portrait de "Gnathon", La Bruyère, Les Caractères
Publié le 22/05/2020
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Lecture complémentaire n°1 : « Gnathon », La Bruyère, Les Caractères, XVIIe Siècle
Introduction
Les Caractères, grand œuvre du moraliste La Bruyère, offre une riche galerie de portraits satiriques.
Si les lecteurs du XVIIe siècle voulaient y voir des allusions à des personnages réels de l'époque et
faisaient même circuler des « clés », ces portraits n'en restent pas moins des observations d'une
grande acuité dans lesquelles La Bruyère épingle différents vices de la nature humaine en général.
Ainsi, dans le chapitre « De l'homme », le moraliste dresse le portrait de Gnathon, un être
profondément égoïste, se comportant en goujat et méprisant autrui.
Le personnage prend une
dimension quasiment allégorique et permet à l'auteur de dénoncer, par le biais d'une caricature très
satirique, l'égocentrisme.
Comment La Bruyère procède-t-il pour mener la critique de ce défaut ?
Nous verrons dans un premier temps que Gnathon apparaît comme un être répugnant, avant
d'étudier ensuite son égocentrisme.
Enfin, nous observerons comment le portrait prend une
dimension générale.
I) Un être répugnant
1) Un goinfre
La Bruyère présente son personnage dans différentes situations de la vie courante et accorde en
particulier une grande attention au comportement de son personnage à table.
En effet, sa manière de
manger occupe plus de la moitié du texte et Gnathon apparaît d'emblée comme un être répugnant et
goinfre.
Il semble affamé et se remplit de nourriture sans arrêt et presque sans discernement, comme
le soulignent les phrases relativement longues et souvent composées de propositions simplement
juxtaposées : « il se rend maître du plat […] : il ne s'attache à aucun des mets […] ; il voudrait
pouvoir les savourer tous ».
De même, l'accumulation de verbes suivante suggère la rapidité de
Gnathon à s'emparer de la nourriture : « il manie les viandes, les remanie, démembre, déchire ».
Il
mange ainsi de manière mécanique, presque compulsive, et comme s'il n'allait jamais s'arrêter.
Alors
que le fait de se curer les dents signale en général la fin du repas, ce n'est pas le cas pour lui, comme
le souligne la chute de la phrase introduite par la conjonction de coordination « et » : « et il continue
de manger ».
En outre, Gnathon se nourrit de façon répugnante.
Il mange avec les mains, fait couler
les sauces partout et manque totalement de discrétion comme l'indique l'expression redondante : « il
mange haut et avec grand bruit ».
En fait, il est assimilé métaphoriquement à un animal : « la table
est pour lui un râtelier ».
Ainsi, à table, Gnathon apparaît déjà comme un personnage fort mal élevé
et sans gêne, ce que confirme de façon générale tout son comportement.
2) Un homme sans gêne ni scrupule
Certes, Gnathon est un personnage riche, qui a des valets et voyage en carrosse, cependant, cette
aisance ne fait qu'exacerber un caractère insupportable.
Il s'approprie tout ce qui l'entoure, y
compris ce qui n'est pas à lui, comme le souligne le champ lexical de la possession avec les termes :
« maître », « se conserver » ou la répétition de propre : il « fait son propre de chaque service », «
tout ce qu'il trouve sous sa main lui est propre ».
Ainsi, il se comporte presque en voleur,
s'accaparant aussi bien les plats que les objets ou même les valets des autres.
Par ailleurs, il exige
pour lui-même ce qu'il y a de mieux.
La thématique de l'espace revient régulièrement dans le texte.
L'adjectif ordinal : « la première place », la négation exceptive : « il n'y a […] que les places du
fond qui lui conviennent » et la répétition du superlatif : « il sait toujours se conserver dans la
meilleure chambre le meilleur lit » mettent en valeur le fait que non seulement Gnathon occupe
l'espace sans aucune gêne mais qu'en plus il lui faut systématiquement une place de choix, au
détriment des autres.
Pour cela, Gnathon est d'ailleurs prêt à mentir comme le suggère.
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