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Prosper Mérimée

Publié le 09/12/2021

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C'était en 1920. Dans le concert des articles qui célébraient le cinquantenaire de la mort de Mérimée, une note discordante. Le terrible abbé Bremond, magistral et dédaigneux, prononçait : "Le grand goût ne souffre pas l'apothéose des secs." La sécheresse de Mérimée est article de foi pour qui n'aime point l'antiromantisme de sa phrase courte, qui suggère plus qu'elle n'exprime et sacrifie la méditation lyrique au mouvement. Barbey d'Aurevilly disait déjà : "Gustave Planche, sec comme son nom, adorait la sécheresse de Mérimée." Et dans un petit livre sur Musset, Maurice Donnay, nommant cinq fois Mérimée, cinq fois écrit : "Le sec Mérimée." Telle l'Aurore (aux doigts de rose), tel Achille (aux pieds légers), Mérimée traîne après soi son épithète homérique, mais la sienne est infamante. Ayant condamné le fond, Henri Bremond jugeait sans plus de pitié la forme et recueillait avec délectation et férocité une pincée de gaucheries, lourdeurs et incorrections. Encore en a-t-il oublié. Par exemple, "Elle se répétait tout ce que Darcy lui avait dit et se repentait de ne lui avoir pas dit cent choses qu'elle aurait pu lui dire", ou "Il paraissait plus touché de sa mésaventure qu'elle ne l'était elle-même. Il m'aime ! pensa-t-elle", voilà qui n'est pas d'un style très surveillé. Quant à Colomba, qui met "la main sur ses yeux comme ces oiseaux qui se rassurent" et Carmen, quand elle part "d'un de ses éclats de rire de crocodile", les almanachs dits drôles ne savent d'elles, depuis longtemps, que ces cocasseries fâcheuses. Mais, opulente rançon de quelques étourderies et nonchalances, il n'est pas rare de rencontrer chez Mérimée de ces petites phrases (sèches...) comme celle-ci qui est dans Carmen et qui (Jean Dutourd a raison) dénotent un grand art : "Elle mit sa mantille devant son nez, et nous voilà dans la rue, sans savoir où j'allais." Mouvement merveilleux, enregistré et suggéré par une ellipse, un changement de temps, de nombre, de personne. Qui ne connaît, au surplus, les "soixante-quinze francs en pièces de quarante sous" de Madame Bovary ? Et Flaubert est un styliste, et qui se veut tel. Mérimée, point. Non plus que Stendhal et Balzac. Il n'a pas encore vingt-deux ans quand paraissent les petites pièces ironiques ou lugubres, sanglantes ou bouffonnes, de Clara Gazul. Il en a vingt-six quand il publie le Carrosse du Saint Sacrement. Avec Carmen (à quarante-deux ans) s'interrompt pour longtemps son "oeuvre d'imagination". Le cas est singulier, car la veine du conteur n'était pas tarie : Lokis, scabreux et fantastique, fait brillamment écho, en 1869, dans un tout autre registre, à la mystification de la Vénus d'Ille.

« Prosper Mérimée C'était en 1920.

Dans le concert des articles qui célébraient le cinquantenaire de la mort de Mérimée, une note discordante.

Le terribleabbé Bremond, magistral et dédaigneux, prononçait : "Le grand goût ne souffre pas l'apothéose des secs." La sécheresse de Mérimée estarticle de foi pour qui n'aime point l'antiromantisme de sa phrase courte, qui suggère plus qu'elle n'exprime et sacrifie la méditationlyrique au mouvement.

Barbey d'Aurevilly disait déjà : "Gustave Planche, sec comme son nom, adorait la sécheresse de Mérimée." Et dansun petit livre sur Musset, Maurice Donnay, nommant cinq fois Mérimée, cinq fois écrit : "Le sec Mérimée." Telle l'Aurore (aux doigts derose), tel Achille (aux pieds légers), Mérimée traîne après soi son épithète homérique, mais la sienne est infamante.

Ayant condamné lefond, Henri Bremond jugeait sans plus de pitié la forme et recueillait avec délectation et férocité une pincée de gaucheries, lourdeurs etincorrections.

Encore en a-t-il oublié.

Par exemple, "Elle se répétait tout ce que Darcy lui avait dit et se repentait de ne lui avoir pas ditcent choses qu'elle aurait pu lui dire", ou "Il paraissait plus touché de sa mésaventure qu'elle ne l'était elle-même.

Il m'aime ! pensa-t-elle", voilà qui n'est pas d'un style très surveillé.

Quant à Colomba, qui met "la main sur ses yeux comme ces oiseaux qui se rassurent"et Carmen, quand elle part "d'un de ses éclats de rire de crocodile", les almanachs dits drôles ne savent d'elles, depuis longtemps, queces cocasseries fâcheuses.

Mais, opulente rançon de quelques étourderies et nonchalances, il n'est pas rare de rencontrer chez Mériméede ces petites phrases (sèches...) comme celle-ci qui est dans Carmen et qui (Jean Dutourd a raison) dénotent un grand art : "Elle mit samantille devant son nez, et nous voilà dans la rue, sans savoir où j'allais." Mouvement merveilleux, enregistré et suggéré par une ellipse,un changement de temps, de nombre, de personne.

Qui ne connaît, au surplus, les "soixante-quinze francs en pièces de quarante sous"de Madame Bovary ? Et Flaubert est un styliste, et qui se veut tel.

Mérimée, point.

Non plus que Stendhal et Balzac. Il n'a pas encore vingt-deux ans quand paraissent les petites pièces ironiques ou lugubres, sanglantes ou bouffonnes, de Clara Gazul.

Ilen a vingt-six quand il publie le Carrosse du Saint Sacrement.

Avec Carmen (à quarante-deux ans) s'interrompt pour longtemps son"oeuvre d'imagination".

Le cas est singulier, car la veine du conteur n'était pas tarie : Lokis, scabreux et fantastique, fait brillammentécho, en 1869, dans un tout autre registre, à la mystification de la Vénus d'Ille. Alors pourquoi ce silence ? Est-ce parce que, n'ayant jamais écrit, à l'en croire, que pour "plaire à quelqu'un", la rupture, dont il demeureinconsolable, avec Valentine Delessert, le détourna de composer de "petites drôleries" ? Mais Mme Delessert lui avait "rendu son amitié"bien avant Lokis...

La vérité ne serait-elle pas plutôt que Mérimée, dilettante, humaniste, est certainement le moins "Jean de lettres" detous les grands écrivains de son siècle.

Jean de lettres : c'est à Tallemant, sans doute, que Mérimée a pris le mot.

Les Historiettesl'accolent au nom d'un "matulu" célèbre, Ménage.

Les Vadius et le puff (qui est le bluff publicitaire d'aujourd'hui) excitent la verve deMérimée qui n'a écrit, pour son plaisir, quelques chefs-d'oeuvre qu'en affectant gentiment de ne les point prendre au sérieux : Carmen"serait demeurée inédite si l'auteur (c'est lui qui parle) n'eût été obligé de s'acheter des pantalons..." Or, la monarchie de juillet se hâtant de récompenser le jeune libéral de la Restauration Mérimée devient à trente et un ans inspecteur desmonuments historiques, et, comme il est exemplairement consciencieux, de vaste culture, et qu'au surplus son nouveau métier "lui plaîtassez", il entame une lutte acharnée contre le vandalisme de maires ignares et de curés badigeonneurs, et ce mécréant, qui parfois agaceà force d'impiétés, sauve la Madeleine de Vézelay, l'arc de triomphe de Saintes, les peintures de Saint-Savin, les tapisseries de Boussac...Et au retour d'inspections épuisantes, il "broche" à longueur de nuits de la prose administrative.

Sans la tournée en Corse, point deColomba sans doute, et point de Vénus d'Ille sans la tournée dans le Midi ; mais les éclatants débuts de 1825 autorisent à penser quel'inspecteur des monuments a étouffé le nouvelliste.

Et quand il devint sénateur de l'Empire, pour avoir jadis fait sauter sur ses genoux etemmené chez le pâtissier une petite fille qui s'appelait Eugénie de Montijo, les corvées officielles les obligatoires divertissements de Saint-Cloud, de Fontainebleau, de Biarritz sa santé d'ailleurs devenue déplorable laissaient-ils à Mérimée le temps de renouer avec les "petitesdrôleries" ? D'autant moins qu'il s'était pris d'un goût très vif pour l'histoire et la littérature russes, qui lui ont inspiré des livres nonnégligeables, et que son extraordinaire correspondance, quelque spontanée qu'en soit l'écriture, exigeait des loisirs. C'est de cette correspondance que Renan a dit : "Mérimée eût été un homme de premier ordre s'il n'eût pas eu d'amis.

Ses amis sel'approprièrent.

Comment peut-on écrire des lettres, quand on a la facilité de parler à tous ?" Mais par leur diversité, leur richesse, ceslettres sont révélatrices de la nature profonde de Mérimée, dilettante moins ambitieux de "parler à tous" en écrivant des livres quesoucieux de causer librement avec des amis.

Du moins est-il vrai que cet égoïste serviable fut inébranlablement sûr en amitié : il suffitd'évoquer les noms de Jacquemont, de Stendhal, de Libri même, voleur et faussaire justement condamné, dont il se mêla naïvement dedémontrer l'innocence à des magistrats qui n'entendaient pas raillerie et qui mirent en prison pour quinze jours ce membre de l'Académiefrançaise et de celle des Inscriptions, trop spirituellement irrespectueux de la sacro-sainte chose jugée... Trois maximes traduisent assez bien l'éthique de Mérimée : "Souviens-toi de te méfier." C'est une devise de la sagesse grecque, qu'ilavait fait graver sur sa bague et qui ne le mit pas à l'abri de chagrins d'amour, banals comme ils sont tous, mais déracinants.

"L'espècehumaine est turpe." Le mot est de lui, formulation plaisante et bien frappée de son universel désenchantement.

"Jetons quelques fleurssur cette sotte vie." Par lui empruntée à son ami Malitourne, cette libre traduction du Carpe diem justifie sa conception anacréontique à lafois et désespérée du bonheur. Casanier et cosmopolite, très bourgeois au fond, cet ami des hors-la-loi trouve aux émeutes lointaines, pronunciamientos madrilènes ouhorreurs cosaques, une saveur qu'il refuse tout net aux Journées de février ou de juin.

Il ne tient pas à voir "la pure nature de l'homme"de trop près trop près de son logis douillet, de ses livres et de son "capharnaüm de brochures".

Le folklore est toujours ailleurs... Sceptique hautain, exécrant tous les fanatismes et plein de froide pitié pour les folies des hommes, cet amateur laborieux a laissé uneoeuvre très attachante et très variée d'historien, d'archéologue (on disait antiquaire), d'essayiste et de conteur, où ses romans etnouvelles n'étaient peut-être pas ce qu'il aimait le plus.

C'est bien pourtant à la Double méprise, aux Âmes du Purgatoire, à la Vénusd'Ille, à Carmen, à son oeuvre proprement littéraire en un mot, qu'il devra de survivre, oeuvre qui, tous comptes faits, serait très sombresi ne l'animaient la curiosité passionnée de la vie et le courage sans emphase d'un épicurien stoïque de l'école de Saint-Evremond.. »

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