« Photographier, c'est conférer de l'importance » écrit Susan Sontag dans Sur la photographie (1983).C'était sans doute vrai autrefois lorsqu'une famille exposait avec fierté les deux ou trois portraits réalisés au cours d'une vie entière. On peut se demander si Susan Sontag a raison aujourd'hui alors que la photographie s'est banalisée et que nous vivons dans un monde rempli d'images.Qu'en pensez-vous ?
Publié le 15/05/2020
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« Photographier, c'est conférer de l'importance » écrit Susan Sontag dans Sur la photographie (1983).C'était sans doute vrai autrefois lorsqu'une famille exposait avec fierté les deux ou trois portraits réalisés au coursd'une vie entière.
On peut se demander si Susan Sontag a raison aujourd'hui alors que la photographie s'estbanalisée et que nous vivons dans un monde rempli d'images.Qu'en pensez-vous ?
Dans le cortège des grandes innovations techniques du siècle, on doit compter la photographie.
Que de progrèsparcourus depuis les premières plaques, les longues séances de pose, les portraits figés que le photographe Nadarnous a légués de Victor Hugo, de Baudelaire, de Nerval parmi tant d'autres.
Aujourd'hui l'appareil photo, avec sondiminutif familier, s'est démocratisé : instamatics, appareils jetables sont dans toutes les familles et dans toutes lesmains.
Cela a-t-il une incidence sur la valeur accordée à l'image, à la photographie qui en résulte.
Susan Sontagécrit en 1983 que Photographier, c'est conférer de l'importance.
» Dans une civilisation de l'image, est-ce si sûr ?Nous verrons en quoi la photo peut avoir perdu de son prestige et également comment elle continue à jouer un rôlesocial, historique et artistique.la dissertation littéraireLes progrès techniques dans le domaine de la photographie expliquent en grande partie qu'elle ait perdu de sonprestige.
D'abord invention tâtonnante, l'art de saisir une image n'est réservé qu'à quelques spécialistes.
Du domainedes inventeurs, elle passe ensuite aux mains des professionnels : c'est l'époque (fin du )(Dr siècle et début dunôtre) des ateliers de photo où l'on va se faire photographier lors des grands moments de la vie sociale et religieuse.De cette époque datent les photos des bébés allongés sur la peau de chèvre, des petits enfants posant, la mainappuyée sur un pilastre ou une pile de livres, des communiants « saisis » en prière, des mariés, des appelés auservice national...
La photo se donne alors pour but de commémorer un instant unique, par conséquent mémorableau sens étymologique du terme.Le coût de l'opération et la rareté des occasions en rehaussent la solennité, de même que le travail artistique duphotographe.
Les poses sont longues (pour des raisons techniques d'ouverture du diaphragme) soigneusementétudiées de même que le décor du studio (car on photographie très rarement en plein air) et les retouchesnombreuses : teintes sépia, flou en ovale autour du groupe...
Telles sont les images pieusement conservées dansles énormes albums photographiques cadenassés des familles bourgeoises ou plus simplement dans d'anciennesboîtes alimentaires métalliques chez les plus pauvres.Aujourd'hui, la photographie n'est plus la seule affaire des spécialistes, ni même des adultes.
Quel enfant partant encolonies de vacances, en classe de nature ou en séjour linguistique n'emporte pas avec lui un appareil relativementpeu coûteux et de maniement très simplifié ? Aussi use-t-on de la pellicule, très différemment.
A la pose solennelle asuccédé la photo naturelle, spontanée et le plus souvent de plein air.
On mitraille le pays visité, le nouveau-né, onimmortalise chaque Noël, chaque anniversaire, chaque classe dans les écoles ou chaque enfant à la crèche...
Descohortes de touristes, le visage caché derrière leur appareil, font la même photo des monuments les plus célèbresde la planète : il suffit de voir les groupes agglutinés à Paris, à Athènes, à Rome et dans toutes les capitales !Corollaire économique : les magazines spécialisés dans la vente des appareils, des pellicules, des développementsdes photos et des diapositives, les revues bourrées de conseils pratiques et artistiques se multiplient à l'infini.
Tout le monde photographie tout.
Ceci va avec notre civilisation de l'image : grandes affiches apposées sur les murs desvilles, images télévisées, manuels scolaires où l'iconographie est plus importante que le texte parfois réduit àquelques titres.
Notre siècle est un gigantesque réservoir d'images.
De ce fait, l'image peut parfois perdre de son impact.
Regarde-t-on par exemple souvent les photographies prises envoyage ? Ne peut-on même pas dire que beaucoup de touristes voient mal le pays à cause de leur obsession dephotographier ? Certains visitent en effet l'oeil rivé à l'objectif.
Abreuvés d'images, nous en sommes parfois blasés.Nous admettons les photos de la famine, de la sécheresse diffusées pendant l'heure de grande écoute, c'est-à-dirependant les repas.
Pour des raisons pratiques (techniques et financières), morales également, la photo a perdu de son importance.
Ellepeut cependant jouer encore un grand rôle.
La photo, par sa nature même, arrache au réel informe, qui s'écoule comme un flux ininterrompu, quelques parcellesde réalité, quelques instants qu'elle fige et qu'elle éternise.
Photo-souvenir, photo-témoignage, photo et réel,photo-artistique : autant de fonctions qu'elle continue d'assumer dans une société en proie à l'inflationiconographique.
La photo éternise ce qui pourrait s'oublier, elle double le souvenir dont elle présente une réalité tangible.
Dans lesfamilles, dans le tissu des relations humaines, on lui demande toujours de jouer ce rôle.
Ainsi s'explique que lesparents photographient l'évolution de leurs enfants, qu'ils comparent avec des photographies d'eux au même âge.
Laphoto des disparus acquiert d'autant plus d'importance.
On peut à ce propos se rappeler la chapelle ardente ornéede photos que consacre le héros de La Chambre verte de Truffaut à ses camarades disparus pendant la Grande Guerre.
C'est pourquoi l'amateur continue de photographier bébés, enfants, baptêmes, communions, mariages,vacances, Noëls, fêtes familiales diverses afin de constituer ces « actualités personnelles », terreau et ciment de lafamille et de la vie en commun
En passant du niveau familial à la sphère sociale, la photo acquiert un rôle de témoignage.
Elle estl'alliée du reporter qui en fait l'agent de la vérité.
L'histoire contemporaine nous parle à travers cesphotos célèbres : celle de l'enfant juif mains en l'air du ghetto de Varsovie, celle des corps.
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