Pierre Séguier
Publié le 16/05/2020
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Pierre Séguier1588-1672
Parmi les grands commis qui durent à la monarchie française du XVIIe siècle l'illustration de leur nom et l'éclat de leurfortune, Pierre Séguier n'apparaît pas, avec le recul du temps, comme un homme de premier plan.
Aucun servicepublic ne resta durablement marqué par son empreinte, aucune "réformation" ne fut même esquissée par cetadministrateur plus prudent qu'éclairé.
C'est sans doute par d'autres traits que son destin fut exemplaire.
Mieux qu'aucun autre il représenta un certainmilieu social et une conception très unitaire du monde que préparait toute une tradition familiale.
Dans ces maisonsde grands robins, dont l'ascension avait duré près d'un siècle sous l'ombre tutélaire de la monarchie et des famillesprincières, le service de Dieu et celui du roi se combinaient tout naturellement avec l'âpre souci de construire unefortune et de se constituer une clientèle.
Quand Pierre Séguier reçut en 1633 la garde des Sceaux, sa promotion nefut pas, pour les contemporains, choix scandaleux ou novateur.
C'était moins un personnage qu'une famille dont onconsacrait les services passés et présents.
Cette famille ne méritait ni les panégyriques ni le dénigrement qu'une double et contradictoire légende lui fit subirdès la fin du XVIe siècle.
Que les Séguier eux-mêmes — et singulièrement le chancelier — aient cherché à s'ancrer leplus loin possible dans le passé et dans la plus authentique noblesse, nous le savons aujourd'hui grâce à denombreux documents.
Il s'agissait pour les Séguier de Paris de se rattacher à une famille languedocienne du mêmenom dont la noblesse est prouvée dès le XIIe siècle.
Il ne faut, à l'inverse, attacher aucun crédit à tel "pasquil" de laLigue qualifiant le père du chancelier de "petit-fils de mercier".
Trop d'honneur ou trop d'indignité : tel était le destinqui menaçait toute lignée sortant du commun.
"Messieurs les Séguier" venaient en réalité d'une famille de Saint-Pourçain en Auvergne, incrustée dans le hautcommerce parisien dans le dernier quart du XVe siècle.
Ces marchands apothicaires et épiciers virent s'ouvrirfacilement à eux les offices municipaux (l'Hôtel de Ville) et royaux (le Châtelet et le Parlement) de la capitale.
Desmariages fructueux et d'interminables procès leur donnèrent accès aux seigneuries.
Le grand-père du chancelier,Pierre Ier Séguier, fut le véritable artisan de leur réussite.
Avocat au parlement dès 1532, avocat général du roi en1550, président à mortier en 1554, il mourut en 1580 baron de Saint-Brisson, seigneur d'Autry et de Sorel.
Il avaitsolidement installé ses fils et ses gendres dans les plus grands offices des cours souveraines et constitué unevéritable dynastie.
Né en 1588 — quelques jours après les barricades qui chassèrent Henri III de Paris —Pierre Séguier était le fils deJean, seigneur d'Autry, le benjamin de la famille du président — et de Marie de Tudert.
Mariage "assorti", dirions-nous aujourd'hui, puisque les Tudert, parents des Hennequin et des Molé, appartenaient comme les Séguier à la finefleur de la robe.
Mariage précocement brisé, car le lieutenant civil Jean Séguier, qui s'était dévoué pendant la guerrecivile à la cause d'Henri IV, fut enlevé par la peste en 1596.
Mais ce foyer était riche de traditions bien enracinées.
Une fidélité sans défaillance à la maison royale : les Séguiern'attendirent pas la conversion d'Henri IV pour se ranger sous sa bannière.
Une foi catholique sans ambiguïté niirénisme.
Marie de Tudert prendra le voile en 1614 au couvent des Carmélites du faubourg Saint-Jacques, où elleretrouvera sa belle-sœur Louise Séguier, mère du futur cardinal de Bérulle.
C'est dans ce milieu tout imprégné de laRéforme tridentine que grandit Pierre Séguier.
Nous le voyons apparaître, au hasard d'un texte de notaire, en 1609.
Il a alors vingt et un ans et s'intitule "Noblehomme Maître Pierre Séguier, seigneur d'Autry, avocat au Parlement".
Trois ans plus tard, il achète à l'un de sescousins un office de conseiller au Parlement, moyennant dix-huit mille écus que lui avancèrent sa mère et son oncle,Antoine Séguier.
Ce fut toujours grâce à la protection de cet oncle qu'il devint, en 1618, maître des requêtes del'Hôtel.
On sait l'importance de cette fonction.
Non seulement c'était un office qui comportait des gages recherchés,mais c'était dans les rangs des maîtres des requêtes que le roi choisissait les commissaires qu'il envoyait, sous lenom d'intendants, dans ses provinces.
Dès 1621, le duc d'Éperon lui fit obtenir des commissions d'intendant dejustice en Auvergne et d'intendant à son armée.
En 1624, Antoine Séguier résigna en sa faveur sa charge deprésident à mortier au Parlement de Paris moyennant une somme très inférieure à la valeur réelle de cet office.
Lepas décisif dans ce cursus honorum est franchi en 1633 : après la disgrâce du garde des Sceaux Châteauneuf,Pierre Séguier lui est substitué.
Moins de trois ans plus tard — en décembre 1635 — il remplaçait d'Aligre dans laplus haute charge de la Couronne : l'office inamovible de chancelier de France.
A quarante-sept ans, il accédait à laplus haute fonction de l'État.
Sa fortune et sa place dans le tissu complexe des "dignités" que connaissait la société française avaient bénéficiédu même bonheur.
Dans ces grandes familles de robe, le mariage, on le sait, était déterminant.
Le choix que fitPierre Séguier lorsqu'il épousa, en 1614, Madeleine Fabry surprit ses contemporains.
Appartenant à une familled'officiers de second rang, qui comptait dans son sein des procureurs et des marchands, l'épouse ne contribuait pasà rehausser le prestige des Séguier.
On comprend les sarcasmes d'un Tallemant des Réaux.
Mais les Fabryaccordaient une dot de quatre-vingt mille livres et, dans les années suivantes, avancèrent des sommes quicompensaient l'inégalité des "rangs".
Ce fut pourtant l'accès aux Sceaux qui marqua le véritable point de départ desa fortune : la monarchie rétribuait de mille façons ses grands serviteurs.
Le mariage de sa fille aînée, Marie, nouspermet de mesurer l'imbrication étroite des avantages matériels, du prestige social et des liens de clientèle.
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