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Pierre Louis

Publié le 16/05/2020

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« Pierre Louis1787-1872 Deux personnages éminents en médecine ont porté ce nom.

L'un était chirurgien, le baron Louis.

L'autre ne fut quemédecin et l'ingratitude des générations ne lui a que rarement rendu hommage.

Et pourtant il a fait partie, à la suitede Bayle et de Laennec de ce petit groupe de médecins du XIXe siècle qui ont créé la pathologie moderne.

Lui-même, le premier et presque seul contre tous, en a exposé les méthodes. Il était né le 14 avril 1787, à Ay en Champagne, d'une famille de petite bourgeoisie, se composant de notaires etaussi de vignerons.

Son père, négociant en vins, mourut trop tôt (il n'avait que cinq ans) pour avoir sur lui lamoindre influence.

Pas d'influence maternelle non plus : sa mère, remariée presque immédiatement, laissa sesenfants aux soins d'une belle-sOeur qui, entraînée elle-même dans l'émigration à la suite du comte de Saint-Priest,laisse le jeune Pierre-Charles-Alexandre se débrouiller comme il pourra. Il fait tout de même des études classiques suffisantes, devient clerc d'avoué, lâche le droit pour passer à lamédecine, la commence à Reims et la termine à Paris, passe une thèse sans éclat en 1813, à vingt-six ans, chercheà se créer, dans le quartier Saint-Honoré, une clientèle médicale qui ne vient pas et, en 1814, part pour la Russie, àla suite d'un des fils du comte de Saint-Priest, qui est passé au service du tsar et vient d'être nommé gouverneur dePodolie.

Une fois arrivé en Russie, il cherche à nouveau sa voie, finit par s'installer à Odessa où il "réussit bien", augré de l'opinion mais pas à son gré, car il se rend compte des défauts de son instruction médicale.

Pour lacompléter, il rentre à Paris, en 1820 Il y arrive sans argent, sans clientèle, mais avec ce que nous appellerions un"goût de la recherche" insatiable, auquel il sacrifie tout.

A peine arrivé, il endoctrine Chomel. Entre la carrière de ces deux hommes, tout est contraste : Chomel a été, dès ses débuts, un "fort en thème" ;succès scolaires éclatants, internat, médaille d'or, agrégé à trente-cinq ans.

Louis n'a pas pu être interne parce qu'ilétait physiquement trop débile pour affronter les concours.

En 1820, il fait figure de "raté" et, pourtant, il se faitaccueillir "au pair" dans le service de Chomel, où il est complètement hébergé et où, pendant six ans, il prend toutesles observations (il passait deux heures à prendre une observation !), fait toutes les autopsies, créant ainsi desarchives cliniques pour le service qui l'a accueilli, et un trésor de documents pour lui-même. De ces documents sont sortis bien des livres, quelques-uns oubliés, comme les Recherches anatomiques etpathologiques sur plusieurs maladies aiguës (1826), d'autres qui sont restés, comme les deux volumes deRecherches sur la fièvre typhoïde (1828) complétant souvent, contredisant parfois les travaux sur la Dothiénentériedu grand Bretonneau et, surtout, les admirables Recherches sur la phtisie pulmonaire (1829).

C'est la partie de sonOeuvre qui reste la plus intéressante.

D'abord parce qu'il a établi les fameuses lois de Louis.

Le début de latuberculose pulmonaire dans les régions apicales du poumon, sa propagation du sommet à la base, c'étaient là desvérités peut-être éclatantes, mais dont personne ne s'était avisé.

Depuis, elles sont devenues un des fondementsde la clinique phtisiologique. Une autre loi dont ses autopsies lui montraient l'évidence, c'est la nécessité d'une atteinte pulmonaire avantl'apparition de tout foyer tuberculeux extra-pulmonaire.

Complétée par les découvertes de Gueneau de Mussy et deParrot, elle devait aboutir à la notion du complexe primaire ganglio-pulmonaire. Mais si ce livre est si riche, c'est que son auteur a créé une autre loi médicale, une loi de technique clinique, cellede l'observation complète : la nécessité de tout examiner du malade, si évident que soit le diagnostic prima facie.Cela donnait déjà à Louis des succès cliniques étourdissants.

Très appelé en consultation, parce que, dit uncontemporain, "il discute avec dignité et convenances les opinions émises avant les siennes, qu'il cède aisément àl'évidence et ne cherche jamais à faire prévaloir son avis par des manières hautaines", il était réputé pour sonpronostic infaillible.

N'avait-il pas, six semaines à l'avance, annoncé la mort de Balzac à son jour et à son heure ?N'avait-il pas déclaré son propre fils perdu à un an d'échéance, malheureusement vérifiée ? Cet excellent clinicien ne se laissait pourtant pas aveugler par la valeur de la "belle observation".

Lui qui avait crééla Société médicale d'observation, s'était inscrit en faux contre l'aphorisme de Morgagni : non computandOe sedperpendOe sunt observationes.

On le donne justement comme créateur de la "méthode numérique", introducteur dela statistique en médecine. C'est peut-être un défaut de son esprit que de n'avoir pas saisi la valeur de l'instantia crucis de Bacon, l'observationqui dirige vers des voies inexplorées tout un train de recherches scientifiques.

Mais c'est un grand mérite d'avoirmontré l'intérêt qu'a l'accumulation d'un grand nombre de faits de même type, et celui de leur fréquence relative. Son travail l'avait absorbé et il ne pensait pas à autre chose, pas même à se créer un foyer.

C'est seulement àquarante-cinq ans passés qu'il songeait à se marier, dans une famille de l'aristocratie française, où il avait étéprésenté par Magendie comme médecin.

Sa femme lui donnait un fils mort jeune (à dix-huit ans) et par la suite, seconsacrait uniquement à son mari pour lui faciliter sa tâche, pour rendre son intérieur plaisant et accueillant auxamis et aux élèves qui lui étaient chers.

Louis vieillit lentement, longuement, et il eut les déboires de la longévité :perdre un par un ses amis les plus chers, ses élèves les meilleurs, et survivre, avec des facultés déclinantes, pourvoir peu à peu son Oeuvre oubliée et ses préceptes négligés.

Il mourait à quatre-vingt-cinq ans, entre les bras desa femme et de son élève Woillez.. »

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