PEUT-ON DIRE QUE LE « GARGANTUA » DE RABELAIS EST UNE OEUVRE DÉSALTÉRANTE ?
Publié le 17/05/2020
Extrait du document
«
PEUT-ON DIRE QUE LE « GARGANTUA » DE RABELAIS EST UNE
ŒUVRE DESALTERANTE ?
NB : les numéros de page se réfèrent à l’édition Pocket Classiques.
Le Pantagruel eût un succès tellement retentissant, que cela décida François Rabelais à
se lancer e n 1534/1535 dans la rédaction de Gargantua .
On peut se demander à quoi tient la
notoriété des histoires de ces géants éponymes.
Ces récits semblent en effet bien amusants.
Des adjectifs en ont été tirés dans le langage courant et aujourd’hui encore, de grands
gourmands pourraient se faire traiter de pantagruéliques ou de gargantuesques.
La phrase
professée par G argantua « je bois pour les soifs de demain », prêtant spontanément au sourire,
est presque devenue la devise emblématique du personnage.
Mais Gargant ua se résume -t- il
seulement à un simple divertissement ? Ne comporte-t- il pas un second niveau de lecture plus
profond ?
Le caractère carnavalesque du récit sera explicité, puis ses limites seront analysées, avec des
critiques religieuses, politiques et éducatives subreptices.
Au premier abord, l’œuvre semble être le pur fruit de la distraction de son auteur.
La
lecture devrait simplement être effectuée dans l’optique du divertissement.
Le récit semble être comme un rafraîchissement : agréable, léger et frais.
Ce dernier adjectif,
antonyme de mûr, signifie que le lecteur ne devrait pas se poser de questions et simplement
profiter d’une histoire s’apparentant au conte populaire.
Celle -ci est en effet empreinte de
trivialité et plongée dans le registre com ique.
Les thèmes abordés sont ceux du vin, du sexe,
de la nourriture et des excréments, et ce sans désinvolture.
D’abord, le prologue est dédié aux
« beuveurs tresillustres et Verolés tresprecieux » (p.34) et le chapeau (p.32) répète trois fois le
terme « rire » et se termine par la phrase, inscrite en lettres majuscules pour en souligner
l’importance, de « VIVEZ JOYEUX ».
Le texte est ainsi imprégné d’alcool, le champ lexical
du verbe « boire » parcourant l’œuvre entière, avec de nombreuses injonctions « à boyre ! à
boyre ! ».
Ce qui est amusant, c’est qu’elles sont le plus souvent proférées par Gargantua ou le
frère Jean des Entommeures.
Pour le premier, à peine sorti du ventre de sa mère, ce furent ses
premières paroles (p.79), alors qu’un bébé n’est pas censé parler dès sa naissance et encore
moins être capable de prononcer les moins faciles des phonèmes.
Le second personnage est un
m oine , se saouler est donc plutôt atypique pour sa condition.
Si du moins il a le droit de boire
à certaines occasions, il le fait ici de manière récurrente et démesurée.
Rabelais emploie en
plus du comique de situation, celui de mots à son égard, en lui faisant professer la
comparaison tendancieuse « eau benite de cave » (p.152) et inventer l’adverbe de manière
« boyre theologalement » (p.158).
Il parodie la célèbre prière « venite adoremus » en « venite
apotemus » (p.324) et au respect du « service divin » demandé par un prieur, il répond par le
calembour « service du vin » (p.226), invitant à adorer un nouveau Dieu- bouteille.
Cette
consommation de vin leur inspire très souvent des propos d’un humour grivois portant sur la
sexualité.
Les relations sexuelles sont d’abord évoquées grossièrement : la comparaison « ils faisoient
eulx deux souvent la bête à deux douz, joieusement se frotans leur lard » (p.60) renvoie à
l’acte fait de manière bestiale.
Celle de « [elles] passoyent leur temps à la fayre revenir entre
leurs mains comme la paste dedans la met » (p.112) évoque la brutalité et la banalité de la
masturbation effectuée à Gargantua par ses servantes.
Alors qu’il vient seulement d’atteindre
1.
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