PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT DROITS DE LA DÉFENSE C.E. 5 mai 1944, Dame Veuve TROMPIER-GRAVIER, Rec. 133
Publié le 27/09/2022
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PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT
DROITS DE LA DÉFENSE
C.E.
5 mai 1944, Dame Veuve TROMPIER-GRAVIER, Rec.
133
(D.
1945.II0, concl.
C henot, note de Soto;
R.
D.
P.
1944.256, concl.
C henot, note Jèze)
Cons.
qu'il est constant que la décision attaquée, par laquelle le
préfet de la Seine a retiré à la dame veuve Trompier-Gravier l'autorisa
tion qui lui avait été accordée de vendre des journaux dans un kiosque
sis boulevard Saint-Denis à Paris, a eu pour motif une faute dont la
requérante se serait rendue coupable;
Cons.
qu'eu égard au caractère que présentait, dans les circonstances
susmentionnées, le ,retrait de l'autorisation et à la gravité de cette
sanction, une telle mesure ne pouvait légalement intervenir sans que la
dame veuve Trompier-Gravier eût été mise à même de discuter les griefs
formulés contre elle; que la requérante, n'ayant pas été préalablement
invitée à présenter ses moyens de défense, est fondée à soutenir que la
décision attaquée a été prise dans des conditions irrégulières par le
préfet de la Seine et est, dès lors, entachée d'excès de pouvoir; ...
(Annulation).
OBSERVATIONS
Pa r cet a rrêt, le Conseil d'Éta t a consa cré expressément un
principe que des décisions antérieures a vaient déjà esquissé et
qui a lla it conna ître une gra nde fortune da ns la jurisprudence '
ultérieure : « lorsqu'une décision administrative prend le carac-,
tère d'une sanction et qu'elle porte une a tteinte a ssez gra ve à i
une situation individuelle, la jurisprudence exige que l'intéressé ,J
ait été mis en mesure de discuter les motifs de la mesure qui le \
frappe» (concl.
Chenot).
Cette exte!lsion a ux décisions admi
nistra tives d'une règle de procédure fondamenta le en matière
juridictionnelle (v.
C.
E.
20 juin 1913, Téry *), facilitée pa r les
dispositions législatives relatives à la discipline des fonctionnai
res (loi du 22 a vr.
1905, art.
65; - loi du 19 oct.
1946 et
ordonna nce du 4 févr.
1959 rela tives au statut des fonctionnai
res de l'Éta t; - loi du 28 a vr.
1952 relative a u sta tut des
fonctionnaires municipaux; - ord.
du 27 juin 1944 sur l'épura
tion a dministra tive), constitue l'une des a pplications les.
plus
rema rqua bles de la théorie des principes généra ux du droit (v.
nos observàtions sous l'a rrêt du 9 ma rs 1951, Société des
concerts du Conservatoire *).
,_, Le respect des « droits de la défense» n'est d'ailleurs exigé,
l�n l'absence de texte, que lorsque la mesure présente le carac
'.Îftère d'une sanction et que cette sanction est suffisamment
)grave.
En l'espèce, la dame Trompier-Gravier, qui bénéficiait
de Fautorisation de vendre des journaux dans un kiosque du
boulevard Saint-Denis, s'était vu retirer celle-ci, pour avoir
voulu extorquer des fonds à son gérant; la mesure étant
motivée, non par l'intérêt de la voirie, mais par une faute
alléguée à l'encontre de l'intéressée, elle aurait dû être préala
blement mise en mesure de discuter les griefs formulés contre
elle.
Ce principe a été appliqué aux sanctions les plus diverses :
mesures d'épuration (C.E.
26 qct.
1945, Aramu, Rec.
213; S.
1946.3.1, concl.
Odent; D.
1946.158 note Marange; Et.
et Doc.
1947.48, concl.
Odent); retrait de l'autorisation accordée à une
fondation de placer des enfants (19 mai 1950, Fondation
d'Heucqueville, Rec: 293); retrait d'une reconnaissance d'utilité
• publique (31 oct.
1952, Ligue pour la protection des mères
abandonnées, Rec.
480); décrets prononçant la perte de la
nationalité française des personnes se comportant comme les
nationaux d'un pays étranger (C.E.
7 mars 1958, Speter, Rec.
152; A.
J.
1958.II.178, concl.
Long);.
interdiction de l'exercice
de certaines professions (C.E.
8 janv.
1960, Rohmer et Faist,
Rec.
12 et 13; R.
D.
P.
1960.33, concl.
Braibant); retrait ou
refus d'agrément ayant pour effet de mettre fin à une activité
déjà exercée (4 mai 1962, Dame Ruard, Rec.
296; A.
J.
1962.419, chr.
Galabert et Gentot); retrait de l'autorisation
d'exercer les fonctions de chef de centre d'insémination artificielle d'une coopérative (8 nov.
1963, Ministre de l'agriculture c.
Lacour, Rec.
532; A.
J.
1964.28, chr.
Fourré et Mme Puybasset).
Il a été également étendu aux sanctions de caractère contractuel
(C.E.
2 oct.
1959, Ministre résidant en Algérie c.
Simon, Rec.
486).
� Lorsque, au contraire, la mesure ne constitue pas une sanc
� tion, mais est motivée par l'intérêt du service, ou plus générale
'Î\ ment lorsqu'elle est prise dans l'intérêt de l'ordre, de la santé
i ou de la sécurité publique, la personne frappée par elle n'a pas
à être mise dans la possibilité de la discuter, quelle que soit
·.
d'ailleurs sa gravité (C.E.
20 févr.
1953, Dame Cozie-Savoure,
' Rec.
86 : retrait, pour illégalité, de l'autorisation d'ouvrir une
officine de pharmacie; - 25 avr.
1958, Société « Làboratoires
Geigy », Rec.
236, concl.
Heumann; A.
J.
1958.II.227, chr.
Fournier et Combarnous : retrait du visa d'une spécialité
pharmaceutique; - 12 juin 1959, Ministre de là santé publique
c.
Prat-Flottes, Rec.
361; A.
J.
1960.II.96, concl.
Mayras :
fermeture d'un établissement antituberculeux).
Ce principe, qui
__,est d'application constante, revêt · notarn_ment une grande
'importance en matière de police; les autorités de police pren
�nent en effet de nombreuses décisions portant atteinte, parfois
gravement, à des intérêts particuliers, ou même à des libertéslt
individuelles; ces....
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