« Quand un homme n'a plus rien à construire, ou à détruire, il est très malheureux. »
Publié le 20/12/2021
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«
ANALYSE
Alain étudie ici les causes de l'ennui et ses remèdes.
Pour lui, l'origine en est dans la rêverie ou la méditation : l'esprit seul y est occupé.
Or, il
faut que l'homme sente ses doigts en activité, et qu'il perçoive autre chose que des
phantasmes.
Si les femmes s'ennuient moins que les hommes, c'est peut-être qu'elles
sont sans cesse occupées à des travaux d'aiguille ou de maison.
Le vrai remède serait dans quelque occupation secondaire, à côté du métier.
Mais on la
choisit bien mal le plus souvent.
Les riches s'occupent comme ils peuvent, entre les
spectacles ou la chasse, ou les courses en voiture ou en avion.
Se battre est une
occupation plus commune, et l'auteur en vient à se demander si la guerre est autre
chose qu'un remède contre l'ennui.
Dans le danger, en effet, on ne pense pas à la perte
de sa vie.
S'occuper de toutes les façons, y compris les plus périlleuses, c'est le bon
moyen de ne pas songer au danger et à la mort.
THÈME.
— « Quand un homme n'a plus rien à construire, ou à détruire, il est
très malheureux.
»
Introduction
« L'ennui naquit un jour de l'uniformité », cette uniformité dont nous avons au moins
l'impression quand nous pensons ne plus rien avoir à désirer ou à craindre, à construire
ou à détruire.
Avant de voir comment on peut éviter cette « usure des jours », tentons
de l'illustrer.
Développement
I.
— Explication par trois exemples.
1° Dans l'exercice de sa profession: Toute profession suppose la répétition d'un certain
nombre de gestes (métier manuel) ou d'obligations (maîtresse de maison) ou
d'occupations (médecin, professeur).
Malgré cette obligation, il faut que chaque jour
apporte sa part non pas de nouveauté mais de renouvellement dans la tâche : maison à
construire ou récoltes à rentrer avant la mauvaise saison, embellissement du foyer ou
renouvellement de la garde-robe, progrès des élèves ou lutte contre la maladie à vaincre.
2° Dans certaines pratiques, religieuses ou morales: La prière quotidienne, la messe du
dimanche ; « pratiquer », ce n'est pas aller au même office chaque dimanche par
habitude ; « honorer ses morts », ce n'est pas aller au cimetière le jour des Morts ; «
pratiquer », ce n'est pas obéir à la loi ou à la coutume ; c'est aller à la rencontre d'un
idéal dont on a besoin, un besoin né de l'âme, pour ne plus se replier sur soi, ne plus rien
avoir à attendre ni à redouter.
C'est tenter de se dépasser en s'oubliant soi-même.
3° Dans l'amour: Là est le danger de la vie conjugale, de l'union de deux êtres.
Le foyer
est construit ; rien, du moins en apparence, ne risque de le détruire : c'est alors qu'il faut
fuir l'habitude, la monotonie des jours pour que tout demeure exceptionnel et apparaisse
sans cesse renouvelé, dans toute l'idéale lumière du premier jour.
II.
— Éviter « l'usure des jours ».
1° Par la pratique de « petits métiers ».
c'est-à-dire d'occupations secondaires.
2° Par ce qu'on peut appeler « l'héroïsme quotidien »:
a) Par la possession de soi-même : vivre toute sa vie, c'est-à-dire développer toutes les
puissances que l'on sent en soi-même, voilà un beau et difficile programme ; beau, parce
qu'il répond aux aspirations de tous les jeunes, difficile, parce qu'il suppose une lutte
constante contre les désirs et les passions qu'il faut gouverner.
b) Par l'acquisition du sentiment de sa responsabilité : par l'alliance du devoir, de l'intérêt
et de l'amour-propre.
Ainsi, joue par exemple le ressort de la conscience professionnelle
donnée seulement à celui qui se sent profondément responsable du « service » confié ;.
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