Pierrelatte

« 1 / 2 19 aoOt 1964 Série N• 6 Fiche N• 66 Pierrelatte 1.

L'usine de séparation isotopique de Pierrelatte couvre une superficie de 350 hectares.

Elle occupe à l'heure actuelle 8600 personnes (mais n'en occupera que 5000 quand elle fonctionnera normalement, à partir de 1967).

Sa construction coûtera plus de 5 milliards de francs.

L'usine reviendra à 500 millions de francs par an à partir de 1967.

2.

L'usine, qui a été créée pour assurer à la France son autonomie dans le domaine nucléaire militaire (l'uranium enrichi américain n'est vendu que s'il est utilisé à des fins pacifiques), comprend quatre usines (basse, moyenne, haute et très haute) qui enrichiront progressivement J'uranium jusqu'à plus de 90 Ofo.

Leurs mises en service s'échelonneront depuis la fin de l'été 1964 (plein démarrage de l'usine basse), jus­ qu'en 1967 (démarrage de l'usine très haute).

3.

Pierrelatte sépare l'uranium par diffusion gazeuse.

L'unité élémentaire de l'usine, appelée étage de séparation, comprend: Un compresseur qui met le gaz en mouvement.

Sa mise au point (CEA et Hispano­ Suiza) a demandé sept ans.

Un échangeur de température qui met le gaz à la température voulue (entre 70 et 120 degrés; la température exacte est tenue secrète).

Un diffuseur comprenant les barrières poreuses de séparation; le ciiamètre des pores est égal à la longueur d'onde de la lumière, soit 1/100 000 mm.; il y en a plus d'un milliard au centimètre carré.

4.

L'emploi de l'hexafluorure d'uranium, très réactif, a exigé un choix de matériaux particulièrement onéreux.

Les canalisations sont faites en aluminium soudé.

En tout, 20 000 pièces d'aluminium soudé seront utilisées pour la construction des quatre usines.

Alors que le kilogramme de chaudronnerie classique revient à 14 francs, à Pierrelatte il faut compter 36 francs.

La précision, l'étanchéité, la qualité de la tuyauterie, ont donné naissance à l'expression: «Pierrelatte, c'est un cauchemar de plombier." Ces exigences ont nécessité également l'installation d'un atelier de contrôle exceptionnel: «A l'échelle de l'usine, la trace d'un pouce est inacceptable ...

5.

L'uranium enrichi de Pierrelatte servira à des fins strictement militaires: combus­ tible pour les sous-marins atomiques (un réacteur pour sous-marin est actuellement expérimenté à terre avec de l'uranium enrichi américain) ou pour bombe thermo­ nucléaire (une bombe atomique à uranium enrichi servira sans doute d'amorce à la fusion du deutérium dans la bombe à hydrogène française).

6.

La reconversion de Pierrelatte à des fins civiles est techniquement possible.

Mais son uranium enrichi coûtera deux fois plus cher que celui produit dans les usines américaines.

D'autre part, les centrales nucléaires françaises utilisent comme com­ bustible de l'uranium naturel.

Pierrelatte risque donc d'avoir le même sort que l'usine anglaise de Capendhurst, qui, après avoir alimenté la force de dissuasion britannique, va sans doute fermer sous peu, faute de débouchés civils. 2 / 2. »