Pérou (2003-2004): Scandales politiques et mémoire douloureuse
Publié le 20/09/2020
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«
La crise politique, perceptible depuis la proclamation de l’état d’urgence en
mai 2003, s’est aggravée avec le déclenchement de nombreux scandales touchant
les plus hauts responsables.
Le Premier ministre de fraîche date (juin 2003),
Beatriz Merino (remplacée par Carlos Ferrero, le 16 décembre 2003), et le
vice-président, Raul Diez (qui a démissionné le 1er février 2004), ont
notamment été impliqués dans des affaires de trafic d’influence et de népotisme.
En outre, deux scandales ont touché un proche conseiller du président Alejandro
Toledo, Cesar Almeida, et le représentant du Front indépendant moralisateur
(FIM), Fernando Olivera, par ailleurs ambassadeur en Espagne, qui entretenaient
des liens avec le réseau de corruption de l’ancien président Alberto Fujimori
(1990-2000).
L’opposition a dès lors réclamé le départ d’A.
Toledo, qui a
cependant obtenu un répit, le 16 février 2004, en recomposant la moitié du
gouvernement et en incorporant des personnalités non issues du sérail politique.
Ces événements ont affaibli le parti présidentiel, Pérou possible (PP),
désormais privé du soutien du FIM, qui était son seul allié.
La formation rivale, l’APRA (Alliance populaire révolutionnaire américaine), a
toutefois refusé d’entrer au gouvernement, continuant de fustiger la corruption
qui entache les proches du président.
Le nouveau cabinet, qui selon elle
s’inscrivait dans la continuité du précédent, lui apparaissait peu crédible.
De plus, l’opposition des syndicats a été ravivée par le retour de Pedro
Kuzcynski à la tête du ministère de l’Économie (il avait été contraint au
départ, en juin 2002, à la suite du soulèvement d’Arequipa contre la
privatisation de l’électricité).
Cette nomination, en confirmant le choix d’une
politique néolibérale – pourtant décriée pour n’avoir pas permis de réduire la
pauvreté –, a accentué la perte de crédibilité d’A.
Toledo sur le plan social,
en dépit d’une croissance économique de près de 4 % en 2003 (en baisse par
rapport à 2002).
Enfin, A.
Toledo a été affaibli par la démission, début mai
2004, du ministre de l'Intérieur Fernando Rospigliosi, jugé passif après le
lynchage par la foule en colère, le 26 avril, du maire d'Ilave, Cirilo Robles,
accusé de corruption.
L’enjeu de l’exportation du gaz bolivien a suscité des tensions entre le Pérou
et le Chili, car le choix du tracé du gazoduc, passant par l’un ou l’autre pays,
était en suspens.
Cela a ressuscité un différend historique entre les trois
pays, lié à la guerre du Pacifique (1879-1883).
La crise politique, qui atteint aussi bien A.
Toledo que l’ensemble des
institutions, a sans aucun doute été accentuée par la publication, le 28 août
2003, du rapport de la commission Vérité et réconciliation (CVR), chargée
d’enquêter sur les meurtres et disparitions d’opposants politiques, entre 1980
et 2000.
Ce rapport fixe le chiffre de personnes tuées ou disparues durant cette
période à 69 000, soit deux fois plus que les estimations officielles.
Il
dénonce les crimes commis en particulier par le Sentier lumineux, guérilla
maoïste démembrée en 1992, mais établit également la responsabilité de
nombreuses institutions dans la violence politique d’État et les violations des
droits de l’homme : celle des gouvernements successifs, de la police et de
l’armée, mais aussi de franges de l’Église catholique, du Congrès et du pouvoir.
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