PREMIERE PARTIE : L’EVOLUTION DU CUMUL DES RESPONSABILITES POUR FAUTE : DE LA CONJONCTION DE DEUX FAUTES A LA SEULE FAUTE PERSONNELLE EN LIEN AVEC LE SERVICE
Publié le 17/10/2024
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Mémoire de Master 1
Droit public
Les cumuls de responsabilités civiles, pour faute, entre
l’agent public et l’Administration
Sommaire
PREMIERE PARTIE : L’EVOLUTION DU CUMUL DES RESPONSABILITES POUR
FAUTE : DE LA CONJONCTION DE DEUX FAUTES A LA SEULE FAUTE
PERSONNELLE EN LIEN AVEC LE SERVICE
Chapitre 1 : Le cumul de responsabilité en raison d’une dualité de fautes
Chapitre 2 : Le cumul intégral des responsabilités
DEUXIEME PARTIE : DE LA GARANTIE DE LA VICTIME A LA GARANTIE DU
FONCTIONNAIRE
Chapitre 1 : La théorie du cumul des responsabilités : un mécanisme de garantie de la victime
Chapitre 2 : La garantie implicite du fonctionnaire
3
Liste des abréviations
AJCT : Actualité juridique – Collectivités territoriales.
AJDA : Actualité juridique – Droit administratif.
AJFP : Actualité juridique – Fonctions publiques.
Ass.
: Assemblée du contentieux.
Bull.
crim.
: Bulletin des arrêts de la chambre criminelle de la Cour de Cassation.
BJCL : Bulletin juridique des collectivités territoriales.
CAA : Cour administrative d’appel.
Cass.
crim.
: Chambre criminelle de la Cour de cassation.
CC : Conseil constitutionnel.
CE : Conseil d’Etat.
Chr : Chronique.
Concl.
: Conclusions.
D.
: Recueil Dalloz ; IR : Informations rapides ; SC : Sommaires commentés.
DA : Droit administratif.
EDCE : Etudes et documents du Conseil d’Etat.
GAJA : Les grands arrêts de la jurisprudence administrative.
Gaz.
Pal.
: Gazette du Palais.
GDJ : Les grandes décisions de la jurisprudence (droit administratif).
JCP/ JCP G : Semaine juridique, édition générale.
JCP A : Semaine juridique, édition Administration et collectivités territoriales.
J.-Cl.
A.
: JurisClasseur Administratif.
LHEP : Lexbase Hebdo, édition publique.
LPA : Les Petites Affiches.
Obs.
: Observations.
RCA : Responsabilité civile et assurances.
RRPP : Répertoire Dalloz de la responsabilité de la puissance publique.
RDP : Revue du droit public et de la science politique.
Rev.
Adm.
: Revue administrative.
RFDA : Revue française de droit administratif.
S.
: Sirey.
Sect.
: Section du contentieux.
TC : Tribunal des conflits.
4
Introduction
La fameuse jurisprudence Pelletier1, du Tribunal des conflits, est venue distinguer
deux types de responsabilité.
La première est la responsabilité personnelle de l’agent.
Elle
doit être actionnée devant les tribunaux judiciaires en application des règles du code civil.
La
deuxième est la responsabilité administrative en raison d’une faute de service (faute commise
par un agent identifié mais qui ne se détache pas de ses fonctions) ou d’une faute du service
(faute anonyme attribuée à l’ensemble du service).
Elle permet d’engager la responsabilité de
l’Administration en application des règles propres au droit public.
Cette division en deux
responsabilités présente le mérite de la clarté et de la simplicité.
Mais, ce qui constitue les
points forts de cette jurisprudence en sont également les points faibles.
Cet arrêt,
théoriquement satisfaisant, ne peut pas totalement s’accommoder à la réalité.
La faute
personnelle d’un agent lors de son service sera forcément liée à celui-ci, même de manière
infime, et inversement, une faute de ou du service résultera forcément du fait personnel d’un
agent.
La jurisprudence Pelletier met en place une « étanchéité » théorique entre la faute
personnelle et la faute de service qui ne résiste pas à la réalité des faits.
Il va donc falloir
trouver le juste milieu entre la faute personnelle et la faute de service afin que, d’une part, le
fonctionnaire ne soit pas paralyser à l’idée de savoir que sa moindre faute entraînera sa
responsabilité, et que, d’autre part, l’Administration ne soit pas déclarée responsable des
moindres faits et gestes de ses agents.
C’est ainsi que les cumuls de responsabilités civiles,
pour faute, entre l’agent et son service, ont permis de supplanter cette binarité de la décision
Pelletier en prenant en compte les liens jouant entre le fonctionnaire et l’Administration en
cas de fait fautif.
Bien que la théorie du cumul des responsabilités de l’agent et de l’Administration soit
l’une des plus connues du droit administratif, sa dénomination, certes pédagogique, trouve
rapidement ses limites lorsqu’elle est confrontée à la diversité des hypothèses qu’elle peut
inclure.
L’expression de cumul de responsabilités n’est en réalité, à l’origine, que la
conséquence de ce que la doctrine a nommé le cumul de fautes2 : deux faits fautifs coexistent
et sont à l’origine du préjudice de la victime, un fait personnel et un acte du service.
La
jurisprudence Anguet va alors être un « palliatif »3, « heurtant frontalement la dichotomie »4
1
TC, 30 juillet 1873, Pelletier, Rec.
117, concl.
David ; D.
1874, 3, p.
5, concl.
David.
CE, 3 février 1911, Anguet, Rec.
146 ; S.
1911, 3, p.137, note Hauriou.
3
J.
MOREAU, « Responsabilité des agents et responsabilité de l’administration », J.-Cl.
A.
fasc.
806, n°13.
2
5
de l’arrêt Pelletier, afin de mettre à la disposition de la victime le choix entre deux actions en
responsabilité, une contre l’agent devant les tribunaux civils et une contre la puissance
publique devant les tribunaux administratifs.
La victime peut aussi choisir d’engager
simultanément les deux responsabilités devant les deux ordres juridictionnels compétents.
C’est la conséquence théorique de cet engagement simultané qui met en exergue la
première limite au terme de cumul des responsabilités, à savoir que la victime pourrait obtenir
une double réparation.
L’expression de cumul de responsabilités, découlant d’une coexistence
de fautes, laisse à penser qu’un cumul d’indemnités peut être obtenu par le requérant, ce qui
est logiquement prohibé par le juge en vertu du principe de réparation intégrale 5.
Certains
auteurs, à l’image du professeur Jean-Pierre Dubois, préfèrent l’expression plus neutre de
« concours de responsabilités »6, qui laisse transparaître que la double-indemnité n’a pas lieu
d’être.
Pour autant, la notion de cumul de responsabilités ne doit pas être abandonnée, en ce
qu’elle permet de distinguer les situations où le dommage résulte soit d’une dualité de fautes,
soit d’une faute unique.
Le cumul de responsabilités, stricto sensu, est le prolongement du
cumul de fautes en ce qu’un fait unique puisse revêtir à la fois la qualification de faute
personnelle et de faute de service.
C’est ce que montre clairement l’espèce de la jurisprudence
Lemonnier.
Le cumul de responsabilités est également dit « intégral » lorsque la seule faute
personnelle détachable du service, mais non dépourvue de tout lien avec celui-ci, permet à la
victime de choisir, là encore, entre la responsabilité personnelle de l’agent ou la responsabilité
de l’Administration.
Le cumul des responsabilités est donc la conséquence commune à trois
types de dommages : l’un dû à un cumul de fautes, l’autre à un fait susceptible d’une double
qualification juridique et le dernier à une faute personnelle détachable non dépourvue de tout
lien avec le service.
La seconde limite au terme de cumul de responsabilités provient de la pratique qui a
découlé de cette théorie et qui a conduit à ce que soit recherchée de façon quasi automatique
la responsabilité de la puissance publique, si bien que l’on est passé d’un système de cumul à
un système de substitution de responsabilités.
Ainsi, la responsabilité personnelle de l’agent
laisse directement place à la seule responsabilité de l’Administration.
C’est d’ailleurs ce qu’a
concrétisé le législateur par, entre autres, deux lois.
La première, celle du 5 avril 1937, a
4
J-P.
DUBOIS, « Développement d’une responsabilité administrative du fait d’une faute personnelle », RRPP,
n°68.
5
CE, 26 juillet 1918, Epoux Lemonnier, Rec.
761, concl.
Blum ; RDP, 1919, p.41 note Jèze ; S.1918-1919, 3, p.
41 note Hauriou.
6
J-P.
DUBOIS, op.
cit., n°75.
6
substitué la responsabilité de l’Etat à celle du membre de l’enseignement public en cas de fait
dommageable de la part de ce dernier7.
La deuxième, du 31 décembre 19578, procède à une
substitution de la responsabilité de l’Etat à celle de son agent en cas de dommage causé par un
véhicule de l’Administration.
Comme cela a pu apparaître dans la typologie des situations conduisant à un cumul des
responsabilités, ne seront vus dans le cadre de cette étude que les cas de responsabilités pour
faute.
Cela revient à ne pas s’attarder sur des cumuls qui relèveraient de la responsabilité sans
faute, à l’image de la théorie du risque9 à propos des mineurs délinquants10.
D’une part, en
raison du risque spécial que le mineur délinquant peut faire courir à l’administré (risque dû à
la volonté du législateur de promouvoir des méthodes de rééducation libérale), le dommage
que reçoit le second du fait du premier engage la responsabilité sans faute de la collectivité
publique.
Et, d’autre part, si le mineur délinquant à l’origine du dommage a été confié à un
gardien, la responsabilité de celui-ci peut être reconnue11.
C’est l’arrêt de 2006....
»
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