Pour BOURDIEU, "l'information fournie par la télévision" se résume "à peu près rien". Qu'en pensez-vous ?
Publié le 15/05/2020
Extrait du document
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Introduction
Chaque soir, à l'heure de la «grand-messe », selon certains, le journal télévisé attire un maximum detéléspectateurs.
Qu'y viennent-ils chercher ? Des preuves de ce qu'ils ont pu lire dans les journaux, le jour même ?Un complément d'information ? Et si, tout simplement, ils branchaient leur récepteur à seule fin de se distraire à lalumière des nouvelles du monde ? De toute façon, pour Pierre Bourdieu, « l'information fournie par la télévision » seréduit à «à peu près rien ».Un célèbre slogan publicitaire de Paris-Match revendiquait naguère pour ce périodique «le poids des mots, le chocdes photos ».
En est-il ainsi de l'information télévisée ? Nous verrons d'abord en quoi consiste l'impact de l'imagetélévisée, puis nous inquiéterons des dangers qui guettent son utilisation ; enfin, nous examinerons la logique duspectacle à laquelle elle obéit.
I.
L'impact de l'image télévisuelle
1.
Le monde en directUne représentation du monde : l'image permet de fixer rapidement un reflet des choses.
On a un aperçu instantanéde ce qui s'est passé, même si c'est à l'autre bout de la terre.
L'image imprime sa force de reproduction,apparemment exacte, de la réalité.Les envoyés spéciaux, sur place, donnent un compte rendu immédiat de l'événement, que l'on découvre en mêmetemps que s'imposent à nous les images.
Nous pouvons constater les réactions «à chaud » de telle partie du monde,par exemple en temps de guerre.
L'image prend valeur de témoignage sûr, en tout cas difficilement contestable.Les reportages proposent de faire le point sur telle ou telle question : le regard de l'équipe de journalistes, quel quesoit son souci d'objectivité, oriente cette question, faute de proposer parallèlement un reportage contradictoire.
2.
Une vision sélectiveLes impératifs du montage : le journaliste dispose d'un temps déterminé pour son intervention.
Il doit donc choisir lesimages qui lui paraissent les plus représentatives, supprimer ce qui lui semble inutile ou mal filmé.
Les contraintestechniques influent sur le montage et modifient par conséquent la teneur du reportage (par exemple, on préférera àune séquence très intéressante, mais filmée à contre-jour, une autre, moins forte, mais plus réussietechniquement).On offre peu d'images brutes à la télévision : toutes font l'objet de divers traitements, comme c'est le cas pour lesimages cinématographiques.
On coupe, on relie telle ou telle séquence, on ajoute telle autre, plus ancienne, onaméliore la qualité technique de la prise de vue ou de son.
C'est si vrai que l'on fait facilement la différence entre lesimages bien léchées de la télévision et un document amateur, seul témoignage visuel d'un événement (par exemple,la catastrophe aérienne de l'Airbus, à Habsheim).
3.
Le pouvoir de fascination des images téléviséesLa recherche de la beauté plastique dans tous les domaines ; l'image cherche à séduire, évite donc de montrer lalaideur, la saleté, l'ordure, la maladie, préférant les personnes qui « passent » bien à la télévision, ou encore lesendroits touristiques, qui font « rêver », bref, tout ce qui reluit et attire plutôt que ce qui repousse.Recherche de la vigueur et de la performance : on s'attachera à montrer des corps athlétiques, en plein effort,plutôt que des bedaines attristantes et des chairs flasques.
Le culte du sport propose à la population des modèles àimiter, tandis que l'on ne s'attarde pas sur les faiblesses physiques (ou morales), peu porteuses à la télévision.
C'estla force qui fascine, non la faiblesse.L'éloge de la vitesse : il faut du rythme à la télévision, dans les sujets que l'on choisit pour leur caractèreentraînant, mais aussi et surtout dans les images qui défilent à une telle vitesse que l'on a du mal à les retenir.
Latélévision impose au téléspectateur un rythme effréné qui finit par l'étourdir et par l'hypnotiser.
Transition«À peu près rien », selon Bourdieu, cela pourrait être ce flot d'images dont on a peine à fixer le contenu, de sortequ'obnubilé par ce vertige audio-visuel, le téléspectateur devient manipulable à merci.
II.
De l'information à la propagande
1.
La manipulation télévisuellePour reprendre un exemple récent, les guerres des Balkans ont provoqué une véritable empoignade médiatique, lesimages TV faisant foi de la progression ou au contraire du repli des belligérants, attestant le bien-fondé de telbombardement, jaugeant le moral des populations, sans que rien ne puisse vraiment assurer que ces imagesconstituaient un témoignage fidèle de la réalité du terrain.
Il était clair en tout cas que chaque camp cherchait àrécupérer les images filmées à son seul profit, les opinions évoluant sous l'influence de séquences filmées dont lesens ou le contenu n'était pas toujours évident..
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