Pierre le Grand
Publié le 16/05/2020
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Pierre le Grand
Des grands souverains dont les règnes paraissent marquer, dans la suite des temps, une étape décisive, Pierre Iern'est sans doute pas le plus glorieux, mais assurément le plus singulier, le plus original.
Ce géant barbare, à peinedégrossi par une éducation hors les murs du Kremlin, animé d'un besoin constant d'action et de mouvement, soumisà des exigences impérieuses et multiformes du corps, mais doué d'une vive intelligence et pénétré des devoirs de sacharge, s'est voué au service de l'État ; héritant un royaume arriéré, contesté, considéré encore à l'aube du XVIIIesiècle par les Occidentaux comme à demi asiatique, il le transforme, lui impose les bases administratives, militaires,financières, économiques, d'un État moderne, lui assure une authentique indépendance et le soude à l'Europe.
Né en 1672, souverain théorique en 1682, gouvernant effectivement à partir de 1689, Pierre Ier est mort en 1725,après une trentaine d'années règne extraordinairement rempli d'événements, de guerres victorieuses et aussid'échecs, et de décisions légales si nombreuses qu'elles forment plusieurs lourds volumes du Polnoe SobranieZakonov (Recueil complet des lois).
Cette création foisonnante, où les textes mort-nés ne manquent pas, ne doitcependant pas faire oublier que Pierre le Grand a recueilli un héritage, qu'il a souvent repris des projets anciens, quela Russie de la fin du XVIIe siècle, par son évolution spontanée, apportait au tsar une base sur laquelle pouvaient semanifester ses surprenantes qualités d'homme d'action, de réalisateur.
Aussi bien le personnage est au centre d'une double controverse qui, née déjà pendant son règne, a nourri depuisdeux siècles une volumineuse bibliographie où se succèdent, se recoupent et s'opposent les jugements les pluscontradictoires concernant l'importance de son rôle dans l'histoire de la Russie, et les caractères de son œuvre.Pierre le Grand a-t-il été une "figure de proue", un de ces "héros" qui font l'histoire et secouent les chaînes du passé? Et s'il est vrai que son action a été décisive, n'a-t-il pas, en rapprochant par ses institutions la Russie del'Occident cette "occidentalisation" fût-elle partielle renié des valeurs traditionnelles et originales qui méritaient devivre et de se développer ?
Pouvoir politique, économie, structure sociale, religion contribuent à singulariser la Russie qui n'est sortie de sonisolement européen qu'à partir du XVIe siècle et, au XVIIe siècle encore, apparaît bien fruste dans l'ombre du brillantÉtat polonais.
Mais tout va changer sous le règne de Pierre le Grand.
La Russie, par ses victoires sur la Suède, ouvreune fenêtre sur la Baltique, devient une puissance maritime et institue un début de protectorat sur son voisinpolonais ; elle se donne une industrie métallurgique, multiplie ses manufactures et développe son commerce directavec l'Occident.
Elle améliore son administration, forme des cadres bureaucratiques, fait de la noblesse uninstrument plus soumis au pouvoir et, par la suppression du Patriarcat, élimine la seule puissance morale qui pouvaits'opposer au tsar.
Elle crée une armée moderne, une flotte, une nouvelle capitale au nom symbolique : Pétersbourg.Par la fondation d'une Académie, à la veille de la mort de Pierre, elle montre que désormais elle entre dans le concertdes États européens policés et cultivés.
En face d'une telle mutation, l'historien doit reconnaître qu'il ne s'agit pas là seulement d'une floraison spontanéed'institutions, d'une étape devenue nécessaire dans le cours d'une évolution conditionnée par des conditionsgénérales nouvelles.
Il y a fallu l'intervention d'un homme, accélérateur de l'histoire, pour réaliser de tellestransformations.
Tout est singulier, d'ailleurs, dans la vie, l'action, le comportement du tsar "réformateur".
Ayant reçu jusqu'à dix ansl'instruction habituelle des fils de souverain où se mêlaient la lecture des Évangiles et les récits glorifiant le passé dela Russie, voici que le coup d'État de sa sœur Sophie Alexeevna en 1682 l'écarte du Kremlin et en fait un enfantordinaire lâché dans la banlieue de Moscou, peu surveillé, fréquentant les enfants de son âge, de toute catégorieRusses et étrangers, et formant avec eux des bandes "d'amuseurs", jouant à la guerre, équipés, et devenant bientôtde véritables formations militaires.
Pierre a grandi ; il mesure deux mètres.
C'est une force de la nature.
Il aime travailler de ses mains, construire,fabriquer ; et des livres ne l'intéressent que ceux qui traitent de sujets techniques et surtout d'art militaire, defortifications, de navigation.
Tout entier dans l'action présente, il s'irrite des échecs, s'emporte, devient facilementbrutal et grossier.
Cependant, ce nerveux, qui peut s'effondrer en larmes, a une volonté puissante, tendue vers unbut qui est la gloire et la puissance du souverain, de l'État.
Non une gloire personnelle, faite d'orgueil et d'exigencesd'apparat, car nul souverain n'a été plus simple, moins soucieux d'étiquette, moins rebelle aux tâches les pluscommunes.
Écarté du pouvoir, il n'en a pas moins été l'enjeu de coteries familiales.
Et c'est l'une d'elles, celle desNarychkine, qui lui permet en 1689, avec l'appui de ses deux régiments "d'amuseurs", de renverser le gouvernementde Sophie et de régner effectivement.
Pierre le Grand a fait constamment la guerre.
Mais ses victoires décisives sur la Suède, qui ont permis d'affirmer lapuissance de l'État russe face à ses voisins occidentaux et d'installer sur la Baltique le port de Pétersbourg, ontmarqué deux périodes de son règne.
Les réformes fondamentales sont postérieures à la bataille de Poltava qui ascellé le destin de la Suède (1709), bien avant le traité de Nystadt (1721) confirmant la possession des rivesbaltiques.
La première décade de son règne est absorbée par des opérations militaires difficiles.
Par un paradoxe apparent, lesmesures les plus spectaculaires se rapportent à cette période, celles qui lui ont fait la réputation d'homme impie,.
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