecs.. »