Peut-on concilier le pouvoir de l'État et la liberté individuelle ?
Publié le 15/05/2020
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Est-il paradoxal de vouloir accorder le pouvoir de l'État et la liberté individuelle ? Cette question montre bien lecaractère problématique de cet accord : la finalité de l'État, qui règle la vie du groupe, va-t-elle de pair avecla finalité de l'individu ? La liberté de l'individu peut-elle s'accomplir dans l'État ? Ont-ils les mêmes intérêts ?À cette question, la réponse de Spinoza est sans ambiguïté : seul l'État garantit la liberté de chacun.En effet, le pouvoir de l'État incarne l'intérêt général.
Il ne domine pas les individus, il ne les aliène pas.
Aucontraire, il permet à la liberté de chacun de se manifester plus librement que dans le monde naturel de laviolence individuelle.
Le pouvoir de l'État est celui des citoyens : sinon, il exerce une fonction contraire à safonction première.L'État institue un droit positif et chaque citoyen vit sous sa loi.
La fin de l'État est la sécurité contre la crainte,l'accroissement des richesses contre les besoins.
« La fin de l'État est donc en réalité la liberté », c'est-à-direla fin consciente de l'homme raisonnable et de ceux qui aspirent à l'être.
L'homme raisonnable est capabled'opinions libres, d'indignation, de révolte même.
C'est pourquoi l'État qui bafouerait la sécurité et la liberté deses citoyens, se détruirait lui-même.
Un État qui voudrait interdire la liberté de penser et de s'exprimer nepourrait que survivre puis mourir.Spinoza souligne que seule la démocratie convient aux hommes : ce n'est pas un régime politique parmid'autres, c'est l'essence de tout régime raisonnable.
La démocratie est la vraie nature de la société comme laraison est la vraie nature de l'individu.
La démocratie concilie pouvoir de l'État et liberté individuelle.Avant Rousseau et Montesquieu, Spinoza définit l'État comme source et gardien des libertés individuelles.
«Pour jouir de la liberté il faut que chacun puisse dire ce qu'il pense [...] et pour la conserver, il faut encore quechacun puisse dire ce qu'il pense », écrit Montesquieu dans L'Esprit des lois.
1.
INTRODUCTION
Il est difficile d'apprécier le rôle de l'État à partir des seules invectives du discours politique, sans s'interroger sur saraison d'être.
Tantôt exalté, tantôt vilipendé, l'État fait l'objet des accusations les plus diverses, des louanges etdes critiques les moins nuancées.
Gardien des libertés grâce à l'ordre qu'il maintient, ou au contraire fossoyeur decelles-ci pour la même raison, l'État semble présenter un double visage.
Peut-on s'en tenir à cette apparencecontradictoire, qui fait de toute critique ou de toute apologie de l'État quelque chose d'ambigu ou d'abstrait,puisqu'on ne semble retenir alors qu'un cas de figure pour fonder le jugement de valeur ? Au-delà des circonstancesparticulières qui déterminent cette vision changeante ou incertaine des choses, et les opinions qui s'y attachent, laphilosophie invite à examiner les questions à partir d'une réflexion sur les fondements de l'État, référant ainsi toutjugement porté sur lui à ce qui définit sa raison d'être, ou à ce qui devrait la définir, ce qui est souvent trèsdifférent.
Dans cette perspective, elle permet de situer rigoureusement l'une des questions les plus fréquentes et lesplus essentielles : l'État restreint-il la liberté individuelle ?
2.
DÉVELOPPEMENT
• Première partie : analyse du sujet
Un examen de la formulation de la question fait apparaître d'emblée un statut différent des notions en jeu, tellesqu'elles sont situées l'une par rapport à l'autre.
L'idée que l'État puisse restreindre la liberté individuelle présupposeque celle-ci existe, ou pourrait exister, avant l'intervention de l'État.
Si tel est le cas, comment la définir ? Parailleurs, le caractère très général de la question permet d'envisager deux points de vue distincts.
On ne dit pas :«L'État restreint-il nécessairement (toujours) la liberté individuelle ?» ou encore «Tout État restreint-il la libertéindividuelle ?» ; car alors serait en jeu une seule interrogation : celle qui porte sur l'essence de l'État et sesimplications en ce qui concerne la liberté individuelle.
On ne dit pas non plus «Certains États restreignent-ils laliberté individuelle ? », car alors l'interrogation porterait seulement sur certaines réalités de fait, envisagées dansleur discordance par rapport à une réalité de droit, celle d'un État agissant conformément à son fondement, c'est-à-dire légitimement.
L'ambiguïté de la question conduit donc à une prise en charge des deux cas de figure, c'est-à-direà la mise en oeuvre de la distinction du droit et du fait.Bien sûr, c'est de la définition même de l'État, et de la nature des exigences auxquelles il doit répondre que dépendpour une large part la réponse à la question.
Ensemble d'institutions et d'organes de pouvoir qui se tient (latin =stat) en face de la société civile, l'État est en effet l'objet de perceptions diverses qui faussent souvent la définitionqui peut en être donnée, notamment à la faveur d'une confusion fréquente entre le droit et le fait : tantôt pensécomme la forme même que prend la communauté humaine lorsqu'elle se saisit dans son unité et sa nécessairecohérence, tantôt appréhendé comme instance «extérieure» qui s'imposerait à la société sans procéder d'elle.L'opposition de ces deux «figures» ne relève-t-elle pas d'un processus à expliquer ?Quant à la liberté individuelle, elle doit être envisagée elle aussi en sa spécificité.
Pouvoir d'agir reconnu en droitet/ou effectivement mis en oeuvre, la liberté peut se dire d'un individu ou d'un groupe, mais aussi se diversifier enfonction des types d'action en cause : liberté de penser, de se déplacer, de s'exprimer, de décider de ce qui importeà la conduite de l'existence en étant son propre maître.
La liberté individuelle est propre à l'individu en tant que tel,c'est-à-dire en tant que sujet unique reconnu irremplaçable, auteur singulier de ses pensées et de ses actes, pourlesquels il dispose d'une sphère personnelle.
Affirmer la liberté individuelle, c'est se référer à cette sphère d'actionpropre à l'individu, et en poser la valeur distinctive.
Comment la délimiter, et dans le cadre de quelles exigences ?Question décisive impliquée dans le sujet.Esquissons la démarche de réflexion.
Il faudra, dans un premier temps, se demander quelle peut être cette libertéindividuelle qui préexiste à l'intervention de l'État, et réfléchir sur ses éventuelles limites, voire sur le sensproblématique qui peut être le sien.
Dans un deuxième temps, les fondements de l'État seront envisagés en relation.
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