Quelle est l'action de l'École sur les destins individuels et sur l'évolution de la société ?
Publié le 22/02/2024
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Chapitre 7 : Quelle est l’action de l’École sur les destins individuels et sur l’évolution de la société ?
- Comprendre que, dans les sociétés démocratiques, l’École transmet des savoirs et vise à favoriser l’égalité des chances ;
comprendre l’évolution, depuis les années 1950, des principaux indicateurs mesurant l’accès à l’école et à l’enseignement
supérieur (taux de scolarisation, taux d’accès à un diplôme ou à un type de formation) en distinguant les processus de
massification et de démocratisation.
- Comprendre la multiplicité des facteurs d’inégalités de réussite scolaire (notamment, rôle de l’École, rôle du capital
culturel et des investissements familiaux, socialisation selon le genre, effets des stratégies des ménages) dans la
construction des trajectoires individuelles de formation.
Introduction :
Étymologiquement, école vient du grec « Scholé » qui signifie loisir, lequel constituait un idéal souvent exprimé par
les philosophes et une catégorie socialement valorisée opposée à la sphère des tâches productives.
Le loisir ne se traduisait
pas par l'oisiveté, mais par « la liberté d'échapper aux travaux productifs pour pouvoir se consacrer à des tâches plus
élevées comme la politique (ta politika ou affaires de la cité), l'étude ou l'enseignement ».
On retrouve la même idée chez
les romains avec l'opposition entre otium et negotium.
L'otium est un temps, sporadique ou prolongé, de loisir personnel
aux implications intellectuelles, vertueuses ou immorales avec l'idée d'éloignement du quotidien, des affaires (negotium),
et d'engagement dans des activités valorisant le développement artistique ou intellectuel (éloquence, écriture,
philosophie).
Pour les modernes, l'école est un lieu physique qui émerge progressivement à partir de la fin du Moyen-Age et du
début de la Renaissance et qui remplit une double fonction.
D'une part, l'école transmet des savoirs, des connaissances.
D'autre part, elle éduque en transmettant des normes et des valeurs et en fixant les rôles sociaux.
La prise en charge de ces
deux fonctions ne dit cependant rien sur la nature des savoirs à transmettre dans l'école française.
De fait, en transmettant
certains savoirs plus que d'autres l'école légitime des connaissances et en exclut d'autres.
De même, la fonction
d'éducation peut varier sur les moyens et les fins.
Il convient donc de se demander comment l'école remplit ces deux fonctions d'instruction et d'éducation ? L'école
favorise-t-elle l'émancipation ou la domestication ? Quels savoirs sont-ils transmis par l'école ?
Avant même son renforcement par les lois Ferry de 1881-1882, l'école noue une relation étroite avec la démocratie
(I).
En cela, elle légitime l'ordre social (II) ce qui peut parfois déboucher sur une fabrique de la soumission (III).
I- L'école : une institution garante de la démocratie.
L'école est une institution fondamentale de la société française.
Tout d'abord, elle est étroitement liée à la
démocratie.
De plus, elle a su faire face au défi de la massification scolaire.
A- L'école républicaine au fondement de la démocratie.
L'école républicaine repose sur des valeurs congruentes à celles de la démocratie.
D’une part, elle repose sur
l'égalité.
D'autre part, elle crée le lien social en transmettant des normes et des valeurs communes.
a- L'école repose sur l'égalité.
L'école de la République repose sur les trois formes de l'égalité.
D'une part, l'école garantit une égalité des droits.
En effet, tous les élèves bénéficient des mêmes droits.
A titre
d'exemple, les programmes scolaires sont nationaux et appliqués de manière identique sur l'ensemble du territoire par des
professeurs recrutés sur la base de concours nationaux.
L'offre scolaire est donc la même pour tous, ce qui constitue une
condition préalable à l'égalité des chances.
D'autre part, l'école garantit l'égalité des chances en promouvant les talents des meilleurs élèves et en
reconnaissant le travail individuel.
Elle repose sur la méritocratie et devient ainsi un outil de mobilité sociale.
Durant les
Trente Glorieuses, par exemple, nombreux sont les enfants d'artisans, de commerçants ou d'agriculteurs à s'être élevés
dans la hiérarchie sociale, surtout par le biais des concours de la fonction publique.
De plus, l'égalité des chances intègre
également des principes de discrimination positive, qui s'ils constituent une entorse à l'égalité des droits n'en assurent pas
moins de « justes inégalités » au sens de John Rawls (Théorie de la justice, 1971).
Les ZEP, REP+ ou le système de bourse
illustrent le principe de la discrimination positive au service de l'égalité des chances.
Cependant, la méritocratie se traduit
inéluctablement par des statuts sociaux différenciés à l'issue de la scolarité, c'est pour cela que l'école garantit une égale
dignité.
Enfin, l'école instaure un principe d'égale dignité de tous.
La mise en place, en 2006, d'un « socle commun de
connaissances, de compétences et de culture » à l'école élémentaire et au collège découle par exemple de cette ambition.
Le respect de l'égalité sous toutes ses formes fait donc de l'école de la République un fondement de la démocratie.
b- La socialisation scolaire au fondement du lien social.
Dans leur ouvrage La République des instituteurs (1992) Jacques et Mona Ozouf ont montré la position centrale des
instituteurs dans la construction de la République.
« Les Hussards noirs de la république » ont en effet contribué à créer un
imaginaire collectif, une conscience collective au sens durkheimien, et à unifier linguistiquement le pays.
Tout d'abord, les instituteurs et l'école républicaine ont façonné des mythes fondateurs de la nation française.
Le
plus connu est sans conteste celui de « nos ancêtres les gaulois ».
Cette formule emblématique se trouve chez Ernest
Lavisse dans un passage du Dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire (commencé en 1878 et publié en 1887) :
Ensuite, les instituteurs de la République ont contribué à l'unification linguistique de la France.
L'objectif des
républicains est de diffuser les idéaux de 1789 et notamment l'unicité de la République.
La République étant « une et
indivisible », elle doit reposer sur une seule et même langue.
Ainsi, l'instruction du français se répandra dans toutes les
écoles du territoire.
Enfin, l'école contribue fortement à la socialisation des élèves.
Dès le début du XXeme siècle dans Éducation et
sociologie (1922) Durkheim montre qu'elle remplit une fonction explicite de transmission des valeurs, des normes et des
rôles.
Ainsi, sous la IIIème République, l'école a pour fonction manifeste de former des citoyens.
L'éducation repose sur un
véritable « catéchisme républicain » qui valorise le vote et stigmatise l'abstention.
De même, l'uniformisation linguistique
contribue à instituer le sentiment d'appartenance à une Nation, une communauté de citoyens.
Le travail d'unification des valeurs porté par l'école et les instituteurs de la IIIème République a renforcé la cohésion
nationale.
B- L'école et le pari de la massification scolaire.
La période moderne se caractérise par le développement de la scolarisation de la population.
L'éducation est en
effet devenue un droit constitutionnel constitutif des droits de l'Homme.
La reconnaissance de ce droit implique une
augmentation des dépenses d'éducation.
Enfin, le droit à l'éducation se traduit par la massification de la scolarisation.
a- La reconnaissance d'un droit à l'éducation.
En France, Condorcet affirme dès 1792 que tous les citoyens doivent avoir accès à l'éducation.
Néanmoins, la
reconnaissance constitutionnelle du droit à l'éducation n'intervient qu'en 1946 dans le préambule de la Constitution de la
IVe République.
Elle vient compléter tout un ensemble de lois, dont celles de Jules Ferry qui ont rendu l'école primaire
gratuite, laïque et obligatoire.
En 1881, le ministre de l'instruction publique Jules Ferry fait voter une loi rendant
l'enseignement primaire public et gratuit.
En 1882, une autre loi rend l'instruction obligatoire et l'enseignement public laïc.
De manière plus générale, le droit à l'éducation est reconnu par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948.
Le droit à l'éducation est aujourd'hui considéré comme un droit fondamental et universel, faisant partie des droits
de l'Homme de seconde génération qui correspondent à des droits sociaux.
Étant entendu que les droits de l'Homme de
première génération correspondent aux droits civils et politiques.
Dans ce sens, l'éducation est un droit humain qui doit
être accessible à tous, sans aucune discrimination.
C'est un droit indispensable à l'exercice de tous les autres droits de
l'Homme.
Il est à noter qu'en France l'école n'est pas obligatoire.
Seule l'instruction l'est, elle peut être exercée par les familles
sous contrôle de l’Éducation Nationale.
L'instruction est obligatoire en France de 3 ans à 16 ans, depuis 2005, les parents ne
peuvent s'opposer à la volonté de poursuite d'études de leur enfant après 16 ans.
Les principales dates de l'extension de
l'instruction obligatoire sont :
1882 : instruction obligatoire de 6 à 13 ans (loi Ferry)
1936 : loi de Jean Zay qui porte l'obligation d'instruction à 14 ans ;
1959 : loi Berthoin qui porte l'obligation d'instruction à 16 ans.
Au sein de l'OCDE l'espérance de scolarisation pour un enfant de 5 ans est de 17,8 ans.
b- La dépense d'éducation en France.
La reconnaissance du droit à l'éducation et l'obligation de l'instruction impliquent des dépenses d'éducation.
En
2015, la France scolarisait 12 775 400 élèves dans le primaire et le secondaire.
Pour encadrer cette population scolaire,
l’Éducation Nationale emploie 1 052 700 personnels dont 855 000 enseignants, ce qui la classe parmi les plus gros
employeurs mondiaux....
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