Preface Art Yasmina Reza

« 1°1 Lundi 8 janvier 2024 Préface ART, Yasmina Reza Art de Yasmina Reza a été un immense succès dès sa création le 28 octobre 1994 au Théâtre des Champs Elysée.

Le lendemain, au journal télévisé de TF1, le présentateur désigne Art comme “l’une des pièces les plus drôles et les plus subtiles jamais créée à Paris”1.

L’année suivante, la pièce reçoit deux Molières, celui du meilleur spectacle de théâtre privé qui récompense à la fois la mise en scène et l’interprétation magistrale de cette création, et celui du meilleur “auteur” qui souligne la qualité l’écriture dramatique.

Aujourd’hui le texte est traduit dans plus de 35 langues et Art était en 2018 selon le journal Le Monde “l'œuvre dramatique française contemporaine” la plus jouée dans le monde.”2 La pièce met en scène trois amis, Serge, Marc et Yvan, dont l'amitié est mise à l'épreuve par l'achat d'une toile d’art contemporain.

Ce tableau blanc, du peintre fictif Antrios, devient le catalyseur de tensions et de discussions sur l'art, l'amitié et l'estime de soi.

À travers des dialogues vifs et incisifs, Yasmina Reza explore l'amitié offrant une réflexion humoristique sur les relations humaines. Pour ma part, j’ai d’abord lu la pièce, puis je l'ai vu, et je vous avoue que je ne me lasse pas d’y revenir ! A quoi cela tient ? Qu’est ce qui fait la qualité, l'humour et le succès de cette pièce ? Dans cette préface, je tenterai de vous donner quelques éléments de contexte et de présentation qui je l’espère vous aideront à apprécier encore davantage votre lecture. La qualité de la pièce tient tout d'abord au talent et à la personnalité singulière de son autrice : Yasmina Reza est une dramaturge, romancière et scénariste française, née le 1er mai 1959 à Paris d’un père architecte russe d’origine iranienne et d’une mère violoniste hongroise.

Dans un entretien qu’elle a accordé au journal l’Express, la dramaturge revendique le lien entre son milieu familial et son écriture “J’utilise des raccourcis, des formules très elliptiques qui viennent de ce maniement étrange de la langue que l’on pratiquait autour de moi,cette façon de dire les choses indirectement, cet 1 Archive INA, https://youtu.be/jMblVXR_dX8 2 Le Monde, 19 février 2018, https://www.lemonde.fr/scenes/article/2018/02/19/theatre-art-c-est-une-guerre-de-males-dominants_5 259030_1654999.html 1 humour” 3. Yasmina Reza a donc été bercé dans un foyer plutôt aisé ou l’art et la culture ont une place centrale.

Elle fait des études de sociologie et obtient sa licence en 1980.

C’est à ce moment-là qu'elle commence sa carrière de dramaturge.

Sa connaissance de l’art contemporain et son intérêt pour la sociologie se retrouvent tout particulièrement dans Art.

Le tableau blanc fait sans doute référence à l”oeuvre Carré blanc sur fond blanc, peinte en 1918 par Kazemir Malevitch.

Son intérêt pour la sociologie se retrouve dans les personnages Marc, Yvan et Serge qui incarnent des catégories sociales différentes.

Serge, dermatologue aisé et raffiné, symbolise la classe aisée, ayant acquis un tableau contemporain coûteux déclenchant le conflit.

Marc, ingénieur pragmatique et terre-à-terre, représente une classe sociale traditionnelle, remettant en question les choix artistiques de Serge.

Yvan, travaillant dans le commerce, adopte une attitude conciliante pour éviter les tensions, incarnant une classe sociale plus adaptable et flexible.

Ces trois personnages offrent des points de vue distincts non seulement sur l’art mais surtout sur la vie, nourrissant des débats et des conflits superficiels en apparences mais profonds sur le fond. Mais ce qui fait tout l'intérêt théâtral de ces échanges, c’est l’humour décrit par Y.Reza : “cette façon de dire les choses indirectement”. C’est une sorte d’ironie qui s'exprime à travers des sous entendus et des non dits.

Ce côté comique est développé à travers tous les personnages de manière différente.

Chez Marc, qui incarne la figure du réactionnaire “adepte du bon vieux temps”, on voit apparaître une ironie cynique, moqueuse voire méprisante. Chez Yvan, on remarque une autodérision qui colle parfaitement au personnage dominé par ses deux compères.

Serge incarne la figure du pince-sans-rire, il fait rire tout en restant impassible.

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