Que pensez-vous d' « une littérature... qui cherche à embellir la vie, à dispenser le rêve, l'oubli de ce qui est » ?
Publié le 29/06/2020
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« « Vous voyez tout en noir... la vie n'est pas si noire, ni les hommes si méchants. » Entre tous les reproches que subit un écrivain, celui-là ne laisse pas de le surprendre, bien qu'on le lui adresse depuis des années. Parfois, il connaît le lecteur 5 qui proteste ainsi : c'est un père dont le fils a été tué, un époux trompé ou abandonné ; un homme du monde qui, au milieu d'une fête, porte la mort sur son visage ou les marques d'un vice plus effrayant que la mort ; un vieillard déjà aux trois quarts englouti. 10 « Vous voyez tout en noir... » Ce reproche ne nous vient presque jamais des jeunes gens ; car, s'il existe chez eux une puissance pour se détacher et, parfois, une facilité à mourir, dont s'étonnent ceux qui les aiment, c'est qu'ils connaissent tout d'avance et qu'ils entrent dans la vie comme les gladia-15 teurs dans le cirque. Les hommes d'âge, qui savent de quoi il retourne et qui, depuis longtemps, se collettent avec le destin, ce sont ceux-là qui feignent de ne pas voir le sang dont ils sont couverts. Nous accepterions volontiers l'objection du sens commun : 20 la vie réelle est assez triste pour ne pas y ajouter encore les malheurs imaginaires des romans et des films. Mais ceux qui raisonnent ainsi savent qu'une littérature existe à leur usage, et qui cherche à embellir la vie, à dispenser le rêve, l'oubli de ce qui est. Chacun est libre de chercher dans l'art une fuite, 25 un divertissement, et d'exiger de l'écrivain une aide pour échapper à soi-même. Mais la préférence que la plupart éprouvent pour une littérature d'embellissement du réel, d'évasion hors du réel, ne doit pas les rendre injustes à l'égard des écrivains dont la 30 vocation est, au contraire, la science de l'homme. Rien de plus légitime, certes, que de se refuser à les suivre dans leur recherche. En revanche, nous n'acceptons pas l'hypocrite : « La vie n'est pas si noire... » de ces tristes humains dont, souvent, la seule approche, même quand nous ne connais-35 sons rien d'eux, nous révèle le nom de l'enfer qu'ils habitent. Ce n'est pas nous qui haïssons la vie. Ceux-là seuls haïssent la vie qui, ne pouvant en souffrir l'aspect, la falsifient. Les véritables amants de la vie l'aiment telle qu'elle est. Ils lui ont arraché, un à un, tous ses masques, et à ce monstre enfin 40 mis à nu, ils donnent leur cur. Et de même les misanthropes, les ennemis de l'homme sont ceux qui ne consentent pas à le connaître dans sa misère aussi bien que dans sa grandeur. Toute une littérature où triomphe le faux dans les sentiments, et qui se croit optimiste, est, 45 au vrai, l'uvre de gens à qui la vue de l'homme réel est intolérable et qui, ne pouvant supporter leur propre cur, le camouflent, le maquillent. Comment ne s'offenseraient-ils pas du portrait non retouché qu'un artiste leur impose ? François Mauriac, Journal, Flammarion, pp. 47-49 Questions 1. Résumé (8 points) Vous ferez de ce texte un résumé de 140 mots ; une marge de 10%, en plus ou en moins, est admise. Vous indiquerez à la fin de votre résumé le nombre exact de mots employés. 2. Vocabulaire (2 points) Expliquez le sens dans le texte de « se collettent avec le destin » (ligne 17) ; «falsifient» (la vie) (ligne 37). 3. Discussion (10 points) Que pensez-vous d' « une littérature... qui cherche à embellir la vie, à dispenser le rêve, l'oubli de ce qui est » ? 1. LE RÉSUMÉ (8 points) L'anaphore du début du texte : « Vous voyez tout en noir» s'applique bien à Mauriac lui-même, romancier pessimiste de ia psychologie humaine. '_e texte traite donc : de la vision pessimiste ou optimiste du monde et de la condition humaine de ce que Mauriac comprend par « pessimisme » et dont il nie que ce soit la représentation de la vérité humaine ; répartissant cette conception ...»
«
ÉPREUVE
4
Bordeaux, Caen, Clermont-Ferrand, Limoges,
Nantes, Orléans, Tours, Poitiers, Rennes Juin 1990
TEXTE
« Vous voyez tout en noir ...
la vie n'est pas si noire, ni les
hommes si méchants.
» Entre tous les reproches que subit
un écrivain, celui-là ne laisse pas de le surprendre, bien qu'on
le lui adresse depuis des années.
Parfois, il connaît le lecteur
s qui proteste ainsi : c'est un père dont le fils a été tué, un époux
trompé ou abandonné ; un homme du monde qui, au milieu
d'une fête, porte la mort sur son visage -ou les marques
d'un vice plus effrayant que la mort ; un vieillard déjà aux
trois quarts englouti.
10 « Vous voyez tout en noir.
..
» Ce reproche ne nous vient
presque jamais des jeunes gens ; car, s'il existe chez eux une
puissance pour se détacher et, parfois, une facilité à mourir,
dont s'étonnent ceux qui les aiment, c'est qu'ils connaissent
tout d'avance et qu'ils entrent dans la vie comme les gladia-
15 teurs dans le cirque.
Les hommes d'�-$ qui savent de quoi il retourne et qui,
depuis longtemps, se collettent avec le destin, ce sont ceux
là qui feignent de ne pas voir le sang dont ils sont couverts.
Nous accepterions volontiers l'objection du sens commun :
20 la vie réelle est assez triste pour ne pas y ajouter encore les
malheurs imaginaires des romans et des films.
Mais ceux qui
raisonnent ainsi savent qu'une littérature existe à leur usage,
et qui cherche à embellir la vie, à dispenser le rêve, l'oubli
de ce qui est.
Chacun est libre de chercher dans l'art une fuite,
25 un divertissement, et d'exiger de l'écrivain une aide pour
échapper à soi-même.
Mais la préférence que la plupart éprouvent pour une litté
rature d'embellissement du réel, d'évasion hors du réel, ne
doit pas les rendre injustes à l'égard des écrivains dont la
3 0 vocation
est, au contraire, la science de l'homme.
Rien de
plus légitime, certes, que de se refuser à les suivre dans leur
recherche.
En revanche, nous n'acceptons pas l'hypocrite :
« La vie n'est pas si noire ...
» de ces tristes humains dont,
souvent, la seule approche, même quand nous ne connais-.
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