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Pierre Gascar, La forêt humaine.

Publié le 02/07/2020

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« L'enfant représente le capital de pureté, d'innocence et d'instinctif génie qui nous était donné au début de notre existence. Qu'est-il devenu? Constat d'échec, blâme muet. Chacun de nous s'invente un Eliacin 1 réprobateur, afin de pouvoir attribuer à son inconséquence, à ses défauts, ce qui n'est dû souvent qu'à sa médiocrité. On préfère avouer qu'on n'a pas, par légèreté, tenu les promesses de son enfance plutôt que de supposer qu'elle n'en offrait pas. Indéterminée, riche de potentialités infinies, l'enfance jouit, à nos yeux, d'un prestige auquel la littérature des cent cinquante dernières années n'est évidemment pas étrangère. L'état de confusion qu'elle représente s'assimile aisément au sublime. L'imbécile de cinquante ans aime à se montrer traînant derrière lui la dépouille d'un ange. Cette poétisation systématique de l'enfance, qui, si elle nous fait éprouver de l'accablement, à l'heure du bilan, enrichit cependant a posteriori notre existence, a naturellement pour effet d'augmenter notre amour des enfants. Depuis quelque temps, notre civilisation en a fait une de ses premières caractéristiques, comme si elle y cherchait sa réhabilitation. Sans doute l'extension de la culture et l'amélioration des conditions de vie matérielles, qui entraînent un adoucissement des mœurs, expliquent-elles cette espèce d'inflation affective. Il faut en voir aussi la cause dans le culte de la vie à l'état brut, auquel notre mode d'existence, de moins en moins naturel, nous porte. Physiquement, moralement, l'enfant est vrai et pur, dans un monde où ces adjectifs deviennent, chaque jour, d'un emploi plus difficile. Enfin, il faut revenir sur ce point -, si l'on replace l'amour des enfants dans l'Histoire, on s'aperçoit que sa courbe ascendante suit celle de l'embourgeoisement (ce mot n'étant pas forcément pris ici dans son meilleur sens). L'aristocratie (voir Saint-Simon) et le xvin» siècle, avant 1789, n'apportent aucune sensiblerie dans l'éducation des enfants (voir Émile et l'Encyclopédie}; la Révolution se préoccupe surtout de leur instruction, de leur formation politique et rêve, sans trop l'avouer, de faire d'eux de petits Spartiates. Ce n'est que sous Louis-Philippe qu'apparaît le négociant enrichi qui passe tous ses caprices à sa fille et l'appelle « cocotte» (voir Balzac). Certains censeurs, montrant les conséquences dangereuses, à leur avis, de l'indulgence extrême qui est aujourd'hui de règle à l'égard des enfants, parlent d'une démission des parents. Mais ce n'est peut-être pas là où ils la voient qu'elle est le plus regrettable. Le culte excessif de l'enfant recouvre souvent une démission civique. L'enfant devient, pour les parents, la justification d'un repliement sur des valeurs individuelles, domestiques, sur le foyer, le refuge bien clos, vers lesquels les portaient, en fait, leur pusillanimité et leur égoïsme. D'où cette contradiction, cette inconséquence : ils s'emploient à préparer le mieux possible l'enfant et à affronter un monde qu'il savent difficile, mais ils négligent d'essayer simultanément d'améliorer celui-ci. Je ne sais si trop d'amour risque de conduire les enfants à trop d'exigences et si trop de soins les corrompt. On pourrait craindre surtout que l'empressement de leur entourage ne finisse par empêcher ou freiner le développement de leur imagination. C'est toujours contre une certaine solitude qu'on invente. Parler, comme on le fait communément, de l'immaturité de la jeunesse présente, est, à cet égard, plutôt rassurant, car le terme d'immaturité sous-entend l'irréalisme et la dominance du rêve, de l'imagination. Celle-ci est pourtant exposée à de nombreuses menaces : remplacement du geste créateur par l'action mécanique, développement des moyens de communication audio-visuels qui invitent à recevoir et non à concevoir, facilité des déplacements, qui dépouille le monde de ses secrets... On pourrait découvrir dans notre société et, en particulier, dans notre système d'éducation, d'autres atteintes à l'autonomie de l'enfance, à son originalité. Et pourtant, celles-ci restent intactes. Miraculeusement. C'est là un des fait les plus réconfortants de notre époque. Le comportement des enfants d'aujourd'hui, tel que nous pouvons l'observer, reproduit fidèlement celui qui était le nôtre, il y a quarante ou cinquante ans, et ne diffère guère de celui des enfants des siècles passés, autant que les documents anciens, assez rares sur ce sujet, nous permettent de le connaître. A l'époque des jouets téléguidés, des sports de la mer et de la neige, de la télévision pour tous, plusieurs des quelque deux cents jeux de Gargantua énumérés par Rabelais sont encore quotidiennement pratiqués, et si les mots qui désignent leurs règles ou leurs différentes phases ont changé depuis quatre cent cinquante ans, ils relèvent du même ésotérisme2 enfantin qu'alors, résultent des mêmes procédés d'invention verbale. Dans les noms des jeux que Rabelais cite, en s'en délectant, nous reconnaissons la déformation inimitable que les enfante d'aujourd'hui continuent de faire subir aux mots, ou les accouplements auxquels ils les contraignent, afin de les faire totalement leurs. Nous sommes ici dans un monde immuable, éternel. Le tracé du jeu de marelle, que nous foulons sur le trottoir, est une figure du Moyen Age, non pas d'un Moyen Age reconstitué, mais d'un Moyen Age toujours vivant. Pierre Gascar, La forêt humaine. L'épreuve comprend deux parties : 1. Vous ferez d'abord de ce texte, à votre gré, un résumé (en suivant le fl du développement) ou une analyse (en mettant en relief la structure logique de la pensée). Vous indiquerez nettement votre choix au début de la copie. 2. Dans une seconde partie, que vous intitulerez discussion, vous dégagerez du texte un problème qui.offre une réelle consistance et qui vous aura intéressé. Vous en préciserez les éléments et vous exposerez vos vues personnelles sous la forme d'une argumentation ordonnée menant à une conclusion. ...»

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